Si Pan Am peut être créditée de nombreuses innovations principalement liées au transport aérien international, American Airlines est également l’un des concepteurs du transport aérien d’aujourd’hui, mais pour d’autres raisons.
Jean-Louis Baroux, président de World Connect by APG
Celui qui est désormais l’un des trois géants américains, c’est-à-dire du Monde, a connu un parcours assez chaotique qui ne l’a pas empêché de poser son empreinte sur cette activité. Tout commence en 1930 avec la fusion entre Aviation Corporation et Robertson Aircraft Corporation du Missouri qui donne American Airways, qui change son nom en American Airlines en 1934. Comme Pan Am, la compagnie bénéficie d’une grande stabilité dans sa gestion puisque Cyrus Rowlett Smith sert comme président depuis sa création jusqu’en 1968, soit 34 ans.
Au moment même où Pan Am ouvrait des routes internationales, American Airlines s’implantait et développait des dessertes intérieures vers les États-Unis, à une époque où le transport aérien n’était pas déréglementé. Elle partageait les droits de trafic avec d’autres concurrents sérieux comme United Airlines ou TWA. Ce n’est qu’à partir de 1945 que sous le nom d’American Overseas Airlines elle débute, modestement, des vols internationaux, se consacrant au trafic intérieur qui connaît une croissance impressionnante entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début de la déréglementation qui intervient en 1979 sous l’égide de du président Carter.
Durant cette période, American Airlines tisse sa toile au sein du continent américain en créant des services transcontinentaux DC7 en 1953, puis en introduisant le Boeing 707 qui eut l’immense mérite de réaliser le trajet « Coast to Coast » en 5 heures au lieu de 8 avec des avions à hélices. tout en ayant un prix de revient inférieur de 25%. Il n’est pas étonnant que la demande intérieure ait suivi l’augmentation des opérations. Dans les années 1970, American Airlines avait acquis une position dominante sur le trafic intérieur et débutait sérieusement ses opérations internationales avec l’introduction d’avions gros-porteurs : le Boeing 747 mais aussi une flotte impressionnante de DC10, le triréacteur de la Douglas Corporation, un concurrent. . de Boeing.
Le contrôle du trafic intérieur s’est accompagné de la création du premier système de réservation informatisé baptisé Sabre et développé par IBM en 1960. Et c’est ce qui a conduit American Airlines à devenir le pionnier des GDS (Global Distribution Systems) aujourd’hui utilisés partout dans le monde. À partir de son système de réservation centralisé, American Airlines a établi un lien électronique avec la plupart des agents de voyages souhaitant payer une somme modique pour pouvoir réserver des vols directement depuis leurs propres bureaux. La plupart des grands transporteurs l’ont imité plus ou moins vite en créant leur propre système de réservation : Panamac pour Pan Am, Alpha 3 pour Air France, BABS pour British Airways etc., et ces systèmes de réservation étaient interconnectés les uns aux autres, chacun pouvant faire des réservations sur toutes les compagnies, même concurrentes. Sauf que les affichages n’étaient pas neutres, chaque transporteur privilégiant ses propres vols qui étaient affichés en premier. Cela a donné un avantage considérable à American Airlines, le premier transporteur à être présent dans presque toutes les agences de voyages américaines. Ainsi, lorsque le président Carter a imposé la déréglementation, il a simultanément exigé la neutralité des affichages de vols auprès des agents de voyages. Ainsi, pour compenser la perte de notoriété de ses opérations, American Airlines a instauré une taxe de 3 dollars par numéro de vol que chaque compagnie doit verser à son système de réservation SABRE. D’autres transporteurs ont emboîté le pas et c’est ainsi que GDS est devenu un outil incontournable de la distribution du transport aérien et une véritable machine à cash.
On doit aussi à American Airlines le développement du concept de « hub ». Certes, cela existait déjà, notamment en France à Lyon depuis le milieu des années 1960, mais ce modèle est devenu la matrice des opérations d’American Airlines avec la création de plusieurs « hubs » aux USA d’abord à Dallas, puis à Chicago O’Hare avant de s’étendre. vers d’autres aéroports. Le concept a depuis été imité par presque tous les grands transporteurs mondiaux.
Bien entendu, tout n’était pas parfait et la concurrence féroce entre les compagnies américaines a conduit à une stratégie de réduction des coûts qui s’est traduite par la cessation des commissions aux agents de voyages, dont American Airlines a été l’initiatrice. Cette décision désastreuse a entraîné une baisse des prix qui a été fatale à un certain nombre de transporteurs dont American Airlines qui a dû déposer le bilan pour passer sous le chapitre 11 le 29 novembre 2011 dont elle est sortie en décembre 2013 en fusionnant avec US Airways.
Ce grand transporteur américain a eu une vie très mouvementée, notamment en participant involontairement aux attentats du 11 septembre 2001 avec le vol AA 11 frappant la tour nord du World Trade Center et le vol AA 77 s’écrasant sur le Pentagone. Elle s’est finalement remise de ses difficultés et prospère désormais avec une flotte de 937 appareils plus 528 pour sa filiale régionale American Eagle et une commande de 460 appareils partagée à parts égales entre Boeing et Airbus.
Par Jean-Louis BarouxJournaliste