la course aux parts de marché

la course aux parts de marché
la course aux parts de marché

Dans un secteur en pleine croissance, 14 acteurs tentent de tirer leur épingle du jeu. Mais il n’y aura pas de place pour tout le monde.

Cinq millions de Français en bénéficient chaque année. Le secteur des titres-restaurant est un marché lucratif pour de nombreux acteurs. Les émetteurs qui les conçoivent, les entreprises qui les mettent à disposition, les salariés qui les utilisent et les commerçants qui les acceptent… Sans oublier l’État qui complète le budget disponible, en exonérant cet avantage salarial de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu. Sur un marché de 9 milliards d’euros, les appétits aiguisent.

Face aux nouveaux arrivants qui veulent se faire une place, les émetteurs historiques défendent une part acquise et consolidée parfois depuis 60 ans. Pour certains, il n’y aura que des miettes à récupérer.

En quelques années seulement, le secteur a changé. Pour comprendre ce qui se passe ici, il faut un peu d’histoire. Les sociétés émettrices de titres-restaurant sont responsables de la circulation mais aussi du remboursement des titres utilisés comme moyen de paiement. En 2017, le secteur reste sous la domination des quatre acteurs : Edenred, Sodexo, BPCE et UP. En 2024, pas moins de 14 protagonistes se disputent le marché.

Un marché verrouillé ?

Les derniers arrivés évoquent en sous-main un modèle verrouillé par des acteurs historiques. Dans un rapport publié en octobre 2023, l’Autorité de la concurrence constate en effet « l’existence de barrières à l’entrée » et une concentration avérée du marché.

« La part de marché cumulée de ces acteurs est supérieure à 99 % en 2022, les parts de marché individuelles se situant entre 10 et 40 % », peut-on lire.

Les différentes entreprises interrogées nient l’existence de barrières à l’entrée. « Différents modèles cohabitent dans le secteur des titres-restaurant. Chez Pluxee, nous pensons que chacun peut entrer sur le marché avec son caractère unique. Il faut aussi noter que le marché n’est équipé qu’à 25% environ, ce qui laisse de la place.» , indique Malena Gufflet, directrice générale de Pluxee France (anciennement Sodexo) depuis 2023.

« Il y a de la place pour l’innovation », estime Loïc Soubeyrand, fondateur de Swile. Il existe bien des acteurs historiques, mais cela ne veut pas dire qu’ils empêchent l’arrivée de nouveaux entrants, pour peu qu’il y ait à l’enjeu une véritable innovation de rupture.

« Le marché n’est pas verrouillé, mais à partir de là on voit de la place pour 14 ou 15 acteurs », tempère ce dernier.

Le défi de l’innovation

Le marché repose dans un premier temps sur un système de doubles commissions. En amont de la chaîne, une commission assez minime facturée aux entreprises qui fournissent des titres-restaurant à leurs salariés. Et en aval, une commission facturée aux commerçants qui les acceptent comme moyen de paiement. Lesquels les considèrent élevés pour le service rendu. La question des commissions a donné lieu à une saisine de l’Autorité de la concurrence par le ministre de l’Économie.

Le directeur général d’Edenred France, Ilan Ouanounou, déclare : « Les principaux bénéficiaires des titres-restaurants sont les commerçants et restaurateurs qui les acceptent. Les émetteurs de titres-restaurant, à travers leur action commerciale, vont solliciter de l’argent auprès des entreprises pour le diriger vers les commerçants pour un montant qui s’élève à près de 9 milliards d’euros par an.

“Cet apport des entreprises, qui représente environ 20 % du chiffre d’affaires des restaurants, a une valeur qui doit être équitablement rémunérée”, poursuit-il.

Quant aux commissions jugées trop élevées, le PDG d’Endenred explique : « Il y a un investissement dans le système technique et commercial de la société émettrice. Cela a un coût ».

Dans ce modèle de double commission, un émetteur sera d’autant plus fort que les entreprises qui le choisiront seront nombreuses et que son réseau d’affiliés sera étendu. Alors, comment se démarquer lorsque l’on souhaite pénétrer ce marché ?

Un désormais « ancien nouvel entrant » a misé sur l’innovation en 2018. « Nous voulions améliorer la proposition de valeur. Au lieu du papier, nous avons eu l’idée de tout mettre sur une carte. En ajoutant ensuite d’autres avantages dont bénéficient les salariés, des chèques cadeaux, des solutions de mobilité”, confie Loic Soubeyrand, fondateur de Swile qui affirme avoir mis “un coup de pied dans la fourmilière”. Et le petit est devenu grand, au point de racheter l’activité titres-restaurant de BPCE (ex-Natixis) et de prendre 32 % de part de marché.

Le paiement par carte, une petite révolution qui a également accompagné la dématérialisation des bouts de papier. Désormais, tous les acteurs sont passés à la carte. « 70 % du marché des titres restaurant a été dématérialisé, et chez Pluxee, nous sommes au-dessus de ce ratio », confirme Malena Gufflet.

De nouveaux modèles économiques testés par le marché

Après l’accélération de la dématérialisation, il faudra inventer d’autres cloisons. A la start-up May, nous proposons de regrouper tous les avantages sociaux : « L’idée est de tout mutualiser au même endroit en centralisant les neuf avantages exonérés », indique Yasmina Kersimon, chargée de compte de la fintech. “L’entreprise détermine le montant alloué au salarié, qui peut ensuite distribuer sa cagnotte comme bon lui semble, à l’exception du plafond journalier alloué aux titres restaurant.” Quant aux débats sur la dématérialisation complète, la jeune entreprise propose rien de moins que de supprimer tout support physique, et de lier directement les avantages perçus par le salarié à son compte bancaire. Fini donc les modes de paiement séparés.

Si le salarié choisit de lier son compte bancaire à ses avantages sociaux, il avance lui-même les fonds qui lui sont ensuite remboursés par les entreprises. En effet, la startup s’appuie sur la reconnaissance des écritures bancaires et ne cherche pas à mettre en place un réseau commercial.

Dans cette approche, seules les entreprises sont facturées. Mais ce modèle économique a ses limites. Loïc Soubeyrand de Swile constate : « Si vous faites porter tout le poids financier du système de commissions sur les entreprises, vous réduisez le nombre d’entreprises abonnées et mécaniquement vous réduisez la contribution des entreprises à l’autre bout de la chaîne ».

En d’autres termes, le risque est que les entreprises qui se voient proposer des commissions élevées renoncent à proposer des titres-restaurant à leurs salariés. Pour certains acteurs, les restaurateurs seraient également attachés au modèle historique de l’offre commerciale.

« Nous avons le constat inverse en mai. Pour certains restaurateurs, les commissions ont augmenté et les titres-restaurants sont même refusés. Notre modèle qui ne leur prend pas de commissions est bien accueilli », se défend Yasmina Kersimon.

En résumé, les différents acteurs se jaugent sans s’en rendre compte et évaluent la pertinence des différents modèles.

« Quel que soit le modèle économique et l’endroit où vous percevez des commissions, il faut un volume minimum et atteindre une taille critique pour qu’il soit viable », prévient Loïc Soubeyrand.

Dans cette course à la croissance, d’autres innovations sont mises en œuvre. La possibilité d’un paiement complémentaire pour lier votre carte bancaire en cas de dépassement du plafond, le paiement mobile et l’élargissement de la gamme d’avantages disponibles.

« Nous sommes attachés à l’essence des titres-restaurant et nous proposons au total 12 services dédiés aux salariés, soit une gamme très exhaustive, incluant la mobilité ou les chèques cadeaux », sourit le directeur de Pluxee France. Si le chèque restaurant est plébique, le chèque cadeau reste celui qui plaît le plus aux Français.

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