Objets d’un véritable engouement, Ozempic et Wegovy, deux médicaments contre le diabète et l’obésité, sont utilisés par certains pour perdre du poids au-delà de tout contrôle médical. Le professeur Milou-Daniel Drici, expert au « Prac » (comité d’évaluation des risques de pharmacovigilance rattaché à l’EMA) et chef du centre de pharmacovigilance du CHU de Nice, met en garde contre ces écarts de prescription, alors que les scandales autour de l’Isomeride ou du Médiator se prolongent. dans l’esprit de chacun.
Qu’est-ce qui différencie Wegovy d’Ozempic ?
Ozempic et Wegovy sont tous deux produits par le laboratoire danois Novo Nordisk, et contiennent le même principe actif : le sémaglutide. Ils diffèrent par la quantité de principe actif et leurs indications. Ozempic contient entre 0,25 et 1 mg de sémaglutide ; il est remboursé pour traiter le diabète en deuxième intention – en complément des règles sanitaires et alimentaires, de l’exercice physique et de la metformine – et est administré par auto-injection hebdomadaire. Depuis octobre 2024, cette même molécule est proposée à dose plus élevée (jusqu’à 2,4 mg, une fois par semaine) avec une indication dans le traitement chronique de l’obésité (indice de masse corporelle supérieur à 35), sans pathologie diabétique, sous la marque Wegovy. Il n’est pas remboursé.
Comment en est-on arrivé à la commercialisation de Wegovy ?
En plus de son puissant effet antidiabétique, le sémaglutide réduit considérablement le poids. Cela a conduit son fabricant, Novo Nordisk, à l’évaluer à une dose plus élevée dans l’obésité pour voir s’il pouvait réduire la morbidité et la mortalité, ce qu’il a fait.
Comment cet ingrédient actif affecte-t-il le poids ?
Le sémaglutide est un analogue des incrétines, des hormones gastro-intestinales qui stimulent la sécrétion d’insuline et réduisent la sécrétion de glucagon. Cela ralentit également la vidange gastrique. Il agit ainsi comme coupe-faim en induisant une sensation de satiété qui réduit la prise alimentaire, et donc le poids (jusqu’à 15 %).
Wegovy peut-il être considéré comme un médicament miracle contre l’obésité ?
Certainement pas – même s’il possède même des propriétés anti-Alzheimer ! Si les patients ne respectent pas des règles strictes d’hygiène et d’alimentation, en lien avec le traitement, notamment en limitant leur consommation de sucres, une reprise de poids est inévitable après l’arrêt du traitement.
Qu’est-ce qui justifie les alertes lancées depuis 2023 concernant Ozempic ?
Via le réseau social TikTok notamment, Ozempic a été popularisé pour abus de son indication et hors prescription médicale pour perdre quelques kilos qui auraient très bien répondu à un petit régime. C’est ce qui a amené l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et l’Assurance maladie à alerter sur les risques liés à un mésusage de ce médicament antidiabétique. Par ailleurs, compte tenu des tensions d’approvisionnement, le respect d’indications strictes est essentiel pour garantir leur disponibilité pour les patients qui en ont le plus besoin.
Quels sont les risques d’un mauvais usage de ces médicaments ?
Ces médicaments sont étroitement surveillés et, à ce jour, des effets secondaires principalement gastro-intestinaux ont été rapportés : constipation, diarrhée, vomissements, ballonnements, ainsi que de rares cas d’allergies ou de chute de cheveux. Mais la pharmacovigilance continue de surveiller attentivement leur utilisation à grande échelle.
D’autres médicaments ciblant l’obésité sont-ils en cours de développement ?
Aux Etats-Unis, le marché de l’obésité pourrait représenter 100 milliards de dollars d’ici 2030. Il est certain que d’autres laboratoires innovent dans ce domaine pour capter une partie de ce gigantesque marché.
L’industrie pharmaceutique, loin d’être philanthropique, investit dans des domaines où elle peut espérer des bénéfices financiers à long terme.
Il existe d’autres antidiabétiques qu’Ozempic, avec les mêmes effets sur le poids. Pourquoi n’ont-ils pas fait l’objet du même abus de leur indication ?
Les réseaux sociaux et un marketing bien orchestré ont contribué à cet engouement, qui a généré plus de 6 milliards de dollars de revenus pour Novo Nordisk en 2023.