Des dizaines de milliers de téléphones portables sont saisis chaque année en prison.
Bien qu’ils soient interdits, certains détenus les utilisent pour gérer leur trafic voire sponsoriser des délits à distance.
Une équipe de TF1 a suivi une équipe d’intervention lors d’une perquisition façon commando.
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Le 20 heures
Le directeur les a convoqués bien avant l’aube. A l’intérieur de la prison de Tarascon, dans les Bouches-du-Rhône, les perquisitions mensuelles sont sur le point de démarrer. « Nous allons fouiller le troisième étage car nous avons eu des violences ce week-end » raconte Fabienne Gontiers, directrice de ce centre de rétention. Une opération surprise sous la protection des Éris, ces équipes régionales d’intervention et de sécurité chargées des missions les plus sensibles. “Nous irons chercher les choses habituelles, les objets dangereux pour le personnel, les stupéfiants, les téléphones”, elle énumère.
En mode commando, la vingtaine de policiers s’engouffrent silencieusement dans un dédale de passages. « Nous sommes silencieux. Calmez-vous les gars ! » » exhorte un officier. Il est 6 heures du matin, les détenus dorment encore. Au total, 600 hommes en cellule individuelle, tous déjà condamnés à des peines supérieures à deux ans de prison. “Allez, allons-y”, » exhorte un officier avant d’ouvrir une cellule. “On se lève, fouille la cellule, face au mur, écarte les jambes”s’adresse-t-il en direction du détenu. Première palpation pour vérifier qu’il ne dispose d’aucun objet dangereux. Dirigez-vous ensuite vers les toilettes pour une fouille corporelle.
Je suis suivi par des superviseurs sur TikTok et en général, à chaque fois que je fais des lives, j’ai droit à des recherches.
Un détenu
Dans la cellule, la recherche commence. Les agents d’Eris ne s’arrêtent pas aux cachettes les plus évidentes. Tout objet peut être suspect. Sous l’évier par exemple. “L’évier est creux, ça pourrait être une potentielle cachette”, souligne l’un d’eux. Au même moment, dans une cellule voisine, l’équipe d’intervention met la main sur un téléphone portable et un câble avec un petit chargeur. “Il était caché dans le réfrigérateur, précise le superviseur. C’est la dernière cachette à la mode. La cachette se trouve directement dans la lampe. Ils s’amusent à fouiller à l’intérieur, à démonter, à creuser, à cacher le téléphone juste là. »
Formellement interdits, 53 000 téléphones portables ont été saisis en prison l’an dernier. « Vous aurez une procédure disciplinaire. Il y aura des conséquences à supporter.” prévient l’agent. Pour ce téléphone, le détenu risque 20 jours de réclusion disciplinaire et d’éventuelles poursuites pénales pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison supplémentaires. Un fléau, car derrière les barreaux, les détenus peuvent poursuivre leurs trafics ou leurs violences conjugales, par exemple.« Plusieurs fois par semaine nous avons des gens qui nous disent qu’ils sont harcelés par téléphone, qu’ils en souffrent, ils nous demandent d’intervenir dans ce harcèlement par téléphone portable. Nous procéderons alors à des recherches ciblées », explains Fabienne Gontiers.
Ces recherches ciblées peuvent être quotidiennes. Téléphoner en prison est pourtant un droit, via des téléphones fixes installés dans chaque cellule et dans les couloirs. La liste de contacts est validée par l’administration pénitentiaire et les appels payants peuvent être écoutés.
Déjà une heure et demie de recherche, dans les étages, les esprits s’échauffent. Bilan de l’opération : sur 14 cellules fouillées, trois smartphones retrouvés et une clé USB, ainsi que des stupéfiants. Même si cette prison est équipée d’un brouillage total des téléphones portables, il n’y en a qu’une vingtaine en France. « Il n’existe aucun système totalement invincible. Il y a du brouillage, il y a des portails et il faut absolument les compléter par une sécurité active. C’est l’observation du personnel, mais aussi les fouilles en détention”, recommande le directeur du centre de détention.
Livraisons par drones
A l’extérieur de la prison, Mathieu Merlin, surveillant et secrétaire local du syndicat pénitentiaire national FO, critique un matériel déjà vétuste : “Lorsque le contrat et les marchés publics ont été signés, la 5G n’était pas encore disponible et malheureusement, certains téléphones équipés de la 5G peuvent encore communiquer.” Comment ces téléphones finissent-ils en prison ? Une semaine plus tôt, ce superviseur a été témoin d’une livraison par drone. “Le drone se pose au-dessus de l’établissement avec une corde et un colis qui pendent, devant la cellule de celui qui doit le recevoir”, rapporte-t-il.
Des scènes de plus en plus fréquentes. Depuis leur portable, via les réseaux sociaux. Les détenus partagent leur quotidien depuis leur téléphone portable. Expériences culinaires, technique du yo-yo pour faire circuler des objets en prison, ou encore prix des téléphones portables. Un détenu a même été filmé en direct sur TikTok. Nous avons pu joindre l’un d’eux sur son téléphone portable, filtré, dit-il, par un ami dans la cour de la prison. « Je suis un peu suivi par les gardes sur TikTok et en général, à chaque fois que je fais des lives, j’ai droit à des recherches. Récemment, j’ai eu un téléphone saisi. Actuellement, j’en ai deux autres. C’est un jeu du chat et de la souris. Après, il y a des surveillants qui connaissent ces choses-là, mais comme on ne se fait pas mal à la tête, ils nous laissent vivre un peu notre vie. calme”, admet le détenu.
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Drones, projections, ces dispositifs sont également introduits avec la complicité des encadrants ou par les familles lors des parloirs. Notamment des mini-téléphones, en vente libre, de la taille d’un pouce, si petits que la quantité de métal est difficile à détecter. Les téléphones pullulent en prison. Du côté positif, selon ce policier, ils permettent aux enquêteurs d’écouter leur cible. Dans l’immédiat, le gouvernement veut donner la priorité aux trafiquants de drogue, les isoler dans des quartiers sécurisés et les perturber efficacement. Par ailleurs, 90 prisons devraient être équipées de dispositifs anti-drones d’ici un an.