« Chute historique », « années horribles », « période catastrophique »… les professionnels de l’immobilier rivalisent de qualificatifs dramatiques depuis deux ans (entre le second semestre 2022 et le premier semestre 2024), conséquence de la hausse des taux d’intérêt, initiée par la Banque centrale européenne (BCE) en juillet 2022 pour lutter contre l’inflation. Le second semestre de l’année dernière et le début de 2025 semblent marquer la fin de cette tendance à la baisse et des signes d’amélioration touchent aussi bien les grandes villes que les zones rurales. « Le pire est derrière nous. La sortie du cycle baissier – dans lequel nous sommes tous entrés en septembre 2022 – est désormais en bonne voie », affirme Thomas Lefebvre, vice-président de SeLoger et Meilleurs Agents.
« Les intentions d’achat des Français repartent à la hausse »
A l’origine de ce regain d’optimisme, un dernier semestre 2024 particulièrement positif pour l’ensemble de l’immobilier en France. La profession tablait en effet sur une année encore plus faible que la précédente avec moins de 770 000
transactions immobilières (contre 875 000 en 2023), pour finalement atteindre 800 000 transactions au 31 décembre 2024. « Après deux années consécutives de baisse, les intentions d’achat des ménages français repartent à la hausse », note même l’Insee dans son rapport de conjoncture. daté de juillet dernier.
« Bien sûr, on est très loin de l’année record de 2021 et de ses 1 200 000 transactions immobilières, mais cela démontre le virage opéré par le marché ces derniers mois », indique Thomas Lefebvre. Et c’est pareil pour les prix. Hors zones urbaines, entre 2023 et 2024, ils augmentent de +2,8%
et ils se sont quasiment stabilisés dans les grandes villes à -0,2%. Une dynamique bien sûr liée à la baisse des taux d’intérêt. Affichés à près de 4,35% par la BCE début 2024, ils le sont désormais à 3,5% voire 3,35% auprès de certains organismes de crédit.
« Méfiez-vous des grandes annonces » [comme en 2021, NDLR] Une amélioration qui n’engendre toutefois pas un optimisme bienheureux de la part des professionnels. « Ces chiffres incitent à l’optimisme, mais avec prudence. La réalité du marché 2024 ne sera connue qu’au moment de la publication des chiffres. Il faut se méfier des grandes annonces, dans un sens ou dans un autre, d’abord parce que le territoire français est composé de réalités différentes et ensuite parce que le marché est extrêmement volatil”, explique Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim). . « Les incertitudes politiques et économiques qui pèsent sur le pays sont susceptibles de changer la donne à tout moment », commente également Thomas Lefebvre de Meilleurs Agents.
Si le marché immobilier est directement impacté par les taux d’intérêt et donc les directives des banques centrales, les agents immobiliers pressent toujours les pouvoirs publics de remédier à la situation. « C’est bien si le marché redémarre, mais le plus important pour nous est que l’activité soit stable, qu’elle arrête de monter en flèche.
ou tomber d’un coup», demande Loïc Cantin de la Fnaim. “Et pour éviter de revivre ces épisodes, il faudrait que le gouvernement étudie enfin les mesures que nous proposons, notamment sur la portabilité des tarifs (**)”, poursuit le président de la fédération immobilière. [le ratio entre le nombre de demandes et d’offres] Des projets toujours en attente ? [soit une demande pour une offre] Il n’en reste pas moins que pour les vendeurs ou les acheteurs, un comportement attentiste ne serait peut-être plus de mise. Selon le réseau Bien’Ici, « la tension sur l’immobilier
remonte de trois points au niveau national pour atteindre près de 100% [pour débloquer les crédits immobiliers, NDLR]».
Le marché immobilier connaissant traditionnellement un pic de transactions avant l’été, « la tendance pourrait réellement et durablement s’inverser au printemps. Entre reprise de la demande, stabilité voire baisse des taux d’intérêt et retour de la bonne volonté des banques
le marché pourrait décoller par beau temps… les prix aussi ! », prédit Thomas Lefebvre.
Après la crise, les emplois menacés
La baisse d’activité très importante enregistrée entre 2022 et 2024 dans le secteur de l’immobilier et de la construction a eu un impact important sur les entreprises et leurs salariés. Les agences immobilières sont désormais présentes dans les catégories de faillites d’entreprises « over default », selon les derniers chiffres publiés par le groupe BPCE (Banque Populaire et Caisse d’Épargne).
17 538 sociétés de construction et immobilières ont fait faillite en 2024, dont 1 232 agences immobilières. Des faillites d’entreprises qui, pour l’instant, ne se traduisent pas encore par des suppressions d’emplois, mais selon l’étude BPCE « 3 % des postes du secteur immobilier sont aujourd’hui menacés ».
Ce sont en effet les entreprises commerciales qui paient le plus lourd tribut aux crises économiques successives, ainsi qu’à « l’effet de rattrapage » des années Covid durant lesquelles les aides d’État ont permis aux entreprises de survivre : 57 051 entreprises commerciales sont considérées comme en défaut de paiement en 2024, soit 36% de plus… qu’en 2019.
Sources : SeLoger Meilleurs Agents – Rapport 2024 – publié le 6 janvier 2025.(**) Consiste à appliquer le même taux de crédit que celui appliqué au premier bien, en cas de revente, pour financer le nouveau projet.