Être adressé par Pivot – .

Être adressé par Pivot – .
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1975. Je vis en France, à Paris. J’ai 10 ans. Mes parents regardent religieusement la télé tous les vendredis soir à 21h40. Ils veulent absolument que nous écoutions en famille, avec mes quatre frères et sœurs aînés, une nouvelle émission intitulée Apostrophes. Nous l’avons écouté religieusement jusqu’à notre départ de France en 1977.

Je découvre, émerveillé, un animateur qui tient toujours ses lunettes dans une main et un livre dans l’autre, avide de mots, avide d’idées, avide de littérature. Je vois sur son plateau des intellectuels s’« apostropher », je vois des personnalités artistiques ou politiques débattre, des écrivains se promener.

C’est peut-être là, un vendredi soir, grâce à Bernard Pivot, que j’ai développé un tel amour des livres, des débats, des cris et du divertissement !

  • Écoutez l’interview de Rachel Binhas, journaliste à Marianne en France dans l’émission de Sophie Durocher via
    :
LE MEILLEUR ET LE PIRE

Au Québec, c’est sur TV5 qu’on a découvert Bernard Pivot. Et on l’a vu accueillir à bras ouverts de nombreux auteurs locaux, qui frémissaient de bonheur à chaque invitation. Gaston Miron, Michel Tremblay, Marie-Claire Blais, Léandre Bergeron, Jacques Godbout, Madeleine Ouellette Michalska, Dany Laferrière, Robert Lalonde, Pierre Falardeau, Lise Bissonnette, Gaétan Soucy ou René-Daniel Dubois « ont fait Pivot »… et la liste n’est pas complet.

Et c’était en 1990, sur le tournage deApostrophes, que les Québécois ont découvert que notre pasionaria Denise Bombardier était capable de tenir tête aux monstres sacrés, alors que ces monstres sacrés étaient des pédophiles comme Gabriel Matzneff. Bernard Pivot s’était montré particulièrement obligeant ce soir-là avec Matzneff. Il le présente comme un homme charmant : “S’il y a un vrai professeur d’éducation sexuelle, c’est Gabriel Matzneff, il donne des cours avec plaisir.”

Trente ans plus tard, Bernard Pivot l’expliquait ainsi : « Dans les années 1970 et 1980, la littérature passait avant la morale ; aujourd’hui, la morale passe avant la littérature. Moralement, c’est un progrès. Nous sommes plus ou moins les produits intellectuels et moraux d’un pays et surtout d’une époque. Quelle explication décevante ! Alors voyons ! Comme s’il était « moralement » acceptable de sodomiser des mineurs, et de raconter cela dans un livre, à condition de bien manier sa plume et d’y mettre du style !

On ne peut rendre hommage à Bernard Pivot sans rappeler aussi cette immense maladresse. S’il y avait un homme qui connaissait le poids des mots, c’était bien lui !

BOUILLON DE CULTURE

Je vous pose la question, et je ne cesserai de la poser jusqu’à ce que les pouvoirs en place me répondent : pourquoi n’y a-t-il pas au Québec, en ce moment, à Télé-Québec et à Radio-Canada, nos deux diffuseurs publics, des émissions entièrement consacrées aux livres et aux idées ?

Pourquoi, alors que les libraires se réjouissent de l’engouement des Québécois pour la lecture, n’y a-t-il pasApostrophes ou Bouillon de culture à la télévision publique ?

Pourquoi, pour entendre nos auteurs québécois dans des émissions consacrées au livre, faut-il se tourner vers la France et une émission comme La Grande Librairie?

Pourquoi une fillette de 10 ans de 2024, assise un vendredi soir devant sa télé avec sa famille, n’aurait-elle aucune chance de tomber devant un présentateur avide de mots, avide d’idées, avide de littérature ?

Qui faut-il « apostropher » pour faire bouger les choses ?

 
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