Les armateurs du navire, avec le soutien de la Fondation du Patrimoine, ont lancé un appel aux dons pour tenter de restaurer le navire centenaire. Le coût des travaux s’élève à trois millions d’euros.
Dernier Terre-Neuve naviguant en France, le Mariéretrouvera-t-il un jour l’eau ? En juin 2023, le navire a fêté son centenaire en grande pompe à Granville (Manche). En novembre 2023, le navire utilisé dans les années 1920 pour la pêche à la morue au large de Terre-Neuve, quitte son port d’immatriculation de Port-en-Bessin (Calvados), pour procéder à l’inspection décennale de sa coque et de ses arbres. Le voilier de 44,90 mètres de long n’a plus navigué depuis. Lors de l’inspection de la coque du trois-mâts, un champignon corrosif du bois proche de la pourriture sèche a été découvert.
« Le champignon a percé le bois de la coque, qui fait six centimètres d’épaisseur »précise Stéphane Gautier, directeur du groupement d’intérêt public Marité (GIP Marité), armateur et propriétaire du bateau. Le directeur indique que Marié est obligé d’attendre sa restauration, ce qui « s’élève à trois millions d’euros hors taxes ». Le devis prend en compte la réparation de la coque en bois, ainsi que le changement de propulsion assuré actuellement par un moteur diesel. « Nous souhaitons le remplacer par un moteur hybride. Même si le voilier navigue principalement avec la force du vent, le moteur permet de manœuvrer plus facilement au port »ajoute Stéphane Gautier.
Compte tenu de l’ampleur de l’opération, le conseil d’administration du GIP Marité s’est réuni le 25 octobre. Elle est composée du Département de la Manche (81%), de la commune de Granville (9%), de la commune de Saint-Vaast-la-Hougue (5%) et de Fécamp (5%), de l’Association des Maritimes et Patrimoine Fluvial et l’association les Amis du Marité. Toutes les parties intéressées ont décidé de lancer une campagne de mécénat entre particuliers et entreprises. Dans cette course aux dons, le GIP Marité ne naviguera pas seul. Elle est soutenue par la Fondation du Patrimoine qui a ouvert une collecte de fonds en ligne. La collecte des dons devrait s’étendre jusqu’en 2026. Le site internet de la fondation estime le démarrage de la première phase des travaux entre 2026 et 2027. « Il faut rechercher un bois de chêne bien spécifique, avec la bonne courbure pour la coque. Cela prendra du temps »regrette Philippe Hamel.
IL Mariéune histoire de succession
Lancé à Fécamp en 1923 pour l’armateur Charles Le Borgne et baptisé en l’honneur de sa fille Marie-Thérèse, le Marié employait une vingtaine de marins pour six à huit mois de pêche à la morue au large de Terre-Neuve, d’où le nom de Terre-Neuve. « La traversée a duré un mois et demi, six doris – bateaux de pêche – ont été embarqués, des canots à rames de six mètres qui ont été mis à l’eau pour ancrer des cordages de 2 000 hameçons avec bulot comme appât »raconte le Figaro Matthieu Alluin, capitaine de Marié. Elle passa sous pavillon danois en 1930 et pratiquait la pêche hauturière dans les eaux de l’Islande et du Groenland. Pendant la Seconde Guerre mondiale » IL Marié est réquisitionné et effectue des approvisionnements entre l’Ecosse et l’Angleterre », explique Stéphane Gautier. À partir de 1946, le navire changea de mains entre différents propriétaires jusqu’à son achat par les Suédois en 1978. “Il a été abandonné sur les vasières des îles Féroé »ajoute-t-il. Vingt ans plus tard, le navigateur Gérard d’Aboville, alors président de l’Association du patrimoine maritime et fluvial, apprend que le bateau est à vendre. Sous sa direction, le GIP Marité voit le jour et rachète Terranova en 2003 pour 1,6 million d’euros.
Le studio du spectacle Thalassa
Le magnifique trois-mâts, recouvert de seize voiles blanches, est devenu célèbre en 2004, lorsqu’il animait l’émission télévisée Thalassa et son présentateur vedette, Georges Pernoud. « Grâce au salon, de nombreux passionnés de voile se sont intéressés. »souligne Philippe Hamel, vice-président de l’association Amis du Marité. Constituée d’une centaine de bénévoles, l’association participe à la promotion du navire et accompagne l’équipage professionnel dans les travaux de maintenance et dans certaines livraisons. Depuis 2012, le navire propose des excursions à la demi-journée dans la baie du Mont-Saint-Michel, ou à la journée pour visiter l’archipel de Chausey, situé à une quinzaine de kilomètres de Granville.
En 2023, le Marié aura accueilli plus de 3 000 visiteurs. « Avec un tarif journalier de 80 euros par personne le plan économique du bateau est réalisable »explique Philippe Hamel. Après la découverte du parasite dans la coque, le programme de navigation du navire pour l’année 2024 a été annulé. Depuis un siècle, le navire a résisté à de nombreuses tempêtes. Le vice-président de l’association Les Amis de Marité compte sur la générosité « entreprises du secteur maritime » pour cette restauration fondamentale, qui permettrait au Marié pour s’élancer fièrement vers l’horizon à la fin des années 2020.