Réduire les immigrants à une paire de mains

Réduire les immigrants à une paire de mains
Réduire les immigrants à une paire de mains

Venez combler les postes vacants que personne ne veut combler, chers immigrants. Mais surtout, n’osez pas avoir une vie amoureuse ou une famille. Parce que ce sont tes bras et ta tête qui nous intéressent, pas ton cœur.


Publié à 00h58

Mis à jour à 6h00

C’est à peu près ce qu’a déclaré la ministre de l’Immigration du Québec, Christine Fréchette, au micro de Paul Arcand la semaine dernière.1.

« Est-il aussi essentiel d’avoir les conjoints des travailleurs que les travailleurs eux-mêmes ? Nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral agisse rapidement pour réduire leur nombre », a déclaré le ministre.

PHOTO KAROLINE BOUCHER, ARCHIVES DE LA PRESSE CANADIENNE

Christine Fréchette, ministre de l’Immigration du Québec

Ces mots sont passés comme du beurre. Même Paul Arcand, habituellement prompt à souligner les inacceptables, n’a pas bronché en les entendant.

Pourtant, ils révèlent une vision incroyablement utilitaire et réductrice de l’immigré. Il est censé découper nos poulets dans nos abattoirs, enseigner à nos étudiants dans les salles de classe et soigner nos malades dans les hôpitaux.

Mais une fois rentré chez lui, ce travailleur immigré ne pourrait pas serrer dans ses bras sa petite amie ou son petit ami et leur demander comment s’est passée leur journée. Qui l’utilise FaceTime pour garder le contact avec ses proches !

Nous parlons des conjoints, mais nous devons aussi parler des enfants. Parce qu’on est d’accord qu’un père ou une mère qui déménage seul au Québec pour travailler n’a souvent ni le temps ni l’énergie pour s’occuper des enfants. Ils restent avec l’autre parent à l’autre bout du monde.

«Dieu sait que c’est la clé de l’intégration que de venir seul, en laissant derrière soi ses enfants et son conjoint», ironise Laurence Trempe, coprésidente de l’Association des avocats en droit du Québec. ‘immigration.

Il est vrai que le Québec a connu une hausse des arrivées depuis que le gouvernement fédéral a permis aux conjoints de travailleurs peu qualifiés d’obtenir un permis de travail. Cette mesure temporaire a été adoptée en janvier 20232.

Même si l’objectif principal est de contrer la pénurie de main-d’œuvre, Ottawa a raison de dire qu’il contribue à améliorer « le bien-être émotionnel, la santé physique et la stabilité financière des travailleurs en gardant les familles unies ».

L’accueil fédéral des conjoints n’est pas automatique. Les conjoints de travailleurs saisonniers ne peuvent par exemple pas bénéficier d’un permis de travail. Les travailleurs à bas salaires non plus, ce qui est discutable.

On comprend que le Québec veuille tempérer l’afflux d’immigrants. Le nombre de personnes entrées via le Programme de mobilité internationale, entièrement contrôlé par Ottawa, est passé de 57 910 en 2018 à 107 615 en 2023.

Sauf que cibler les conjoints des travailleurs est une mauvaise stratégie. Humainement, c’est très discutable. Et si c’est la crise du logement qui nous inquiète, elle n’aura que très peu d’impact, puisque les membres d’une même famille emménagent ensemble.

La ministre Christine Fréchette a donné un autre exemple de sa vision utilitariste des immigrants lorsqu’elle a affirmé lors de la même entrevue qu’il faut réduire le nombre de demandeurs d’asile qui arrivent au Québec puisque « les demandeurs d’asile ne répondent pas à un besoin du marché.

Il est vrai qu’un Haïtien qui parvient à fuir les gangs de Port-au-Prince n’a pas toujours le temps d’obtenir un DEC en électrochimie dans l’espoir de travailler chez Northvolt avant de trouver refuge au Canada. Sauf que l’accueillir est une obligation internationale.

Contrairement à la croyance populaire, la grande majorité des demandeurs d’asile sont titulaires d’un permis de travail et finissent par contribuer à la société.

Mmoi Fréchette a raison de dire que le Québec fait plus que sa part d’efforts pour accueillir les demandeurs d’asile. Elle a raison de demander au gouvernement fédéral une meilleure répartition, même s’il faut dire que les choses se sont déjà améliorées. Mais cela ne justifie pas de décrire les immigrés comme des robots simplement venus pour répondre aux besoins d’un « marché ».

Si le Québec veut réduire le nombre d’immigrants temporaires qui arrivent ici, il existe une autre option que la rupture des couples. Et pour cela, vous n’avez même pas besoin de frapper à la porte du gouvernement fédéral.

Partout au Canada, il existe une règle qui limite à 20 % le nombre de travailleurs étrangers à faible salaire pouvant travailler dans le même lieu de travail. Cette limite est de 30% pour les secteurs du bâtiment et de la santé.

Partout… sauf au Québec. La province a en effet demandé une exemption de ce plafond pour une longue liste de 270 catégories d’emploi. On le répète : le Québec est la seule province à ne pas limiter la proportion d’employés immigrants à faible salaire qu’un employeur peut embaucher. Une exemption que la province elle-même a demandée.

Peut-être est-ce, après tout, parce que le Québec a grand besoin de ces travailleurs ? Une chose est sûre, si le gouvernement Legault veut vraiment réduire le nombre d’immigrants temporaires qui entrent ici, il devrait utiliser les outils qu’il a dans son coffre avant de se plaindre au gouvernement fédéral. Ce serait de toute façon mieux que de demander à Ottawa de briser les familles.

1. Écoutez le segment de l’émission avec l’entrevue de la ministre Fréchette à l’émission Puisque tu dois te lever

2. Lisez le communiqué de presse du gouvernement du Canada

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