[Article publié le mardi 03 décembre 2024 à 11h30 et mis à jour à 12h36] Il s’agit d’une nouvelle étape dans la guerre commerciale entre Pékin et Washington. La Chine a annoncé mardi des restrictions sur les exportations de composants essentiels à la fabrication de puces électroniques vers les Etats-Unis. Gallium, germanium, antimoine et autres métaux. Cependant, ils sont susceptibles d’être utilisés dans des technologies duales, c’est-à-dire utilisés à la fois à des fins civiles et militaires. Dans un communiqué de presse, le ministère chinois du Commerce cite des problèmes de « sécurité nationale ».
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Les matériaux couverts par les nouvelles restrictions chinoises devront désormais obtenir une licence avant d’être exportés vers les États-Unis. Alors que les exportations destinées « à des fins militaires » sont strictement interdits.
« Toute organisation ou individu, dans n’importe quel pays ou région, enfreignant la réglementation sera tenu responsable. », ajoute le ministère.
Matériaux critiques
La Chine représente 94 % de la production mondiale de gallium, un métal stratégique utilisé dans les panneaux solaires, les radars et les transistors, selon un rapport de l’Union européenne publié cette année. Il est également à l’origine de 83 % de germanium, un métalloïde utilisé dans la fabrication de fibres optiques ou de récepteurs infrarouges.
Ces matériaux jouent un rôle « critique dans l’industrie de haute technologie »et « De nombreux fabricants intermédiaires avaient commencé à (les) stocker »a déclaré à l’AFP Brady Wang, directeur associé du cabinet de conseil Couterpoint.
La vente de produits à base de graphite « utilisé à deux fins » vers les États-Unis seront soumis à des contrôles “plus strict” concernant son utilisation finale, a ajouté mardi le ministère chinois du Commerce.
Ces nouvelles règles sont « clairement une mesure de représailles contre les États-Unis », a analysé Dylan Loh, professeur adjoint à l’Université technologique de Nanyang à Singapour.
« Si ces restrictions réciproques affectent le commerce avec des tiers, cela pourrait entraîner des perturbations de la chaîne d’approvisionnement, entraînant une hausse des prix. », a déclaré Chong Ja Ian, professeur agrégé de sciences politiques à l’Université nationale de Singapour.
Exceptions
Cette décision a été prise au lendemain d’une décision américaine. Lundi, Washington a annoncé une troisième vague de restrictions sur les ventes à 140 entreprises chinoises de semi-conducteurs et d’équipements utilisés dans la fabrication de précieuses puces. L’objectif est de« Entraver la capacité de la Chine à acquérir et produire les technologies nécessaires à sa modernisation militaire »avait précisé le ministère du Commerce. Cela inclut, entre autres, les sociétés chinoises de puces Piotech et SiCarrier Technology, ainsi que Naura Technology Group, qui fabrique des équipements de production de puces, selon le ministère du Commerce.
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Avec ces restrictions, « Les États-Unis ont pris des mesures importantes pour protéger notre technologie de toute utilisation par nos adversaires qui menacerait notre sécurité nationale. », a déclaré Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, cité dans le communiqué.
Des exceptions sont toutefois prévues pour les entreprises d’alliés clés tels que le Japon et les Pays-Bas. Le fabricant chinois de puces CXMT ne figure pas sur la liste américaine établissant des restrictions à l’exportation pour 140 entreprises chinoises. Autant de signaux qui ont rassuré les investisseurs.
« De nouvelles règles devraient exclure le Japon (des restrictions), stimulant ainsi la hausse des actions des sociétés de semi-conducteurs à valeur ajoutée. », ont souligné les experts du courtier IwaiCosmo.
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Le plus grand importateur mondial
La Chine, très dépendante des pays étrangers pour son approvisionnement en semi-conducteurs, est de loin le premier importateur mondial de ces minuscules composants, indispensables notamment au fonctionnement des téléphones, des voitures ou de l’intelligence artificielle. Le géant asiatique a dépensé des dizaines de milliards d’euros ces dernières années pour rattraper son retard technologique et devenir autonome.
“Au cours des dernières années”les États-Unis ont « questions politisées en matière de commerce et de technologie », « imposé des restrictions injustifiées aux exportations de certains pays vers la Chine » et “a sanctionné plusieurs entreprises chinoises”» s’est insurgé le ministère chinois du Commerce dans un autre communiqué.
Parmi ces entreprises : Huawei. Le premier fabricant mondial d’équipements de réseau internet mobile 5G est au cœur d’une guerre technologique entre Pékin et Washington. En octobre, le poids lourd taïwanais des semi-conducteurs TSMC a interrompu ses livraisons à un client après avoir découvert que ses semi-conducteurs avaient été fournis au géant chinois Huawei, en violation possible des sanctions américaines.
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Les États-Unis ont imposé des sanctions contre le groupe en 2019, qui ont été élargies l’année suivante, Washington craignant que sa technologie ne soit utilisée par Pékin à des fins d’espionnage. Huawei nie ces accusations. Les sanctions américaines ont eu pour effet de bloquer l’accès de Huawei aux composants et technologies en provenance des États-Unis, essentiels à la fabrication d’équipements liés à l’IA.
(Avec l’AFP)