Le club restreint des communes distributrices d’électricité

Le club restreint des communes distributrices d’électricité
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À Joliette, la plupart des gens ne reçoivent pas une facture d’Hydro-Québec chaque mois, mais d’Hydro-Joliette. C’est la même chose à Coaticook et à Sherbrooke, qui font partie du club restreint des villes québécoises possédant leur propre réseau électrique. Un outil hautement stratégique qui permet, dans certains cas, de couvrir une grande partie du budget.

«Souvent, ça fait la différence en fin d’année de pouvoir avoir un budget équilibré et offrir plus de services aux citoyens», résume le maire de Joliette, Pierre-Luc Bellerose.

À ses yeux, la présence de grandes institutions dans sa ville, comme le Musée d’art de Joliette, n’est pas étrangère aux revenus de l’électricité. « Cela nous permet d’avoir des projets qu’habituellement une ville de 22 000 habitants ne pourrait pas se permettre d’avoir. »

Au total, neuf municipalités disposent d’un tel réseau : Alma, Amos, Baie-Comeau, Coaticook, Joliette, Magog, Saguenay, Sherbrooke et Westmount. Leur existence est le vestige de l’électrification des transports à la fin du XIXème siècle.e siècle au Québec.

Après la nationalisation de l’électricité dans les années 1960, il existait encore 80 réseaux de ce type, mais la quasi-totalité d’entre eux ont ensuite été vendus à Hydro-Québec.

Au Saguenay, le réseau Hydro-Jonquière rapporte pas moins de 50 millions de dollars à la municipalité chaque année. Cela représente 12,6% de son budget. À Sherbrooke, la récolte est de 55 millions.

«Ça appartient aux citoyens, ce n’est pas commercial, ce n’est pas une entreprise privée», résume le directeur d’Hydro-Sherbrooke, Christian Laprise. «Cela donne à une ville un outil supplémentaire. »

Avec ses 91 409 abonnés répartis dans douze municipalités, Hydro-Sherbrooke est de loin le plus grand organisme du groupe. La population locale en est « fière », mentionne le directeur d’Hydro-Sherbrooke et, de plus, elle apprécie la plus grande « proximité » qu’elle a avec le personnel du réseau en cas de pannes.

Certaines de ces villes, comme Baie-Comeau, dépendent fortement de leur réseau électrique pour leur développement économique. Comme l’écrivait son collègue Sébastien Tanguay dans un rapport sur place l’an dernier, « l’énergie bon marché » offerte par la Ville est considérée comme « un atout essentiel dans la manche de Baie-Comeau ». Ces dernières années, cela lui a permis d’attirer des entreprises spécialisées dans l’industrie des cryptomonnaies, mais aussi de l’hydrogène vert.

Elle appartient aux citoyens, elle n’est pas commerciale, elle n’est pas une entreprise privée.

La Ville de Saguenay (et son réseau Hydro-Jonquière) a été sollicitée par Bitfarms pour héberger une usine de cryptomonnaies en 2018, mais le projet n’a pas abouti. Toutefois, le potentiel de développement industriel demeure, explique le porte-parole Dominic Arseneau, qui souligne que son réseau « n’est pas exploité à pleine capacité » et pourrait distribuer 40 MW supplémentaires.

Vers une augmentation de la production d’énergie

Dans le contexte où le Québec a besoin de plus d’électricité, ces villes pourraient-elles être appelées à contribuer ? Oui, d’une certaine manière, explique Christian Laprise, d’Hydro-Sherbrooke, qui est également président du regroupement de villes concernées, l’Association des redistributeurs d’électricité du Québec (AREQ).

Les membres de l’AREQ n’ont pas la capacité de fournir beaucoup d’électricité supplémentaire. Ils sont avant tout des distributeurs d’électricité, et ceux qui en produisent le font en petites quantités.

« Les centrales que nous exploitons ne représentent pas une grande partie de l’électricité que nous vendons », souligne M. Laprise. À peine 3,5 % dans le cas de Sherbrooke; le reste est acheté auprès d’Hydro-Québec.

C’est également le cas du Saguenay, qui produit 16 MW chaque année avec ses trois centrales situées le long de la rivière Chicoutimi. Le reste de l’électricité est vendu à Hydro-Québec, et 3 MW dessert une partie du territoire de l’ancienne ville de Jonquière, précise M. Arseneau. Mais Hydro-Jonquière achète également de l’électricité à Hydro-Québec pour alimenter son réseau de distribution.

De plus, les ambitions d’Hydro-Québec affecteront également la distribution, mentionne M. Laprise. « Nous allons devoir construire davantage de stations de distribution », a-t-il déclaré. « Nous devons faire notre part. »

Hydro-Québec estime qu’il faudra deux fois plus d’électricité d’ici 2050 au Québec pour répondre à la demande, soit l’équivalent de 150 à 200 TWh supplémentaires.

Pour Sherbrooke, Alma et d’autres, cela nécessitera des investissements majeurs dans les prochaines années. «Pour Hydro-Sherbrooke, on pourrait penser qu’il faut doubler les installations», soutient M. Laprise.

Il ne faudrait toutefois pas que les contribuables en ressentent trop les effets car les revenus croissants générés par le réseau devraient permettre en partie de financer les travaux. « La transition apporte de la croissance, et on peut penser qu’il y aura une croissance des bénéfices. »

À l’abri des pannes majeures

Le positionnement des réseaux communaux génère également certaines incongruités. Ainsi, dans certains secteurs de Sherbrooke, les gens reçoivent leurs factures d’Hydro-Sherbrooke, tandis que dans d’autres, ils sont alimentés par Hydro-Québec. À Amos, cela peut même différer selon le côté de la rue où l’on se trouve.

Cela est souvent rappelé aux citoyens lors de pannes majeures. Ainsi, lors de la tempête de décembre 2022, le réseau d’Hydro-Jonquière « n’a eu aucune panne », rappelle le porte-parole de la Ville. « Tous les gens d’Hydro-Jonquière avaient l’électricité, alors qu’en ville, il y avait des gens un peu partout qui en manquaient. »

Parce qu’ils sont beaucoup moins « étendus » que le réseau d’Hydro-Québec, les réseaux municipaux peuvent faire une planification plus détaillée du dégagement des lignes par rapport à la végétation, mentionne M. Arseneau.

Il n’est d’ailleurs pas rare, lors de pannes majeures, que leur personnel serve de renfort aux employés d’Hydro-Québec sur le terrain. « Nous avons un système de soutien. Si nos pannes sont résolues et qu’ils sont d’accord, ils nous appellent», raconte M. Laprise.

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