Yacht Rock : un documentaire | Embarquement sur le rocher du yacht

Certains le considèrent comme dédaigneux, d’autres comme flatteur, mais une chose est sûre : l’invention en 2005 du terme yacht rock a repêché des artistes tels que Toto, Steely Dan et les Doobie Brothers des eaux profondes du ringard. À l’occasion de la sortie d’un documentaire amusant sur le sujet, on a retrouvé Dwight Druick, l’un des musiciens québécois qui ont foulé les mêmes plages.


Publié hier à 11h00

Peu de genres musicaux sont baptisés 30 ans après leur naissance. Ce qui est pourtant le cas du yacht rock. Comme rappelé Yacht Rock : Un documentairele nom n’est apparu qu’en 2005, bien après la fin de la période dorée, soit environ de 1975 à 1985, durant laquelle Toto, Steely Dan, les Doobie Brothers, Christopher Cross et Kenny Loggins sortaient les disques phares de cette musique irrésistible. Une musique certes célébrée par de nombreux Grammys, mais longtemps réduite à la muzak de centre commercial par les arbitres du bon goût.

Enchaînements d’accords sous forte influence jazz, production hyper brillante, utilisation du piano électrique Fender Rhodes, sophistication dans le jeu des musiciens : le yacht rock est tiraillé de paradoxes, à la fois doux et complexe, raffiné et fromager, virtuose, mais jamais ostentatoire. .

Il aura fallu une websérie créée avec les moyens du bord (Yacht Rock, diffusée de 2005 à 2010), dans laquelle une bande d’amis incarnaient avec des perruques bon marché des versions satiriquement fictionnalisées des principales stars de cette ère, pour que leurs albums soient exhumés des bacs à rabais des disquaires d’occasion. Et embrassés par une jeune génération de créateurs, dont Mac DeMarco, Questlove et Thundercat, tous présents dans le documentaire.

Si bien qu’il existe aujourd’hui des chaînes de radio satellites consacrées au yacht rock, des groupes hommage, des listes de lecture et, évidemment, des croisières thématiques.

Une question d’influences

« J’ai toujours pensé que c’était flatteur qu’on se moque de nous », observe Michael McDonald, la voix de velours de nombreux classiques du genre, autant avec les Doobie Brothers (Takin’ It to the Streets, What a Fool Believes), qu’en solo (I Keep Forgettin’) ou en tant que choriste avec Steely Dan (Peg) et Christopher Cross (Ride Like The Wind).

Mais l’étiquette ne plaît pas à tout le monde, la courte interaction téléphonique du réalisateur de Yacht Rock : A Dockumentary, Garret Price, avec Donald Fagen de Steely Dan en étant la manifestation la plus antipathique (et hilarante).

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PHOTO FOURNIE PAR CRAVE

Steve Lukather de Toto

« Yacht rock ? Où est mon putain de yacht ? J’ai pourtant joué sur tous ces disques », s’exclame pour sa part le guitariste de Toto Steve Lukather en s’insurgeant, le sourire aux lèvres, contre cette appellation essentiellement inspirée par la détente digne d’une station balnéaire à laquelle convient ces refrains gratinés, ainsi que de certaines pochettes, dont celle de Full Sail (1973) de Loggins & Messina.

Au Québec, le rock de plaisance

« Ce n’est pas non plus mon expression préférée », lance l’Anglo-Montréalais Dwight Druick, joint par La Presse dans sa résidence de Kingston.

Je n’ai pas écrit ces chansons-là sur un yacht ! À l’époque, on appelait plutôt ça de la blue-eyed soul, du soft rock ou du smooth jazz.

Dwight Druick

Lancé en 1980, son album Tanger est une œuvre culte et une des pièces maîtresses d’un yacht rock à la québécoise. Le chroniqueur sportif de Radio-Canada Olivier Paradis-Lemieux a déjà proposé l’expression « rock de plaisance », comme dans embarcation de plaisance, afin de désigner également les trois albums de Diane Tell parus entre 1979 et 1982 (Entre nous, En flèche, Chimères), les airs tout légers de Pierre Bertrand ainsi que ceux du regretté Gilles Rivard.

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IMAGE FOURNIE PAR FAVORITE RECORDS

L’album Tanger de Dwight Druick

« Je pense que si Tanger ressemble aux albums de certains artistes américains associés au yacht rock, explique Dwight Druick, c’est parce qu’on venait des mêmes influences soul, jazz et R&B. »

Grâce à Boule Noire

C’est grâce à son amitié avec Boule Noire que Dwight Druick s’est engagé dans la création de ce disque (réédité en 2019 par l’étiquette française Favorite Records). Issu du folk, il a enregistré à Londres en 1974 l’unique album du duo Druick & Lorange (aussi prisé des collectionneurs), mais en était quelques années plus tard à gagner sa vie grâce à des ritournelles publicitaires.

Extrait de Georgy Porgy, de Dwight Druick

« George [Thurston] je voulais faire une version de Gueorgui Porgy [1978] de Toto qu’il avait traduit, mais son agent était contre, probablement pour que s’il enregistrait ses propres chansons, il gagnerait plus d’argent. »

Extrait deOuvre les yeuxde Dwight Druick

Boule Noire transmettra ainsi sa relecture à son ami, à condition qu’il le laisse réaliser l’enregistrement. Le 45 tours deviendra un frapper en 1979 au point de susciter l’attente d’une longue pièce, sur laquelle Dwight Druick interprète, avec une charmante petite touche d’accent, sa relecture d’une autre chanson de yacht rock, Ouvrez les yeux par les Doobie Brothers, ici renommés Ouvre les yeux.

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PHOTO FOURNIE PAR CRAVE

Michael McDonald

« À l’époque, tous les chanteurs de la planète étaient amoureux de Michael McDonald », souligne-t-il en faisant référence au soliste au visage de husky sympathique, l’un des plus agréables orateurs de musique. Yacht Rock : Un documentaire. « Je voulais absolument faire une version d’une de ses chansons, mais je n’aurais jamais osé toucher à un de ses gros tubes, je ne suis pas bête. »

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PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

Dwight Druick

Le vrai Dwight Druick ?

Aujourd’hui retraité de sa pratique de psychothérapie, domaine vers lequel il s’est réorienté au milieu des années 1990, Dwight Druick n’arrive pas à croire qu’un album datant d’il y a 45 ans se vend sur le marché de l’occasion à des prix allant jusqu’à 150 $ et se retrouve dans les magasins branchés. soirées, dont celle de l’animateur et DJ Pierre-Yves Lord, qui a récemment affiché son admiration au micro de l’émission d’ICI Première Il y aura toujours de la culture.

« Depuis dix ou quinze ans, je reçois régulièrement des messages de , de Belgique, d’Angleterre, des Pays-Bas, de gens qui veulent savoir si je suis le vrai Dwight Druick, et qui veulent acheter des marchandises, même si je n’ai pas any», confie celui qui crée toujours des chansons, pour le plaisir, sous le nom d’allbut6ix.

« Et quand je reçois un de ces messages, cela illumine toujours ma journée. » Vous n’avez pas besoin d’un yacht pour être un homme heureux.

Yacht Rock : Un documentaire est disponible sur Crave.

 
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