Les cérémonies de réouverture de Notre-Dame se sont terminées dimanche 15 décembre par une messe dédiée à ses sauveteurs, les pompiers et ses accompagnateurs. Pourquoi était-ce important ?
Nous avions déjà pu vivre des moments comme la visite du Président de la République le 29 novembre, venu saluer et remercier tous les compagnons et tous ceux qui ont participé à la récupération de la cathédrale, la cérémonie d’ouverture du 7 décembre et la première messe le lendemain. Mais depuis longtemps, nous étions d’accord avec le diocèse pour organiser cette messe le 15 décembre.
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Nous avions envie de passer un moment entre nous, plus intime. Ce que nous avons vécu ensemble ces cinq dernières années a créé une grande proximité. Après la messe, nous avons réuni quelque 1 500 compagnons autour d’un « repas de famille » sur le chantier. Cette période de réouverture nous a permis de partager à la fois de la joie et une grande émotion. J’oserais même parler d’un moment de bonheur.
Pour certains de ces compagnons, la tâche n’est pas terminée. Ils reviendront notamment pour finir la toiture de la flèche. Pourquoi ces travaux n’ont-ils pas pu être terminés pour la réouverture ?
Cette programmation des travaux était prévue de longue date, sachant que l’ambition a toujours été que, pour la réouverture fixée au 8 décembre, la restauration de l’intérieur de la cathédrale soit entièrement achevée. Nous ne voulions pas seulement autoriser un accès temporaire au lieu, avec une réparation esthétique mais incomplète, puis le fermer et partir pour des mois de travaux. C’était censé être permanent, ce qui a été le cas.
Pour reconstruire la flèche et combler la brèche dans la grande voûte provoquée par son effondrement lors de l’incendie, il a fallu installer un grand échafaudage dans le bâtiment. Lors des études préliminaires, il a été décidé de ne pas accentuer les murs de la cathédrale mais de placer les échafaudages nécessaires sur le sol de la croisée du transept. Cet ouvrage de 600 tonnes a permis d’atteindre jusqu’à 100 m de hauteur pour reconstruire la charpente en bois de la flèche, réaliser le cache-plomb de son aiguille, puis fermer la voûte en restaurant l’oculus de la croisée du transept avec sa toile peinte figurant la Vierge.
Dans la matinée du dimanche 15 décembre 2024, une messe a été célébrée en l’honneur des pompiers de Paris et des accompagnateurs de quelque 250 entreprises, qui ont participé au sauvetage du monument pendant et après l’incendie du 15 avril 2019. © Yannick Boschat / Diocèse de Paris.
En juillet dernier, nous avons démonté cet échafaudage, comme prévu, pour libérer de l’espace, finaliser la pose du dallage noir et blanc, installer la grande marche de l’estrade liturgique et son mobilier, dont l’autel.
Il reste aujourd’hui à recouvrir la base de la flèche ; pour cela, il suffit d’un échafaudage beaucoup plus léger et, cette fois, extérieur. Il est actuellement en cours de montage sur les murs de gouttières et devrait être prêt début janvier. Les travaux de reconstruction de la flèche s’achèveront ainsi au cours du deuxième trimestre 2025, sachant que nous avons de nouvelles contraintes organisationnelles. C’est pourquoi, pour des raisons de sécurité, nous ne pouvons plus placer de charges au-dessus du bâtiment lorsqu’il est ouvert au public, mais seulement tôt le matin.
Y a-t-il d’autres interventions à réaliser pour finaliser cette étape de reconstruction ?
Nous avons pour objectif de rouvrir en 2025, vers l’été, le circuit touristique du massif occidental, c’est-à-dire les tours. Nous sommes en train d’achever la consolidation du beffroi de la tour sud, c’est-à-dire la structure en bois qui porte les cloches.
En réalité, avant l’incendie, Notre-Dame, dans plusieurs de ses composantes, nécessitait une importante campagne de travaux.
Philippe Jost
Lors de l’incendie, seule la tour nord a été endommagée. C’est également là que les pompiers ont gagné la bataille contre les incendies. Depuis, le beffroi a été restauré mais nous avons constaté que le beffroi sud, bien que n’ayant pas été touché par le sinistre, était en mauvais état. En réalité, avant le 15 avril 2019, Notre-Dame, dans plusieurs de ses composantes, avait besoin d’une importante campagne de travaux.
Une fois les projets que vous venez de décrire terminés, il vous restera une partie des dons qui ont été récoltés après l’incendie. À quoi seront-ils consacrés ?
En effet, sur les 846 millions d’euros reversés principalement dans les jours qui ont suivi l’incendie, il nous en reste encore aujourd’hui environ 140 millions. L’année dernière, nous avions demandé aux donateurs s’ils étaient d’accord pour continuer à soutenir la cathédrale avec les travaux à prévoir, même s’il ne s’agissait plus de réparer les dégâts causés par la catastrophe.
Cette somme servira à réaliser le projet considéré comme le plus urgent : la restauration du chevet. Ses décors de pierre, rongés par le -, ont perdu de leur intégrité : les pinacles ont été réduits de moitié, les sculptures sont fendues. Tout cela sera à refaire.
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Cette zone autour du chœur présente même potentiellement des problèmes structurels. On estime donc que bon nombre de ses grands et très beaux arcs-boutants doivent être remplacés. Il n’y a rien d’exceptionnel dans une telle intervention. On peut considérer qu’il s’agit d’un entretien d’un tel bâtiment. D’ailleurs, au XIXème siècle, Viollet-le-Duc avait déjà en grande partie reconstruit les arcs-boutants. Nous allons donc commencer par là. Des appels d’offres seront lancés au cours du premier trimestre 2025 pour démarrer rapidement ce projet.
A la fin de la messe du 15 décembre, le diocèse de Paris a remis une médaille aux pompiers et accompagnateurs qui ont œuvré pour sauver Notre-Dame. © Marie-Douce Albert / Le Moniteur.
Ensuite, nous réalisons des diagnostics pour évaluer l’urgence relative des différentes opérations. On sait déjà que l’extérieur de la sacristie doit être restauré. Cette partie date des années 1850 et ses décors sculptés sont très abîmés. En revanche, il ne présente aucun désordre structurel.
Des études sont en cours pour évaluer l’état des trois grandes rosaces, celles des façades des deux transepts et celui de la façade principale, et nous nous intéressons également aux façades des transepts. Leurs pignons, fortement endommagés par la chaleur de l’incendie, furent entièrement reconstruits mais pour le reste de leur maçonnerie, rien ne fut fait. D’ici mi-2025, nous pourrons faire le point et établir l’ordre dans lequel ces projets doivent être réalisés.
Pour le moment, nous savons que trois années de travail nous attendent.
Philippe Jost
Les 140 millions suffiront-ils à financer tout cela ?
Nous sommes presque sûrs de pouvoir financer le projet de chevet mais le total des besoins dépassera ce montant. Il faudra donc faire à nouveau appel à la générosité du public et lancer de nouvelles campagnes de financement. En tout cas, on sait que, pour le moment, trois années de travaux nous attendent.
Alors la réouverture de la cathédrale ne signifie pas la fermeture de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris que vous dirigez ?
Il est certain que l’établissement sera responsable de cette nouvelle phase de restaurations, dont celle du chevet, et de l’utilisation de ses 140 millions d’euros. Nous sommes le bon outil de gestion, nous garantissons une parfaite traçabilité de l’utilisation des fonds et avons établi une relation de grande confiance avec les mécènes.
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Tant que Notre-Dame nécessite un rythme de travaux soutenu, nous restons la structure appropriée. La loi et le décret qui ont permis la création de l’établissement ne précisent pas la date de fin de sa mission. Sa fermeture interviendra au moment opportun. Pour le moment, nous poursuivons notre travail, d’autant que nous avons désormais une autre fonction.
Lequel ?
Depuis un peu plus d’une semaine que la cathédrale a rouvert ses portes, nous assurons son entretien mais aussi sa sécurité incendie. Un nouveau système de protection, basé notamment sur un dispositif de brumisation mais aussi sur d’autres équipements complètement innovants, a été installé. Il nous appartenait donc de recruter les équipes compétentes pour assurer la surveillance de la cathédrale. Mais, sur ce sujet aussi, il viendra un moment où nous passerons le relais.
Personnellement, j’espère que le projet du musée Notre-Dame pourra aboutir.
Philippe Jost
Est-ce également à l’établissement public d’œuvrer à la création du futur musée Notre-Dame qui pourrait être implanté au sein de l’Hôtel-Dieu voisin ?
Cette idée avance et, personnellement, j’espère qu’elle pourra se concrétiser. Ce projet, qui permettrait de mieux comprendre tout ce qu’est Notre-Dame, son histoire et son âme, ainsi que de valoriser le savoir-faire raffiné qui permet d’entretenir les cathédrales, a beaucoup de sens. Mais gérer un musée ne fait pas partie des missions de notre établissement.
Avec les travaux que vous allez réaliser, auxquels s’ajouteront la transformation de la place et la réhabilitation du square Jean-XXIII menés par la mairie de Paris, Notre-Dame conservera toujours son caractère de chantier perpétuel…
D’autres cathédrales vivent ainsi : Strasbourg, Beauvais, Reims, Chartres… Cela signifie que des fonds sont disponibles pour l’entretien de ces édifices. En fait, c’est d’autant plus lorsqu’il n’y a pas de chantier que c’est mauvais signe. Cela dit, nous espérons arriver à un stade où Notre-Dame de Paris, après avoir bénéficié de ces campagnes de travaux, pourra se passer de grosses opérations pendant quelques années.