Les personnes LGBTQ+ à la télévision francophone

Un nouveau rapport critique la télévision francophone en matière de représentation des personnes LGBTQ+. Selon cette étude, les séries québécoises « ont tendance » à dépeindre les personnages homosexuels, transgenres et queers de manière « superficielle », « clichée », « réductrice » ou « préjudiciable ».


Publié à 01:23

Mise à jour à 7h00



Publié en juin par Pink Triangle Press, une organisation canadienne qui œuvre à « améliorer la visibilité des communautés LGBTQ+ à l’écran », ce premier Rapport rose met en évidence les différences marquées entre les offres télévisuelles de langue anglaise et de langue française au Canada.

Même si à l’ouverture du document de 122 pages, on constate une amélioration de l’image des personnes LGBTQ+ sur le petit écran au cours des cinq dernières années, on précise qu’il s’agit souvent d’une représentation approximative ou « stéréotypée ».

Selon une étude de Pink Triangle Press, menée avec le soutien du Fonds des médias du Canada et de Téléfilm Canada, « la télévision populaire de langue française est trois fois plus susceptible de présenter des personnages LGBTQ+ de manière unidimensionnelle » qu’au Canada anglophone.

De plus, la télévision francophone est « beaucoup plus » susceptible de présenter les personnages LGBTQ+ comme des antagonistes ou des victimes. Pink Triangle Press rapporte qu’au Québec, les personnages LGBTQ+ sont « presque également répartis entre les protagonistes (ou héros) (36 %), les antagonistes (36 %) et les victimes (27 %). » En comparaison, au Canada anglais, les personnages LGBTQ+ sont beaucoup plus susceptibles d’être des protagonistes (88 %).

Point positif : la télévision québécoise comprend, toutes proportions gardées, une représentation LGBTQ+ plus importante qu’au Canada anglais. Toutefois, « cette représentation est perçue comme significativement moins précise et authentique », souligne-t-on.

Par courrier électronique, le président, PDG et éditeur de Pink Triangle Press, David Walberg, décrit le Rapport rose de « sonder pour mesurer les progrès réalisés et identifier les défis qui nous attendent ». « Soyons clairs : ce rapport n’a pas pour but de pointer du doigt, mais plutôt de comprendre et de fournir à l’industrie des faits pour alimenter des conversations importantes. Il est temps de dépasser les stéréotypes […] pour faire place à une représentation 2SLGBTQIA+ plus authentique, plus complexe et plus inclusive. »

Des conclusions « étonnantes »

André Béraud, premier directeur des émissions dramatiques et des longs métrages à Radio-Canada, s’étonne des conclusions du Rapport rose« La télévision québécoise a toujours été progressiste pour briser les tabous. Mais effectivement, on peut toujours faire mieux. »

André Béraud évoque plusieurs séries récentes pour démontrer les efforts déployés pour intégrer les personnages LGBTQ+ : Six degrés (ICI Télé) at FEM (Unis TV), allez Lou et Sophie (ICI Télé), En mémoire (Envie) et Mont-Rouge (ICI Tou.tv Extra).

PHOTO FOURNIE PAR BELL MEDIA

Evelyne Brochu, Éric Bruneau, Jean-Simon Leduc and Catherine Brunet in En mémoire

Auteur de plusieurs séries incluant des personnages LGBTQ+, comme Nouvelle adresse (Olivier Lapointe, joué par Patrick Hivon) et Cerveau (l’enquêtrice Simone Vallier, interprétée par Christine Beaulieu), Richard Blaimert avoue également être surpris par les conclusions de l’enquête. Rapport rosesurtout quand il pense au travail de Marie-Andrée Labbé, qui signe STATUT et Sans rendez-vousqui tourne autour d’une infirmière-sexologue lesbienne interprétée par Magalie Lépine-Blondeau.

Dans sa prochaine fiction attendue sur Crave à l’automne prochain, intitulée Le retour d’Anna BrodeurRichard Blaimert donne « beaucoup de place » aux personnages LGBTQ+, notamment à travers Patrick (Benoit McGinnis), le meilleur ami de l’héroïne, défendu par l’actrice Julie Le Breton. « Ce n’est pas une chose à laquelle je pense. Mais parce que je suis moi-même gay, c’est comme une extension”, explique le scénariste lors d’un entretien téléphonique.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE ARCHIVES

Auteur Richard Blaimert

Pour expliquer l’écart entre l’offre francophone et anglophone, Richard Blaimert pointe la réalité différente des deux solitudes. Il évoque notamment Sorte de (en français, D’une manière ou d’une autre), cette série de la CBC qui dresse le portrait d’une jeune personne non binaire aux orientations multiples. Plus confidentielle, cette production de Sphère Média s’est néanmoins exportée aux États-Unis, avec l’aide de l’anglais.

« C’est une série soignée, détendue et super intéressante qui apporte un éclairage nouveau, mais qui serait difficile à produire en français au Québec. À Radio-Canada, à TVA et à Noovo, les cotes d’écoute ont une grande importance. On veut rejoindre le plus de gens possible. Les règles sont différentes au Canada anglais. »

PHOTO FOURNIE PAR SPHERE MEDIA

Série Sorte de

“On ressent un effort”

Les conclusions du rapport reposent sur une méthodologie combinant trois facteurs : des entrevues avec neuf personnes de l’industrie cinématographique (dont sept francophones), un sondage bilingue auprès de 479 personnes LGBTQ+ travaillant dans l’industrie et une analyse de contenu de 22 heures de télévision canadienne-anglaise (14 heures) et canadienne-française (8 heures). Déterminé par Parrot Analytics, une firme spécialisée dans les données d’audience, le groupe d’émissions québécoises inclus STATUT, Fuyez, La voix, Club Soly, La faute, C’est comme ça que je t’aime, La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé et Portrait-robot.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

STAT

Au Canada anglais, des fictions comme Ruisseau Schitt, Transplantation, Les mystères de Murdoch, Letterkenny et Cœur du pays faisaient partie du lot.

IMAGE POP TV, FOURNIE PAR L’ASSOCIATED PRESS

Annie Murphy, Eugene Levy, Catherine O’Hara et Dan Levy dans Ruisseau Schitt

Étudiante au doctorat en communication à l’UQAM, Juliette Lavallée étudie la représentation des femmes queer à la télévision québécoise. Rapport rose confirme ses recherches, dit-elle.

« Je vois une amélioration, une diversification. On sent un effort. On veut se détacher de certaines normes. Mais quand on regarde les personnages des femmes queer, c’était souvent les mêmes histoires : c’étaient toutes des femmes qui trompaient leur partenaire. Leur identité sexuelle était banalisée : elles avaient les mêmes envies, les mêmes désirs, les mêmes intérêts que n’importe quelle femme hétérosexuelle. »

Juliette Lavallée apporte un bémol au rapport. Elle aurait souhaité qu’une plus grande diversité de séries soit prise en compte dans l’analyse du contenu. « Vingt-deux heures de programmation canadienne me semblent être quelques heures d’écoute pour pouvoir compter les personnages comme étant « multidimensionnels » ou « unidimensionnels ». »

De son côté, David Walberg de Pink Triangle Press espère que l’étude contribuera à accélérer le changement. « En tant qu’homosexuel, quand je vois une représentation humiliante, j’ai toujours l’impression d’avoir un coup de poing dans le ventre, car je sais que ces représentations alimentent les comportements dans la vraie vie. Je ressens cette urgence chaque jour lorsque je lis les informations. »

Lire l’étude complète

 
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