Fen octobre à La Rochelle. Il fait déjà froid et la ville est enveloppée d’un épais brouillard. Nina Métayer, 36 ans, nous a donné rendez-vous devant l’une de ses deux futures boulangeries-pâtisseries (1) à La Rochelle. Elle arrive pile à l’heure, seule au volant de sa Porsche gris métallisé. Son seul signe extérieur de richesse. La jeune maman, star des réseaux sociaux, de la télé et de la toute-puissante industrie de la pâtisserie élevée ces dix dernières années au rang des compétences les plus instagrammables, est d’une rare simplicité. Jeans, gilet et chaussures noires, à peine maquillées, la chef d’entreprise est à des années lumières de certains de ses frères ou sœurs qui surfent sur les codes des personnalités les plus célèbres.
“Ça m’évite de réfléchir”
Sur ses traces, notre photographe la photographie. Au milieu des sacs de farine et des sachets XXL de beurre du Poitou, les cheveux détachés façon week-end cocooning, elle ne cligne pas des yeux. Interrogée quelques semaines plus tard sur cette accessibilité tellement démodée qu’elle surprend même les journalistes, elle a répondu sans hésiter. « J’ai toujours aimé montrer la réalité des choses, je suis quelqu’un du moment. Et puis c’est épuisant de contrôler son image [rires]. Au moins, être naturel m’empêche de réfléchir. Et puis j’aime l’idée d’être très accessible. »
Une pudeur naturelle sans doute renforcée par une adolescence laborieuse. « J’étais timide, gênée, dyslexique, très moyenne à l’école, je bégayais un peu. » Un voyage au Mexique à l’âge de 16 ans fut le premier tournant de sa vie d’aujourd’hui. « J’ai adoré cette expérience qui m’a ouvert sur le monde. Comme j’étais français, tout le monde me demandait si je savais faire du pain. A mon retour, je décide de passer mon baccalauréat et de tenter le CAP de boulangerie, puis un an plus tard, celui de pâtisserie. »
Venice, Ouigo and Fort Boyard
Nous connaissons la suite. Une hausse régulière et exponentielle. Elle intègre la prestigieuse école Ferrandi, puis entame un apprentissage en 2011 au Meurice, célèbre palace parisien. Malgré des débuts difficiles, dans un environnement parfois brutal, ultra-compétitif et misogyne, elle découvre, grâce à Camille Lesecq, son chef de l’époque, « la magie de la pâtisserie ». Malgré son échec au concours du meilleur ouvrier de France (MOF), elle est recrutée en septembre 2015 comme chef pâtissière du restaurant doublement étoilé Jean-François Piège au Grand Restaurant de Paris. Elle est ensuite élue pâtissière de l’année en 2016 par le magazine « Le Chef », puis par Gault et Millau en 2017. En 2020, elle lance, avec son mari Mathieu Salomé la Délicatisserie, sa première boutique exclusivement en ligne avant d’ouvrir deux points de vente du même nom à Paris et Issy-les-Moulineaux.
J’aime travailler en famille. On peut dire que tu m’énerves et passer à autre chose.
La famille est l’autre grande passion de la championne du monde de pâtisserie 2024, également maman de deux petites filles de 4 et 7 ans. « J’adore travailler avec mes proches. Mes parents, mes deux sœurs, Paloma et Pandora, mes cousines. Besoin d’être rassuré ? Pas seulement ça. « En famille, on ne peut pas avoir d’ego. Ce n’est pas facile, sans une pincée de sel, mais comme on sait qu’on s’aimera quoi qu’il arrive, on peut dire “Tu m’énerves !” et avancer. Il a aussi le mérite de l’efficacité. » « Nina est la même dans le travail que dans la vie », assurent ses deux amis et collègues, Chloé Vierling et Florian Beziaud.
Derrière son sourire angélique, Nina Métayer est une femme d’affaires. Escapades flash dans les plus belles villes du monde, dîners présidentiels, selfies dans le Ouigo, participation à « Fort Boyard » et à l’émission de Frédéric Lopez, « Un dimanche à la campagne »… Le tourbillon semble sans fin. Son compte Instagram en révèle beaucoup, sans vraiment définir la frontière entre vie privée et sphère professionnelle. «J’adore travailler. Entre nous, c’est très rare qu’on coupe, on parle toujours boulot [rires]. Ces demandes, ces déplacements et ces rencontres, c’est pareil, j’aime ça et quand on les accepte, il faut le faire à fond. Parfois, quand ça suffit, j’arrête. » Ses racines rochelaises ont longtemps été son refuge. C’est toujours le cas… sauf que désormais, lorsqu’elle fait un détour, l’attrait de ses deux nouvelles boutiques assombrit un peu plus son agenda.
(1) Le Fournil, 90 boulevard Sautel, and Chez Paillat, 170 avenue Carnot, in La Rochelle, have been open since mid-November.