« La dictature n’arrive jamais soudainement, mais étape par étape »

« La dictature n’arrive jamais soudainement, mais étape par étape »
« La dictature n’arrive jamais soudainement, mais étape par étape »

Pour les opposants russes exilés en Géorgie, tout cela a un air de déjà-vu. Depuis deux mois, ce pays du Caucase est secoué par des manifestations massives contre la loi sur « l’influence étrangère ». Le texte, promulgué lundi 3 juin, est calqué sur une loi russe de 2012. Sous couvert de “transparence”elle vise à faire taire la société civile et les médias indépendants dans cette ancienne république soviétique.

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« En Russie, ça a commencé comme çase souvient la militante russe Anastasia Bourakova, fondatrice de l’ONG Kovcheg, qui vient en aide à ses compatriotes ayant fui après l’invasion de l’Ukraine en 2022. Dans un premier temps, seules les ONG étaient ciblées. La loi a ensuite été étendue aux médias, puis aux particuliers. Des militants de la société civile, des journalistes et des défenseurs des droits humains ont été pris pour cible. » En quelques années, le texte est devenu un outil de répression politique au service du Kremlin pour faire taire toute voix critique.

Le même sort menace aujourd’hui la Géorgie, où la société civile et les médias indépendants constituent le dernier bastion contre les excès autoritaires de l’homme fort du pays, Bidzina Ivanishvili, face à une opposition affaiblie et un président aux pouvoirs limités. “Cette loi est très inquiétante, c’est un pas vers la dictatureprévient Mmoi Bourakova. Cela n’arrive jamais d’un seul coup, mais étape par étape : d’abord, un groupe est ciblé, puis un autre et, au final, il suffit d’avoir publié un message sur Facebook pour être incriminé. »

Anastasia Bourakova, fondatrice de l’ONG Kovcheg, vient en aide aux Russes ayant fui après l’invasion de l’Ukraine, à Tbilissi, le 21 mai 2024. ADRIEN VAUTIER / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE »

La défenseuse des droits humains, en exil à Tbilissi depuis 2021, a elle-même été qualifiée d’« agent étranger » en Russie en décembre 2023 pour avoir accordé des interviews à des médias extranationaux au nom de son organisation. « Aujourd’hui, en Russie, il n’est pas nécessaire d’avoir des revenus étrangers pour être considéré comme tel, il suffit d’avoir une « influence étrangère » sous quelque forme que ce soit. Cette étiquette vise à vous stigmatiser en vous désignant comme une sorte d’espion, d’ennemi de l’État. » Anastasia Bourakova doit, selon la loi russe, désormais écrire qu’elle est un « agent étranger » à chaque fois qu’elle publie un message sur ses réseaux sociaux. “Même si je fais un commentaire sur un chat”, dit-elle en roulant les yeux. L’opposant refuse de le faire, au risque de faire l’objet de poursuites pénales, voire d’une demande d’extradition.

Avec l’adoption de la loi sur « l’influence étrangère » en Géorgie, celle-ci pourrait désormais, ici aussi, être qualifiée de « « poursuivre les intérêts d’une puissance étrangère », son organisation recevant plus de 20 % de son financement d’autres pays. Cette situation la fait presque sourire : « Je serais deux fois agent étranger, en Russie et en Géorgie. »

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