“Le cinéma indépendant est en grande difficulté aux Etats-Unis”

“Le cinéma indépendant est en grande difficulté aux Etats-Unis”
“Le cinéma indépendant est en grande difficulté aux Etats-Unis”

jeLe New-Yorkais Sean Baker, 53 ans, s’impose depuis plusieurs années comme un talent du cinéma indépendant américain, un réalisateur qui tourne un regard créatif, captivant et humain vers l’autre côté du rêve américain, les “marginaux”, comme on dit. . Il s’impose avec « Tangerine » (2015) et « The Florida Project » (2017). Mais sa notoriété ne s’étendit pas au-delà du public cinéphile jusqu’au couronnement de mai à Cannes : le réalisateur, branché et profond à la fois, reçut la Palme d’or pour son sixième film, « Anora ».


Sean Baker en mai dernier à Cannes, avec sa Palme d’Or

Loïc Venanza/AFP

Anora se prostitue à Brooklyn : vous continuez à vous intéresser à des personnages minoritaires, peu visibles… Pourquoi ce trope ?

Sans doute une réaction à la manière dont Hollywood les représente traditionnellement… Par ailleurs, il semble impossible de décrire la société américaine aujourd’hui sans parler de précarité, d’inégalités sociales et de fractures, qui sont à vif.

“Anora” commence comme une romance de style “Pretty Woman”, la romance new-yorkaise entre une strip-teaseuse et le fils d’un oligarque russe, puis évolue vers une comédie d’action folle. Pouvons-nous dire que vous aimez les comédies romantiques ?

Absolument ! Dans « Anora », on vous offre trente minutes de comédie romantique, puis quatre-vingts minutes de retour à la réalité. [rires].

Comment avez-vous imaginé cette histoire un peu folle ?

Avec l’actrice Karren Karagulian, une amie qui joue dans le film, nous avons voulu imaginer une histoire d’oligarques russes vivant à Brighton Beach, au sud de New York. Un jour, l’idée d’une histoire est venue entre le fils d’une de ces familles et une prostituée américaine. J’ai immédiatement senti que c’était un bon point de départ romantique. Et j’ai choisi les acteurs très tôt, dès les premiers travaux d’écriture. Mikey Madison, qui joue Enora, Yuriy Borisov, Karren Karagulian… Au moment où j’écrivais, j’avais déjà en tête les visages de trois personnages, ce qui est très rare, c’était beaucoup plus simple.

L’une des originalités du film réside dans la façon dont il mélange constamment humour, tension, romance, violence, sexe…

Ce dosage a été ajusté à chaque étape du développement du film, lors de l’écriture, puis sur le tournage, où l’on a évolué vers quelque chose de plus exubérant, avant de revoir cet équilibre au montage.

À Cannes, vous avez prononcé un discours faisant l’éloge du cinéma en salles…

Les divertissements destinés à être regardés à la maison ou sur une tablette ne sont pas ce que je recherche. Je ne ferai jamais de films s’ils vont directement sur une plateforme de streaming et je ne peux pas bénéficier d’une sortie en salles.

Votre Palme d’Or était considérée comme un soutien symbolique au fragile cinéma indépendant américain…

Le cinéma indépendant est en grande difficulté aux Etats-Unis. Les spectateurs qui continuent à aller au cinéma s’y rendent de plus en plus souvent, notamment pour les films à succès. Les studios sont réticents à financer des films aux sujets un peu inhabituels. La première question qu’ils vous posent lorsque vous leur soumettez un projet est : “Avec quelle étoile ?” » Mais je ne cherche pas les étoiles. Je veux que l’acteur le plus juste et le plus crédible joue le personnage. Je me fiche de sa réputation, de son expérience… Difficile de produire des films en restant fidèle à cette volonté de proposer un cinéma humain. La Palme d’Or a été un soutien important.

Francis Ford Coppola était également en compétition à Cannes avec « Megalopolis », lui avez-vous parlé ?

Il est pour moi LE réalisateur indépendant par excellence. Lorsque j’ai reçu le prix, il m’a envoyé un très gentil email. Il l’a signé “Oncle Francis”.

“Anora”, de Sean Baker. Durée : 2 heures et 19 minutes Sortie le 30 octobre.

Le film

Anora (Mikey Madison), une jeune prostituée sans le sou, sait tout de la vie. L’héritier russe ultra bling-bling Ivan (Mark Eydelshteyn) se comporte comme un enfant immature et gâté. Soudain, un improbable coup de foudre naît entre les deux. Mais la famille d’Ivan, scandalisée, exige que cette histoire d’amour cesse toute affaire et lance trois gros canons sur le couple. La comédie romantique se transforme en une folle course-poursuite à travers Brooklyn. Haletante, l’histoire n’en finit pas de rebondir. Cette épopée créative et divertissante est également acerbe et amère dans son évocation de la société américaine : les sentiments de la juste et intègre Anora s’écrasent contre le mur du mépris de classe. Un bon film, c’est sûr. Un grand film ? Peut-être pas. Ce n’est pas aussi émouvant que « Florida Project » ou « Tangerine », les précédents longs métrages de Sean Baker.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV L’Angleterre en ébullition après le vol de 22 tonnes de cheddar de luxe
NEXT “Le cinéma indépendant est en grande difficulté aux Etats-Unis”