Que s’est-il passé en Corée du Sud ? Mardi 3 décembre au soir, Le président conservateur Yoon Suk-yeol a déclaré la loi martiale lors d’un discours télévisé. Il a dit qu’il avait pris cette décision « protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l’État ». L’opposition est en effet en pleine bataille avec le parti présidentiel sur le projet de budget 2025. Il a qualifié les membres du Parti démocrate, qui lui sont opposés, de « forces hostiles à l’État qui entendent renverser le régime.
Concrètement, le décret proclamant la loi martiale interdit toute activité politique, « fausse publicité »les grèves ainsi que « rassemblements qui incitent à l’agitation sociale « . Les médias ont également été soumis à la loi martiale et le personnel médical, dont certains étaient en grève, a été menacé de sanctions sévères s’il ne reprenait pas son travail dans les 48 heures.
L’armée a également envahi le Parlementoù les élus s’étaient barricadés. Ces derniers ont réussi à faire voter l’abrogation de la loi martiale, que le président a dû annuler. L’opposition et une partie de l’opinion publique, qui ont manifesté une grande partie de la nuit, réclament désormais le limogeage du président Yoon Suk-yeol.
Le Président de la République a-t-il les mêmes pouvoirs en France ?
En France, la loi martiale a déjà été utilisée dans le passé, en 1789, 1791, 1871 (qui réprima dans le sang la Commune de Paris), ou encore lors des deux guerres mondiales. Mais la Constitution de 1958 ne prévoit pas de loi martiale comme en Corée du Sud.
En revanche, d’autres « régimes exceptionnels » sont prévus par les textes.
Celui qui s’est imposé dans le quotidien des Français est lel’état d’urgence, qui a émergé en 1955, pendant la guerre d’Algérie. On en a beaucoup parlé en 2015, lorsqu’il a été remis au goût du jour au moment des attentats terroristes, ainsi qu’en 2024 lors des émeutes en Nouvelle-Calédonie. Elle est décidée par décret en conseil des ministres, « en cas de danger imminent résultant de troubles graves à l’ordre public »comme le précise le site Vie-publique.fr, ou en cas de catastrophe naturelle d’une ampleur sans précédent, par exemple. Elle permet de donner plus de pouvoir aux autorités civiles et peut aussi restreindre certaines libertés publiques comme l’assignation à résidence ou l’interdiction de manifester par exemple.
Pas de « loi martiale » en France, mais…
Ce qui se rapproche le plus de la loi martiale est l’état de siège. Prévue à l’article 36 de la Constitution, elle est mise en place en cas de danger imminent, « s’il y a une guerre par exemple ou une insurrection armée », comme l’explique Anne-Laure Sagon, maître de conférences à Lyon III, spécialisée en droit constitutionnel et libertés fondamentales. Elle est prévue en Conseil des ministres pour une durée de 12 jours, mais sa prolongation au-delà doit être votée par le Parlement, qui a le dernier mot.
Concrètement, cela signifie que les pouvoirs civils sont militarisés, « les litiges sont jugés par les tribunaux militaires »comme l’explique Anne-Laure Sagon. Si la décision est prise en conseil des ministres“il peut faire l’objet d’un recours pour abus de pouvoir devant le juge administratif”. Contrairement à la Corée du Sud, où le Parlement a pu désamorcer la loi martiale, le Parlement français ne peut pas l’annuler, mais dépend de sa prolongation ou non. Le recours à l’état de siège peut entraîner une limitation des droits et libertés publics de la même ampleur que celle observée en Corée du Sud.
Pleins pouvoirs au Président de la République
On peut également citer l’article 16 de la Constitution qui prévoit que « lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées de manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu », le Président de la République peut assumer tous les pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire).
Au terme des 30 jours d’exercice des pleins pouvoirs, le Parlement peut saisir le Conseil constitutionnel afin de déterminer si toutes les conditions sont réunies pour que celui-ci puisse continuer à les utiliser. Par définition, son utilisation ne peut être que temporaire. Il fut tiré une fois, entre le 23 avril et le 29 septembre 1961, lors de la tentative de putsch des généraux à Alger, en pleine guerre d’Algérie.