La semaine dernière, je suis allée voir un spectacle dans une salle pleine de jeunes. Pour être plus précis, il s’agissait de jeunes qui avaient quelques rides, quelques cheveux gris et quelques kilos en trop.
Au spectacle Tout simplement Marnayau Cabaret du Casino de Montréal, en hommage aux chansons d’Eddy Marnay, j’ai été très touché de voir tous ces visages, plus ou moins ridés, s’illuminer alors qu’ils revivaient leur jeunesse.
Et le cœur lourd, je me suis demandé pourquoi nous ne donnons pas plus de place dans notre culture à ceux que nous n’osons plus appeler vieux.
Hier encore…
Joe Bocan (metteur en scène), Marie-Denise Pelletier, Luce Dufault et Christian Marc Gendron présentent, dans une tournée qui se poursuit jusqu’au 6 octobre, la reprise de ce spectacle hommage au parolier qui a donné à la francophonie 4000 chansons toutes plus mémorables les unes que les autres.
Ce n’est pas un hasard si l’un des jumeaux de Céline Dion s’appelle Eddy. C’est un hommage qu’elle et René Angélil ont souhaité rendre au parolier Eddy Marnay, qui a joué un rôle crucial dans la carrière de la jeune fille de Charlemagne.
De l’amour ou de l’amitiéchanté par Céline, il est signé Eddy Marnay. Mais Pleurer sous la pluie de Mario Pelchat, il est aussi signé Eddy Marnay. Et c’est aussi lui qui a signé Ma fillechantée par Serge Reggiani, une chanson qui me retourne le cœur à chaque fois que je l’entends : « Ma fille, mon enfant / Je vois venir le temps / Où tu me quitteras / Pour changer de saison / Pour changer de maison / Pour changer d’habitudes. »
Avant, je pleurais en l’écoutant, en pensant au jour où j’ai quitté la maison. Maintenant, je pleure en l’écoutant, en pensant au jour où mon fils, qui aura bientôt 17 ans, quittera le nid.
Ce sont là des joyaux de chansons d’Eddy Marnay, décédé en 2003, quelques mois seulement avant la première de ce spectacle hommage, pensé et imaginé par le pianiste François Dubé.
Comme le résume la publicité : « Eddy Marnay a écrit entre autres J’ai tellement d’amour pour toil’un des premiers succès de Céline Dion, Les moulins de mon coeur avec la musique de Michel Legrand, il a mis des mots français sur Liverpool pour Renée Martel et a touché le cœur d’Edith Piaf avec Les Amants de Paris.”
C’était terriblement émouvant, jeudi soir dernier au Casino, de voir et d’entendre tant de « vieux » murmurer les paroles de chansons qu’ils connaissaient par cœur.
Où sont les vieux ?
Un ami à moi, âgé d’à peine 35 ans, assistait également au spectacle et il m’a raconté qu’une dame à côté de lui sanglotait pendant que Marie-Denise Pelletier chantait. À dix-sept ansla version française signée Marnay de À dix-sept ans par Janis Ian.
Une femme aux tempes grises qui revit ses 17 ans à la simple évocation d’une chanson qui a marqué sa jeunesse, ça m’émeut :
« J’ai tout appris à 17 ans
L’amour n’était pas mon amant
Il a été fait pour les beautés
Pour quelques filles des beaux quartiers.
Pourquoi une grande partie de notre vie culturelle et médiatique est-elle conçue pour ceux qui ont 17 ans et si peu pour ceux qui en ont 71 ?