L’Italie marque un point contre un musée américain

L’Italie marque un point contre un musée américain
L’Italie marque un point contre un musée américain

Elle a plus de 2.000 ans mais continue de faire des vagues : la « Statue de la Jeunesse victorieuse », découverte au large des côtes italiennes en 1964, n’aurait pas dû être acquise par un musée américain, a jugé jeudi la Cour européenne des droits de l’Homme ( CEDH).

Rome tente depuis des décennies de récupérer cette splendide statue de bronze, entre saisie d’Interpol et procédures diplomatiques. Mais le Getty Museum de Los Angeles, qui a acquis l’œuvre en 1977, a toujours refusé de la restituer.

La Fondation Getty avait saisi le tribunal de Strasbourg pour qu’il annule une décision de « confiscation » prise par la justice italienne. Ce n’était pas bon pour lui : les juges ont donné raison à Rome dans un jugement rendu jeudi.

“Nous avons travaillé dur” pour obtenir le retour de la statue, a réagi le ministre italien de la Culture, Gennaro Sangiuliano, rappelant avoir interdit tout prêt d’œuvres aux musées en désaccord avec son pays.

De son côté, le musée a indiqué dans un communiqué qu’il envisageait de faire appel de cette décision devant la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme.

Également connue sous le nom d’« Athlète de Fano », la statue, datant du IVe siècle avant notre ère, a été découverte il y a 60 ans dans la mer Adriatique par des pêcheurs italiens au large de Fano (centre-est de l’Italie). Italie). Il aurait été vendu immédiatement, changeant plusieurs fois de mains avant que l’État italien puisse exercer son droit de préemption.

L’œuvre, qui représente un athlète nu (ou le prince macédonien Démetrios Poliorcetes selon certains), refait surface sur le marché de l’art en 1974 et est ensuite acquise à Munich par le musée J. Paul Getty pour 3,9 millions de dollars de l’époque.

Attribuée au sculpteur grec Lysippe, elle est aujourd’hui exposée à la Villa Getty, sur les hauteurs du quartier ultra-chic de Pacific Palisades.

– « Découverte accidentelle » –

La Fondation Getty a saisi la CEDH en 2019 pour contester la décision de confiscation prise en 2010 par la justice italienne, estimant, entre autres, que la statue grecque ne relevait pas du patrimoine italien.

« La statue ne fait pas partie du patrimoine culturel italien et n’en a jamais fait partie », avait déclaré un responsable de la Fondation en 2018, estimant que « la découverte accidentelle de cette statue par des ressortissants italiens n’en fait pas une œuvre italienne ».

Mais dans son arrêt, la Cour européenne a rejeté la demande du musée américain, estimant que « les autorités italiennes ont raisonnablement démontré que la statue faisait partie du patrimoine culturel italien ».

En 2019, la Cour de cassation italienne, saisie par Getty, a fait valoir qu’« il existait une continuité entre la civilisation grecque, qui s’était étendue sur le territoire italien, et l’expérience culturelle romaine qui a suivi ».

– “Mauvaise foi” –

Devant la CEDH, le musée américain a estimé que la confiscation ordonnée par Rome contrevenait à l’article 1 du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, qui protège le droit de propriété.

Mais « l’acquéreur du bien doit soigneusement vérifier son origine pour éviter d’éventuelles mesures de confiscation », rappellent les juges.

Cependant, « en achetant la statue en l’absence de toute preuve de la légitimité de sa provenance et en pleine connaissance des affirmations des autorités italiennes à son sujet », la Fondation Getty « a méconnu les exigences légales, au moins par négligence, ou peut-être de mauvaise foi.

Les juges rappellent également que plusieurs instruments internationaux soulignent l’importance de protéger les biens culturels contre les exportations illicites, notamment une Convention de l’UNESCO de 1970.

Les États-Unis ont signé cette convention, mais ne sont pas membres de la CEDH, une émanation du Conseil de l’Europe qui compte 46 États membres.

Le différend entre l’Italie et Getty est ancien. En août 2007, le musée et l’Italie ont annoncé un accord sur la restitution de 42 antiquités qui, selon Rome, avaient été volées puis exportées illégalement.

Fondé par le milliardaire pétrolier John Paul Getty, le Getty Museum est soutenu par la fondation artistique la plus riche du monde, dont les actifs sont évalués à plusieurs milliards de dollars. Ses collections comprennent de nombreux chefs-d’œuvre de la peinture occidentale, des primitifs italiens aux impressionnistes français.

bar/sk/jd/rle

 
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