Il y a deux ans, la journaliste Hélène Risser perdait son fils de 21 ans.
Elle témoigne de cette horrible tragédie dans un livre poignant : « Après Arthaud ».
Toujours droite et digne, elle s’est confiée à Audrey Crespo-Mara ce dimanche 27 octobre dans “Sept à Huit”.
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Sept à huit
Comment survivre à la pire chose qui puisse arriver dans la vie, la mort de son enfant ? Hélène Risser, qui a perdu son fils à 21 ans, croyait que c’était impossible. Mais plutôt que de sombrer, elle s’est accrochée à une petite lueur de vitalité, à sa fille et à son compagnon. Sa survie passe aussi par un livre poignant, « Après Arthaud » (Ed L’Observatoire), celui d’une résistante face à l’irréparable.
«Je suis venu dans la chambre de mon fils, raconte-t-elle à Audrey Crespo-Mara dans la vidéo en tête de cet article, rediffusion du “Portrait de la semaine” diffusé ce dimanche dans “Sept à Huit”. Je vois qu’il est dans la même position que je l’avais laissé la veille depuis que je l’ai vu allongé (…) J’essaye de le réanimer. J’appelle son père. Pour le moment, je n’arrive pas à me dire que mon fils est mort. Je vois que ça ne va pas, mais je le gifle (…) J’ai l’impression que je dois faire quelque chose pour lui être utile, pour le sauver parce qu’on est habités par ça. Et puis, les secours arrivent et très vite, au bout de quelques minutes, ils m’annoncent que mon fils est mort. Qu’il est probablement là depuis plusieurs heures déjà, donc il n’y a plus rien à faire.explique-t-elle.
J’avais l’impression d’être tombé dans un trou.
Hélène Risser
Dès cette annonce, Hélène s’effondre sur le sol de son salon, envahie par un sentiment brutal : la culpabilité qui prend très vite tout l’espace. “Je pense que c’est de ma faute”elle a lâché, parce que je suis une mère et une mère doit protéger son enfant ». Et de préciser : “Je me sens terriblement coupable car une mère se sent responsable de la vie de son enfant et donc s’il meurt, logiquement elle est coupable.”
De cellules post-traumatiques en séances de psychiatrie, Hélène suivra alors un chemin de croix où elle devra réapprendre à vivre. « J’avais l’impression d’être tombé dans un trou, d’avoir des décombres sur moi, d’avoir perdu la lumière et qu’il y avait des gens autour de moi qui essayaient de me tenir la main, qui essayaient de me sortir des décombres. mais qui n’a pas pu le faire »dit-elle.
Et tandis qu’elle continue de vaciller, son partenaire reste debout et sa fille paraît forte. “J’ai l’impression qu’elle réussit là où je ne peux pas”, réfléchit-elle, mais elle comprendra vite que c’est une illusion. En attendant, elle va devoir se battre pour ne pas se laisser engloutir. Cela commence dans la maison où tout lui rappelle son fils. “Le dernier soir, mon fils a ramené des cartons de jus d’orange qu’il a déposé dans la cuisine, ils sont restés au même endroit pendant des mois (…) Je ne pouvais pas les toucher et en même temps, ils me faisaient mal. Il y a des chaussures, des vêtements, tout devient problème. elle énumère.
Regarder les résultats de l’autopsie
Hélène entamera son processus de deuil à travers son corps. « Déjà, ça mange. Marcher aussi. Tout le monde veut m’emmener faire une promenade car on sait que marcher, c’est mettre un pied devant l’autre. Symboliquement, cela continue d’avancer. Au début, je ne peux pas le faire.elle se souvient. Et puis viennent les funérailles. Il faut choisir soigneusement la musique, les photos et parler. «C’est très important. Je veux dire qui est mon fils parce que c’était quelqu’un de très vif, de très actif, de très curieux, de très vif, qui avait une grande sensibilité. dit-elle. Pour sa protection, Hélène participe également à des groupes de parents endeuillés. « On vit la même chose, et en fait, j’ai l’impression que seuls ces gens peuvent me comprendre. Quand je pense à mon fils, je pense à leurs enfants et donc ça me met dans un collectif, je suis moins seule”souligne-t-elle.
Pourtant, deux ans plus tard, Hélène ne peut toujours pas entrer dans la chambre d’Arthaud ni toucher à ses affaires. « Rien n’a changé. Pour le moment, pour nous, c’est impossible. Quand les enfants de mon fils viennent à la maison, ils vont dans la chambre, elle reprend un peu vie. Ma fille y va de temps en temps »dit-elle. Une autre épreuve que nous devrons surmonter est celle de jeter les yeux sur les résultats de l’autopsie. Comprendre. Hélène fait une pause et inspire profondément, comme si elle manquait d’oxygène. Et puis elle commence : “Les résultats sanguins indiquent qu’il est mort de beaucoup de choses qui, indépendamment, ne l’auraient pas tué, mais qui, ensemble, l’auraient tué.”elle murmure. Dans son livre, elle écrit : « De l’alcool, mais pas trop. Des médicaments, mais pas trop. Cette merde de Subutex (un substitut aux opiacés) qui peut déclencher un arrêt cardio-respiratoire… »
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La drogue est donc la seule responsable ? « Oui, probablement, mais ce n’est pas une explication car quelqu’un qui consomme ça, pourquoi l’a-t-il fait ? Était-il déprimé ? A-t-il été mis en danger volontairement ? Pourquoi?”se demande-t-elle. Pour Hélène, la moindre tentative de réponse ouvre d’autres questions, et cela “ouvrez la porte de la colère” contre les psychiatres qui refusaient de voir la gravité de sa maladie, contre cette clinique où Arthaud avait fait une cure de désintoxication et qui l’avait laissé sortir. Mais elle veut garder cette colère à distance, “parce que ça n’aide pas au deuil”.
Aujourd’hui, Hélène tente de rompre avec le passé. « Ce qui m’aide à vivre, c’est d’être dans le présent. J’apprécierai davantage les moments avec ma fille, je les vivrai mieux (…) Et puis, le livre a donné du sens à ma souffrance. Faire comprendre à ceux qui ne l’ont pas vécu ce que l’on ressent. Cela peut paraître inhumain, mais c’est une expérience de vie.assure-t-elle. Car dans une société où la mort est taboue, il lui paraît bien étrange que des gens vivent “comme si tout cela n’existait pas.”