« Limonov, la ballade », l’ivresse de pouvoir d’un dandy punk

« Limonov, la ballade », l’ivresse de pouvoir d’un dandy punk
« Limonov, la ballade », l’ivresse de pouvoir d’un dandy punk
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Eddie (Ben Whishaw) dans « Limonov, la ballade », de Kirill Serebrennikov. ANDREY STROKIN/PATHÉ FILM

L’AVIS « DU MONDE » – À VOIR

Un sacré bonhomme, Edouard Veniaminovitch Savenko, alias Edouard Limonov, né le 22 février 1943 en Union soviétique, décédé le 17 mars 2020 en Russie, fils d’un officier du NKVD, et qui a grandi en Ukraine. Entre ces deux dates, un destin haut en couleur qui erre entre New York et Paris, avant un retour tonitruant au pays. C’était un délinquant, un poète, un romancier, un majordome, un clochard, un mercenaire, un activiste rouge-brun. L’homme, qui rêve d’une vie semblable à l’alcool fort et qui en brûle autant que ses forces le lui permettent, se décrit dans cette quête d’aventure et dans sa haine de la médiocrité du monde, au fil des livres. L’écrivain français Emmanuel Carrère l’immortalise dans une biographie romantique, ambivalente à souhait, qui ne saurait s’intituler autrement que Limonov (éditions POL, 2011).

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C’est de là que s’inspire le cinéaste russe Kirill Serebrennikov, récemment exilé, pour tenter un portrait émouvant. Comme Carrère – qui tient aussi un petit rôle dans le film – ce qui captive le réalisateur, c’est le « russitude »proprement Dostoïevskien, par Limonov. Sa foi brûlante dans la création, son penchant à la rébellion, sa haine de la bien-pensance, son chaos intérieur, son nihilisme, son goût pour la provocation et l’imprécation, sa disposition autant à l’ignominie qu’à la destruction. Évoquer Limonov à partir de ce livre, c’est admettre s’intéresser moins à la biographie proprement dite d’un personnage de toute façon insaisissable, qu’à la fascination que suscite cet être du refus et du scandale, non dénué de talent littéraire.

Entrer dans l’arène politique

D’où ce saisissant portrait diffracté, plastiquement ourlé, giflé hors-champ par les anathèmes crachés à la face du monde par son héros dans ses livres, que nous propose ce grand styliste (voir Léto, 2018 ; La fièvre de Petrov2021 ; La femme de Tchaïkovski2022) qui reste contre toute attente Serebrennikov. Portrait d’un dandy punk – fou amoureux d’un modèle à la beauté hiératique, Elena, qui finit par le sacrifier à sa carrière – et qui traîne sa rage et sa fièvre de la pègre de New York, où il vit un moment sans le sou, faisant l’amour avec des clochards, jusqu’aux cercles intellectuels parisiens, où il devient un prototype de l’alliance du communisme et du fascisme.

Il finit par se jeter sur la scène politique en créant, en 1993, avec le philosophe Alexandre Douguine, le Parti national-bolchevique ultranationaliste, sur la scène de son nouveau pays, où Poutine, qui s’apprêtait pourtant à le rejoindre dans son extrémisme, était emprisonné. lui en 2007. À cet égard, Limonov cristallise, dans ce sens véritablement visionnaire, une ivresse de pouvoir et de violence que l’actuel tire d’impérial et belliciste. La puissance russe est accomplie.

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