Entre janvier 2015 et novembre 2023, quelque 888 enfants atteints du scorbut ont été hospitalisés en France. Le retour d’une maladie disparue.
Elle était surnommée « la peste des mers » et faisait des ravages chez les marins partis en expédition pendant des mois : le scorbut. On pensait qu’il avait disparu, mais il est de retour. Le nombre de cas chez les enfants a augmenté en France depuis la pandémie de Covid-19, selon une étude réalisée par plusieurs équipes médicales de l’hôpital Robert Debré (AP-HP), de l’Inserm, de l’université Paris-Cité et du service de pédiatrie de Cayenne. hôpital en Guyane.
Dans le détail, 888 patients mineurs souffrant du scorbut ont été hospitalisés entre janvier 2015 et novembre 2023. Une augmentation liée à l’inflation et à l’augmentation de la précarité.
De quoi parle-t-on exactement ? Le mot scorbut vient de la langue des Vikings : « skyrbjurg », composé des mots skyr, « lait caillé », et bjugr, « œdème ». “L’apparition d’œdèmes a été attribuée à la consommation importante de lait caillé par les marins lors de leurs voyages”, explique le Centre national de ressources textuelles et lexicales. Si les causes du scorbut sont bien alimentaires, elles ne sont pas de cet ordre.
“On estime que le scorbut a causé 2 millions de morts entre le XVIe et le XXe siècle”, assure Ulrich Meinzer, coordinateur de l’étude sur l’augmentation des cas de scorbut chez les enfants, assure sur BFMTV.com.
“C’est une maladie d’un autre -.”
Saignement des gencives, perte des dents
Le scorbut, souvent associé à des épisodes de malnutrition ou de famine, est provoqué par une carence profonde et prolongée en vitamine C, également appelée acide ascorbique. « La vitamine C permet au collagène de maintenir sa structure. Sans cela, les tissus comme les vaisseaux sanguins perdent leur cohésion et finissent par être endommagés », explique Sciences et futur.
Parmi les symptômes : une fatigue importante, des saignements des gencives, une perte de cheveux et de dents, des hémorragies et des douleurs articulaires. « J’ai vu arriver des enfants avec des douleurs au niveau des muscles squelettiques, une fragilité des vaisseaux, des petites hémorragies au niveau des gencives », se souvient Ulrich Meinzer, coordinateur responsable du service de pédiatrie générale, spécialité rhumatologie pédiatrique à l’hôpital Robert-Debré. (AP-HP).
« Le scorbut est une maladie extrême mais qui a quasiment disparu. Ces cas étaient vraiment surprenants et inattendus. Nous ne devrions pas rencontrer cette maladie en France.
Le médecin discute avec d’autres rhumatologues pédiatriques qui confirment avoir également rencontré des cas de scorbut. C’est le point de départ de l’étude. “Nos résultats sous-estiment certainement la réalité de la situation puisque nous n’avons pris en compte que les cas ayant subi une hospitalisation”, s’inquiète Ulrich Meinzer.
Agrumes, tomates, brocolis
Une maladie potentiellement mortelle. Pour l’exemple du voyage de Vasco de Gama en 1497 qui permit de retrouver la route des Indes en contournant le cap de Bonne-Espérance : « le scorbut apparut après douze à quinze semaines de navigation et entraîna en onze mois la perte de 120 marins sur 160″, counts The Revue de Biologie Médicale.
Parce que la vitamine C est essentielle au métabolisme. Cependant, le corps humain n’est pas capable de le produire, il doit donc être apporté par l’alimentation. On le retrouve dans les fruits, notamment dans les agrumes (orange, citron, clémentine) mais aussi dans les fraises, les kiwis ou les myrtilles. Au XIXe siècle, le scorbut disparaît de la marine grâce à l’ajout de jus de citron ou d’orange dans la ration des marins.
Les légumes en contiennent également – tomates, pommes de terre, brocolis, choux de Bruxelles, chou-fleur, cresson et même choucroute. Mais cuisiner détruit en partie la vitamine C. En 2016, en Australie, onze patients ont reçu un diagnostic de scorbut. Ils mangeaient des légumes mais les faisaient trop cuire.
“Une cuisson douce limite la perte de vitamine C”, explique le docteur Ulrich Meinzer.
110 mg par jour pour un adulte
Dès une consommation inférieure à 10 mg par jour, des symptômes apparaissent. «De telles carences sont vraiment déroutantes à notre époque», déclare le pédiatre Ulrich Meinzer. Un à trois mois de cette profonde carence en vitamine C suffisent pour que la personne tombe malade.
Cependant, la maladie peut être relativement bien guérie : en dix à quinze jours avec un gramme de vitamine C (médicament) par jour. Les symptômes disparaissent même en quarante-huit heures. Pour rappel, l’apport nutritionnel recommandé en vitamine C est de 110 mg par jour pour un adulte, indique Anses. Pour les enfants, il s’agit de 20 mg de 1 à 3 ans, 30 mg pour ceux de 4 à 6 ans, 45 mg de 7 à 10 ans et 70 mg de 11 à 14 ans.
La vitamine C ne peut pas être stockée, son apport doit donc être régulier. “Une personne prenant plusieurs fois cette dose quotidienne ne sera pas forcément en meilleure santé, car au-delà de 1000 mg l’organisme n’absorbe plus aussi efficacement la vitamine C et l’excédent est évacué dans les urines”, développer National Geographic.
Pas besoin de compléments alimentaires, la nourriture couvre largement les besoins. Pour information, une orange contient en moyenne 90 mg de vitamine C, un kiwi 80 mg et une clémentine 20 mg. “En mangeant cinq fruits et légumes par jour, il n’y a aucun risque de scorbut”, renchérit Ulrich Meinzer, qui reste néanmoins inquiet.
“Le scorbut n’est pas une maladie infantile”, rappelle le médecin. « Que des enfants souffrent du scorbut signifie qu’ils n’ont pas une alimentation qui leur permette d’être en bonne santé, que leurs parents n’ont pas les moyens de les nourrir correctement, certains m’ont même dit qu’ils se privaient de nourriture. Il y a une urgence.