Bernard Arnault aimerait s’offrir ce célèbre vignoble suisse

La rumeur grandit encore et encore, sans jamais s’éteindre : le célèbre domaine viticole grison « Gantenbein » est-il sur le point de tomber entre les mains de Bernard Arnault, le tout-puissant patron du groupe LVMH ?

Christian Berzins / ch médias

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Pour un millésime 2020 de pinot noir du domaine Gantenbein à Fläsch, comptez environ 300 francs chez Globus. C’est l’un des vins les plus chers de la Bündner Herrschaft, une petite région viticole de grande qualité proche de Landquart. Martha et Daniel Gantenbein y font du vin depuis 42 ans. Grâce à leur passion et leur goût pour la précision, ils ont réussi à inscrire la Bündner Herrschaft sur la carte des vins. Mieux : aider les vins suisses à gagner leurs lettres de noblesse.

Daniel et Martha Gantenbein avouent penser à l’avenir.Hans-Peter Siffert/Weinweltfoto

Ces dernières semaines, de folles rumeurs ont circulé autour du domaine viticole le plus célèbre du pays. Le spécialiste du sujet, Wolfram Meister, les a résumés dans le Schweizer Weinzeitung. Ses pensées se répandent de verre en verre, de table en table, sur tout le territoire :

« Gantenbein a vendu son domaine »

Et puis, tout à coup, l’acheteur était « connu ». Il s’agirait de LVMH, la société française la mieux cotée en bourse, qui collectionne des produits de luxe comme les perles. La propriété de Bernard Arnault, l’un des hommes les plus riches du monde – le plus riche même, selon l’époque du calcul de sa fortune – et qui possède environ 233 milliards d’euros. Son groupe aurait mis 35 millions sur la table pour s’offrir le prestigieux domaine.

Un flair de super-riches pour des vignobles célèbres

Les initiateurs de la rumeur, présents dans le monde du vin des Grisons, auraient pensé qu’un domaine viticole aussi élégant compléterait parfaitement le portefeuille du milliardaire français. Arnault est déjà propriétaire du domaine Cheval Blanc depuis 1998 – une maison qui produit l’un des Bordeaux les plus vendus au monde. Le prix de certaines bouteilles peut atteindre des sommes à quatre chiffres, voire cinq pour les meilleurs et les plus anciens millésimes. LVMH a également acquis d’autres vignobles, qui appartiennent donc indirectement à Arnault.

Le Français est loin d’être le seul ultra-riche à sentir les bons vins et à en posséder. Le milliardaire chinois Jack Ma et le Suisse Andy Rihs (aujourd’hui décédé) font également partie du club restreint des propriétaires.

La Suisse dans le videur

Alors pourquoi le groupe français souhaite-t-il racheter un domaine viticole en Suisse plutôt qu’en France, terroir par excellence du bon vin et de la bonne chère ? Peut-être que nous, les Helvètes, sommes trop modestes, et que finalement, là aussi, nous pouvons nous amuser. Le domaine viticole Gantenbein dans les Grisons figure dans le classement mondial « Power 100 » 2023 des 100 marques de vin les plus fortes. Il est établi par la plateforme de négoce de vin Liv-ex. Gantenbein occupe désormais la 55ème place.

Cette liste prend en compte l’évolution des prix, le nombre de vins commercialisés par un domaine ainsi que la valeur et le volume cumulés de ces échanges. Gantenbein est l’un des premiers vins suisses commercialisés à l’étranger. Cette orientation internationale a été l’une des clés de son succès marketing.

La cave moderne Gantenbein entourée de vignobles avec en toile de fond les montagnes Falknis à Fläsch.Hans-Peter Siffert/weinweltfoto

Cette année, c’est le domaine bourguignon de Leflaive qui arrive en tête du classement Liv-ex. En deuxième position, on retrouve le Château d’Yquem de Sauternes, qui produit un vin doux vendu plus cher. Il est suivi par Méo-Camuzet, en Bourgogne. Dans le top 10, on retrouve des noms comme Opus One, Château Cheval-Blanc à Bordeaux ou encore Gaja, dans le Piémont. Se glisser à la 59ème place du classement, après ces noms prestigieux, est donc très prometteur.

Un exploit d’autant plus étonnant que les Gantenbein ne produisent que trois vins : un pinot noir, un chardonnay et un riesling – à peine 30 000 bouteilles au total, décorées d’une étiquette simple, mais pleine de personnalité. Les clients qui ont la chance de pouvoir acheter directement paient moins de 100 francs la bouteille, contre des vins qui se vendront alors jusqu’à 500 francs.

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Hans-Peter Siffert/Weinweltfoto

Il semble tout à fait compréhensible qu’un vigneron de renom, proche de la retraite et sans personne pour prendre sa relève, envisage de vendre au prix fort l’œuvre de sa vie. Mais ce n’est en réalité pas si simple : en Suisse et dans la région des Grisons en question, la loi foncière rurale s’applique, ce qui rend les ventes aux non-agriculteurs impossibles ou du moins très difficiles. Les millions de M. Arnault ne serviraient peut-être à rien. La « Lex Koller » ralentit considérablement l’acquisition de terrains par les étrangers.

“Nous pensons à l’avenir”

Contactée, Martha Gantenbein n’a pas répondu de front à la question de la vente : “Bien sûr, nous réfléchissons à l’avenir de notre domaine.”

« Vous comprendrez qu’on a préféré garder ça pour nous. Et en plus de cela, nous continuons à faire notre travail avec plaisir et passion »

Une réaction qui ne ressemble guère à un déni. Toutefois, selon une Source secondaire, vigneron réputé, les Gantenbein ne seraient pas intéressés à céder leur propriété. Alors, pourrait-il s’agir d’une stratégie pour attirer l’attention ? Si c’est le cas, c’est réussi.

Il n’y a peut-être pas de jeunes vignerons pour prendre la relève des Gantenbein, mais plusieurs jeunes émergent pour continuer à diriger l’exploitation. Pour que le nom Gantenbein perdure, il suffirait d’embaucher un administrateur, un technicien et de continuer à participer à la journée Caves Ouvertes. Selon Weinzeitungles époux Gantenbein ont effectivement embauché un couple de vignerons depuis le 1er janvier.

Le domaine n’a évidemment pas besoin des Caves ouvertes pour vivre. Sur son site, on peut lire depuis longtemps que les visites ne sont pas proposées au grand public. Une sorte de mur infranchissable – couplé à une loi du silence. Ce qui ne contribuera pas à apaiser les rumeurs autour de la vente de si tôt. Ce qui ne change pas grand chose pour les futurs acheteurs potentiels. Année après année, les ruptures de stocks se succèdent. Nous n’acceptons plus de nouveaux clients depuis des lustres.

Mais petite consolation pour les amateurs de ces précieux breuvages : il existe encore une longue liste mondiale de points de vente en ligne des vins Gantenbein. Chez les cavistes suisses Gerstl ou Martel, les vins jeunes sont épuisés ; mais vous pouvez être inscrit sur la liste d’attente pour l’année suivante. Vous pouvez également vous procurer un vin prêt à boire de 2013 au prix de 2020 chez Globus (300 francs). Un prix exceptionnel pour un produit exceptionnel.

(Traduit et adapté de l’allemand par Valentine Zenker)

 
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