Les critiques envers les voitures électriques sont-elles justifiées ? – .

Les critiques envers les voitures électriques sont-elles justifiées ? – .
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Dans son dernier livre, Pourquoi les voitures électriques sont bonnes pour le climat, Cédric Philibert, consultant et chercheur à l’Ifri, tente de faire le tri dans ces nombreuses critiques, parfois légitimes, adressées aux véhicules électriques. Entretien.

1. L’exploitation minière transformera la Terre en fromage suisse

Cuivre, nickel, cobalt, lithium, terres rares… La transition énergétique, notamment la production de batteries pour véhicules électriques, va faire exploser la consommation mondiale de métaux dits critiques. L’homme risque-t-il donc de transformer la terre en un gigantesque fromage suisse pour s’approvisionner en métaux critiques ?

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Cédric Philibert reconnaît que, d’ici 2050, il faudra multiplier par huit l’extraction des minéraux nécessaires aux véhicules électriques et aux énergies renouvelables. Mais il ajoute que la baisse de l’extraction de pétrole et de charbon fera plus que compenser l’augmentation de l’extraction minière nécessaire à la transition énergétique. Selon lui, l’exploitation totale des roches diminuera de 37 % d’ici 2050, principalement en raison de la forte baisse de l’extraction du charbon.

Il reconnaît cependant que toutes les extractions ne se valent pas sur le plan environnemental. « Chaque matériau a son propre impact sur l’environnementdéclare-t-il. Cela dit, l’exploitation du charbon, qui sera fortement réduite, n’est pas quelque chose de propre. ».

2. Il n’y aura pas assez de métaux critiques

Selon Cédric Philibert, le cuivre est le métal dont l’approvisionnement sera le plus critique dans les décennies à venir. Ainsi, la quasi-totalité des ressources identifiées, soit 2,1 milliards de tonnes de cuivre, pourraient être consommées d’ici 2050. Mais cela n’effraie pas notre expert… « Outre les ressources identifiées de 2,1 milliards de tonnes, il existe des ressources estimées à 3,5 milliards de tonnes.déclare-t-il. De plus, les ressources en cuivre, tant identifiées qu’estimées, ont été considérablement réévaluées entre 1990 et aujourd’hui. Il est donc probable qu’il y aura de nouvelles réévaluations à la hausse à l’avenir. ».

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Cédric Philibert ajoute que l’exploitation de gisements de plus faibles concentrations permet d’augmenter les ressources disponibles. « Contrairement à ce que l’on entend souvent, la baisse des teneurs en cuivre dans les mines en exploitation n’est pas la preuve d’un épuisement des ressources.il assure. Au contraire, la possibilité d’exploiter des réserves à faible teneur augmente les ressources disponibles. Les entreprises ont tendance à préférer les grands gisements à faible teneur aux petits gisements à haute teneur..

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« On estime que 10 à 15 % du cobalt provient de mines artisanales et familiales qui emploient des enfants. Ils sont souvent maltraités et parfois exploités sexuellement.

Nickel et cobalt : de vrais problèmes liés à l’exploitation

Le nickel et le cobalt sont deux métaux très demandés pour la transition énergétique. Cédric Philibert rapporte que l’Indonésie a multiplié par quatorze sa production de nickel en cinq ans. Cependant, cette exploitation effrénée a des impacts majeurs sur la biodiversité et sur l’empreinte carbone du nickel produit en Indonésie. Ainsi, le nickel indonésien a une teneur en carbone cinq fois supérieure à la moyenne de l’industrie et quinze fois supérieure aux meilleures pratiques mondiales. «Ces énormes déchets ne sont cependant pas nécessaires au déploiement des voitures électriquesestime Cédric Philibert. Il existe d’importantes réserves de nickel en Australie, au Brésil, au Canada, au Guatemala et en Nouvelle-Calédonie. » .

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Par ailleurs, environ 70 % de l’approvisionnement en cobalt provient de RDC, où son exploitation par les enfants a suscité des critiques. « On estime que 10 à 15 % du cobalt provient de mines artisanales et familiales qui emploient des enfants. Ils sont souvent maltraités et parfois exploités sexuellementdéclare Cédric Philibert. En revanche, contrairement à ce que l’on entend souvent, les grands groupes miniers n’exploitent généralement pas les enfants. ». Selon lui, ces dérives ne justifient pas le rejet des véhicules électriques. « La véritable tragédie de la RDC, c’est la guerre civileestime Cédric Philibert. Il est difficile de contrôler le travail social et environnemental lorsqu’il n’y a plus d’État. Le docteur Denis Mukwege ne demande pas la fermeture des mines de cobalt mais de meilleures conditions d’exploitation”.

Le vrai problème ne serait donc pas la suffisance du cobalt et du nickel dans le sous-sol, assure Cédric Philibert, mais “le fait qu’on l’exploite n’importe comment”.

« Et les batteries lithium-fer-phosphate, qui équipent déjà 40 % des voitures électriques, n’ont besoin ni de cobalt ni de nickel »ajoute l’auteur.

Et le lithium ?

Selon Cédric Philibert, l’accès aux terres rares et au lithium serait encore moins problématique. « Nous venons tout juste de commencer à rechercher ces deux minérauxil explique. Chaque année, les réserves de lithium augmentent de 20 % ». Cédric Philibert ajoute que la batterie sodium pourrait remplacer la batterie lithium, pour le stockage d’électricité stationnaire.

Bref, selon cet expert, il faudrait qu’il y ait suffisamment de ressources sous terre pour assurer la transition énergétique. A noter que cette affirmation prend en compte la production d’1 milliard de voitures électriques. Ce qui signifie que nous remplacerions l’ensemble du parc thermique actuel par de l’électricité. Lorsque la population mondiale atteindra 10 milliards d’habitants en 2050, comme le prévoit l’ONU, seule une personne sur dix possédera une voiture.

3. Pouvons-nous construire 5 milliards de véhicules électriques ?

En Belgique ou en France, il y a environ une voiture pour deux habitants. La Planète pourrait-elle supporter que ce ratio soit atteint au niveau mondial ? Cela signifierait que 5 milliards de véhicules électriques circuleraient sur les routes du monde (au lieu d’un peu plus d’un milliard aujourd’hui). Le livre de Cédric Philibert ne répond pas à cette question. « Je trouvais déjà assez audacieux, par rapport au discours écologiste habituel, de supposer que le parc automobile mondial n’allait pas diminuer »il explique.

Cédric Philibert s’est pourtant penché pour nous sur cette question. Ainsi, une étude de l’Agence internationale de l’énergie allait jusqu’à 2 milliards de véhicules électriques. “Il conclut qu’il n’y a pas de limite physique à la fourniture de matériauxdéclare-t-il. Les problèmes résident plutôt dans la mise en service suffisamment rapide des capacités d’extraction et de raffinage.». Mais 5 milliards de véhicules, on ne sait pas si c’est possible et souhaitable…

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4. L’Europe est la seule à interdire le thermique

On entend souvent dire que l’Europe seule ne résoudra pas le problème climatique. Sous-entendu : cela ne sert à rien d’imposer les voitures électriques si les autres pays n’abandonnent pas les véhicules thermiques. Pourtant, rapporte Cédric Philibert, de nombreux pays se sont engagés dans cette voie. « Lors de la COP27, une coalition de pays s’est fixé comme objectif de produire 100 % de voitures et de camionnettes zéro émission d’ici 2040.déclare-t-il. Outre l’UE, elle regroupe l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Cap-Vert, la République Dominicaine, le Chili, le Ghana, l’Inde, le Kenya, le Mexique, le Maroc, le Paraguay, le Salvador, l’Islande, Israël, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, le Rwanda, la Turquie, Ukraine et Uruguay ». L’auteur ajoute que l’UE n’est pas la seule à avoir interdit la vente de véhicules thermiques en 2035. « Aux États-Unis, les États de Californie, d’Oregon, du Vermont, de New York et de Washington sont sur la même ligne.il explique. Ils seront bientôt suivis par le Colorado, le Delaware et le Massachusetts, ainsi que le Canada et le Royaume-Uni..

5. Dépendance à la Chine ? Un vrai problème

Cédric Philibert écrit qu’au cours des 15 à 20 dernières années, la Chine a tissé sa toile en Asie, en Afrique et en Amérique latine pour sécuriser son accès aux matières premières critiques. De plus, l’Empire du Milieu domine l’industrie du raffinage. Ainsi, la Chine raffine les 2/3 du cobalt, du lithium et du manganèse utilisés dans le monde, ainsi que 1/3 du nickel et 40 % du cuivre. « Le retard technologique des constructeurs automobiles européens peut être rattrapédéclare-t-il. Mais nous devons résoudre le problème de la dépendance aux matières premières fournies par la Chine.». Par exemple, en ouvrant des mines et des raffineries sur le sol européen ou en diversifiant les approvisionnements à l’étranger. Tout en exigeant des normes sociales et environnementales plus élevées de la part des fournisseurs étrangers.

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6. Les voitures électriques émettent plus de CO2

C’est une critique récurrente. En prenant en compte la production de la batterie, l’extraction des minéraux et la production d’électricité pour la recharger, la voiture électrique émettrait plus de CO2 que son homologue thermique. Faux, répond Cédric Philibert.

Ainsi, une voiture thermique émettrait environ 258 grammes de CO2 par km, tout compris (extraction pétrolière, transport, raffinage du carburant, etc.).

La production d’un véhicule électrique serait, quant à elle, responsable de l’émission de 14 tonnes de CO2, ce qui donne 70 grammes par km en amortissant cette production sur 200 000 km. À cela, il faut ajouter l’électricité utilisée pour alimenter la voiture. Et là, tout dépend de la manière dont c’est produit. Avec un mix énergie renouvelable et nucléaire, il faut rajouter environ 4 grammes de CO2 par km, ce qui donne 74 grammes de CO2 par km au total (soit 3,5 fois moins que la voiture thermique). En supposant que l’électricité soit entièrement produite avec une centrale à gaz, il faudrait ajouter environ 60 grammes de CO2 par km, soit 130 grammes au total par km (toujours 50 % de moins que le thermique).

Cela dit, l’électrique doit faire bien mieux que le thermique si l’on veut atteindre la neutralité carbone en 2050. Toutefois, selon Cédric Philibert, le bilan environnemental des véhicules électriques va s’améliorer avec le temps. « Le recyclage des métaux deviendra à terme la principale Source d’approvisionnementdéclare-t-il. Mais il faut jusqu’à dix fois moins d’énergie et trois à quatre fois moins d’eau pour s’approvisionner grâce au recyclage. ».

“Mais nous aurons toujours besoin de mines”, précise-t-il. La consommation minière étant pour moitié d’électricité, il sera possible de décarboner cette moitié avec des énergies renouvelables, ajoute Cédric Philibert.

7. La consommation d’eau est énorme

Cédric Philibert écrit que certaines revues font état d’une consommation de 3 600 à 6 000 litres d’eau pour produire les quelques kilos de lithium contenus dans une batterie de 65 kWh. “C’est vrai, mais c’est la même quantité d’eau qu’il faut pour produire une barre de chocolat ou une demi-livre de café”commente-t-il.

 
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