John Grant, « The Art of The Lie », pop grandiose et sombre

John Grant, « The Art of The Lie » : pop grandiose et sombre

Publié aujourd’hui à 16h27

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Tout commence par un énorme funk plissant les yeux sur la sueur chaude des pistes de danse disco. Cette élégance distanciée alliée à une pop grandiose évoque David Byrne et ses Talking Heads, David Bowie ou Peter Gabriel dans ses compositions addictives.

La chanson qui ouvre le dernier album de John Grant, un auteur-compositeur du Michigan âgé de 56 ans en juillet, donne l’ordre du jour : « All That School For Nothing » – toutes ces études pour rien. Extrait des paroles : « Toute cette thérapie et cet argent dans les toilettes » – combien de thérapie et d’argent dépensés en prunes. Lorsque John Grant raconte sa vie, il ne ment pas. Même si cela signifie se blesser. Son sixième opus devait-il trouver un titre qui corresponde au sujet ? Ce sera « L’Art du mensonge ». L’art de mentir. John Grant joue contre le bon sens. En apparence du moins. Comme John Grant chante aussi de la pop à l’envers, le résultat est une merveille.

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Le point chaud, centre palpitant de ce sixième opus studio en quinze ans, se retrouve dans « Marbles ». Les rythmes électroniques, évoquant le rock industriel, s’ouvrent sur un paysage cinématographique dramatique, turbulences et vrombissements creusant l’espace autour de la ligne vocale, elle-même consumée par les filtres informatiques. Lorsque le refrain arrive, sur une échelle majeure, l’effet devient encore plus émouvant.

John Grant commence ainsi : « Vous me faites perdre la tête » – vous me faites perdre la tête. Puis « Mes paroles sortent par à-coups » – mes paroles sortent en vrac et en désordre. Le refrain magique se termine : « Il n’y a personne sur cette Terre avec qui je préfère… »

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Il faut chercher dans les musiques de films, parmi les synthétiseurs de Vangelis et de John Carpenter, la matière dont John Grant s’est inspiré pour façonner « L’Art du mensonge ». On retient notamment l’ouverture, aussi majestueuse qu’inquiétante, de « Coureur de lame » – « le plus beau son que j’ai jamais entendu » commente John Grant dans le texte accompagnant la sortie du disque. Inspiration évidente sur les chansons « Daddy » et « The Child Catcher », les passages les plus mélancoliques de l’album.

Les modèles féminins nourrissent également la créativité de John Grant. Polyglotte, parlant russe, allemand, espagnol, islandais, suédois et français, le quinquagénaire tient en grande estime le plus radical des paroliers et interprètes français, Brigitte Fontaine, 84 ans. Comme cette figure emblématique du disco, Grace Jones, 76 ans. Le producteur Ivor Guest avait travaillé pour les deux dames ? John Grant l’a embauché pour « L’Art du mensonge ».

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De quels « mensonges » s’agit-il alors, puisque John Grant ne cache rien ? Celles que pointe le chanteur dans « The Art of The Lie » concernent les fondamentalistes chrétiens, les suprémacistes, cette extrême droite dont se régale sans vergogne la politique nord-américaine. À leur sujet, John Grant déclare, toujours dans les notes de pochette de l’album : « Ils considèrent les personnes LGBTQ+ et les personnes non blanches comme étant génétiquement et même mentalement inférieures et pensent que tous les indésirables doivent être forcés soit à se convertir au christianisme et à adhérer aux enseignements de la Bible telle qu’ils les interprètent, ou être éliminés afin que la pureté puisse être restaurée dans « leur » nation.

Né dans une famille méthodiste, John Grant reste une éternelle « déception » pour ses parents, voués à l’enfer, selon l’interprétation la plus rigide de la Bible. La chanson « Father », sur son père, exprime cette incompréhension fondatrice. Sans doute l’un de ses textes les plus troublants et les plus tristes. Il y a, chez Grant, une manière si particulière de lier cette innocence qu’on voudrait être spécifique à l’enfance et à la dureté, sinon à la cruauté, du monde des adultes.

John Grant aura 56 ans en juillet 2024. Son humeur s’est stabilisée semble-t-il. Parce que John Grant a parcouru un long chemin. Il garde un souvenir mitigé de la scène gay qui l’a vu faire ses premiers pas dans les années 1990. Se confiant au magazine britannique « Attitude » en 2017 : « Si vous êtes belle et que vous avez les bons gènes, la scène gay est un endroit où l’on peut être adoré. Mais si ce n’est pas le cas, c’est une autre histoire.

La décennie suivante a vu Grant devenir le leader de The Czars, une sensation folk pop des années 2000. Fondateur du label Bella Union, le bassiste des Cocteau Twins Simon Raymonde, groupe culte adulé par Grant, a édité le groupe jusqu’à son dernier enregistrement, en 2004. Star en devenir, John Grant quitte The Czars en 2006 pour se retrouver serveur, incapable de revenir sur scène.

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Comment se perçoit-il désormais ? Aujourd’hui orné d’une magnifique barbe de bûcheron, le quinquagénaire pose allègrement dans un pull en laine islandaise. L’île volcanique, qu’il appelle « Hawaï froide et sans arbres », l’a « sauvé ». Comme il l’expliquait au quotidien « The Observer » en 2015. Sauvé de la drogue, de l’alcool, mais aussi d’une sexualité frénétique et destructrice. Quelques années plus tôt, en 2012, John Grant avait annoncé publiquement qu’il avait contracté le VIH.

L'image de couverture de « The Art of The Lie », de John Grant.

Combien de chansons pour effacer les peurs, les souffrances, les besoins non satisfaits ? Il y a aussi une envie, parfois même un ravissement, une amélioration. Le titre « Billes », cité plus haut, pourrait être de ce type. Mais le texte reste trop ambigu pour trancher. « La musique et l’humour sont les moyens que j’ai toujours utilisés pour faire face au côté sombre de la vie. À bien y penser, c’est aussi comme ça que je vois le bon côté des choses.

“L’art du mensonge”, John Grant, Bella Union

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