Derrière l’amélioration impressionnante des performances des cyclistes se cache une guerre technologique qui s’est développée très rapidement ces dernières années. Explications.
L’image a fait le tour du monde : Remco Evenepoel est descendu de cheval à la fin de l’épique course olympique de Paris 2024 et a soulevé son vélo Specialized avec la Tour Eiffel en arrière-plan. Deux mois plus tard, Pogacar faisait de même avec un cadre plus champêtre lors des championnats du monde de Zurich, tout comme Mathieu Van der Poel l’année précédente aux championnats du monde de Glasgow.
Les grincheux y verront un retour pour mettre en avant les constructeurs de cycles qui équipent à grands frais les champions. Mais c’est aussi une manière pour les meilleurs cyclistes du monde de mettre en avant ce qui contribue à leur extraordinaire performance : leur équipement. Et ce n’est pas un hasard si le geste s’est répété ces dernières années : la lutte technologique entre les meilleurs fabricants de cycles s’est accélérée à une vitesse vertigineuse ces dernières années. Présent au stage Groupama-FDJ début décembre, Marc Madiot expliquait sur RMC, un peu surpris, que le nouveau vélo de contre-la-montre de son équipe « va 10 km/h plus vite que le précédent ».
« Il y a toujours deux roues, un guidon et une tige de selle, mais sinon, tout a changé. Et ça a changé très vite », sourit Jérôme Coppel, ancien champion de France du contre-la-montre et consultant RMC. Pour montrer cette incroyable accélération technologique, prenons deux repères : août-septembre 2019, la première Vuelta remportée par Primoz Roglic (qui est aussi le premier Grand Tour disputé par Tadej Pogacar) et août-septembre 2024, avec la 4e victoire sur la Vuelta. du même Roglic (et la démonstration de Pogacar aux championnats du monde et au Tour de Lombardie).
La révolution des freins à disque
Et les différences sont évidentes. « Le principal changement qui aura un impact sur toute l’architecture du vélo est l’axe traversant. Cela permet d’avoir une roue plus rigide et plus haute et donc de meilleures performances”, explique Jérôme Pineau, consultant pour RMC Sport, ancien pilote et chef d’équipe, qui travaille désormais chez Specialized, un constricteur américain qui équipe notamment le Soudal-QuickStep de Remco Evenepoel et le Red de Primoz Roglic. Taureau Bora.
Un axe traversant rendu indispensable par les freins à disque, utilisés en 2024 mais pas en 2019, quand Roglic et Pogacar utilisaient encore des freins à plaquettes. Un peu plus lourds, les freins à disque assurent un meilleur freinage, plus progressif, ce qui permet d’aller plus vite en descente. Ils permettent également d’utiliser des roues plus hautes, donc plus aérodynamiques, et des pneus plus larges. « On est passé de pneus de 20, 21 voire 25 cm (comme en 2019) à des pneus de 28 cm, voire plus, explique Jérôme Pineau. Cela permet de moins gonfler votre pneu, ce qui offre de meilleures performances et un meilleur confort.
« L’autre grand changement, c’est que désormais, les essais en soufflerie sont accessibles à tous », précise Jérôme Pineau. « Et nous testons tout. Chez Specialized, nous avons réalisé qu’en mettant une roue avant plus large que la roue arrière, cela améliorait grandement la pénétration dans l’air.
Un cockpit transformé
L’autre avantage du frein à disque est que les transmissions ne se font plus par des câbles extérieurs qui partent des caches, ce qui constitue déjà une grande avancée aérodynamique. Mais en regardant les deux photos de Primoz Roglic, on se rend compte que tout le cockpit a été transformé : alors que le guidoline recouvrait tout le guidon, il est désormais en carbone et profilé.
En attendant la nouvelle révolution de 2025 annoncée par Colnago, le fournisseur de l’UAE Team Emirates de Pogacar, avec le fameux « guidon mouette » dont on parle tant depuis son exposition en décembre et qui permettrait d’économiser 20 watts sur le modèle précédent selon au fabricant. Pour améliorer l’aérodynamisme du cycliste, le guidon est de plus en plus étroit et les capots tournés vers l’intérieur pour offrir une position aérodynamique, même avec une conduite plus « détendue », avec les mains en haut du guidon.
Une question de dents
Les transmissions ont également beaucoup évolué entre-temps. “Chaque année, nous prenons une brèche”, a déclaré Valentin Madouas pour expliquer pourquoi les motos allaient de plus en plus vite. Quand je suis devenu professionnel, nous étions en 52-11. Maintenant, nous commençons à avoir des 55-10. Si nous ne le faisons pas, nous ne pourrons plus suivre le peloton. C’est devenu un gros gâchis.
Pour améliorer les performances et la ligne de chaîne et limiter les éventuels déraillements, les Cervelo utilisés par Visma-Lease a Bike, l’ancienne équipe de Roglic, utilisent un seul plateau, plutôt que les deux plateaux habituels, petit et grand. « Et pour faire tourner ces plateaux, on utilise des manivelles plus courtes », précise Jérôme Pineau. « Avant, c’était 175 mm, maintenant c’est 170 mm, voire 167,5 mm. Cela permet de pédaler plus rapidement.
Couplé à des freins à disque, cela permet d’aller vite, très vite, voire trop vite en descente. « À mon époque, on pouvait pédaler jusqu’à 55 km/h et puis, l’inertie faisait le reste, se souvient Jérôme Coppel. Maintenant, avec les nouvelles vitesses, ils peuvent pédaler jusqu’à 70, 75 km/h et freiner beaucoup plus tard avec des freins à disque, ce qui fait que là où on atteint les virages à 50 ou 55 km/h, ils arrivent à 65 km/h. , ça ne marche pas.
Une matière transfigurée
Mais ce qui choque le plus quand on regarde les deux photos « avant/après » de Tadej Pogacar, c’est l’apparence entièrement repensée du vêtement. En 2019, son maillot est froissé, tandis que sa combinaison aéro 2024 est comme une seconde peau, si fine qu’elle en est presque transparente. RMC Sport vous le disait lors du Tour de France 2024, le traditionnel « cuissard-maillot » est désormais abandonné par les coureurs qui préfèrent les costumes sur mesure.
« La combinaison est la norme, explique Quentin Pacher.
« C’est plus confortable et plus rapide d’un point de vue aérodynamique. Cela fait trois ou quatre ans que je porte un costume, je ne me pose même plus la question. Même les chaussettes sont devenues « aéro ». Et c’est sans compter sur les changements qui relèvent plus de la fiabilité que de la performance : en 2019, Pogacar et Roglic utilisaient encore des boyaux à l’intérieur des pneus. Ils sont depuis passés, comme la majeure partie du peloton, aux pneus tubeless, un peu plus légers, mais surtout plus fiables et résistants. « Tout est fait pour améliorer l’aérodynamisme et les performances », explique Jérôme Coppel, mais est-il aussi maniable ?