Le président élu a promis une grâce présidentielle aux manifestants qui ont attaqué le Capitole le 6 janvier 2021. Ce jour-là et les suivants, sept personnes dont trois policiers sont mortes.
Il faut dépasser plusieurs voitures de police avant d’apercevoir dans la pénombre l’imposant bâtiment hyper sécurisé. La prison de Washington se détache derrière des barbelés, à côté d’un cimetière recouvert d’une fine couche de neige. Devant le portail, un petit groupe installe des pancartes religieuses et des drapeaux américains avant d’allumer une enceinte. Il est presque 20 heures ce mercredi 15 janvier et la 898e veillée de soutien aux émeutiers du 6 janvier commence à l’est du Capitole. Bienvenue dans le « coin de la liberté ».
Le serment d’allégeance au drapeau des États-Unis résonne devant le vaste complexe carcéral. « Une nation unie sous Dieu et indivisible, avec liberté et justice pour tous ! » » clame cette poignée d’Américains joyeux, micro à la main. Des proches et des partisans d’émeutiers impatients à l’approche de l’investiture de Donald Trump, lundi à Washington. Le président élu, dans une récente interview avec NBC News, s’est engagé à gracier “très probable” et « très vite » participants à l’assaut contre le Congrès en 2021.
Cette violente contestation des résultats de l’élection présidentielle de 2020 est perçue comme “une journée d’amour” par le Républicain, qui avait échauffé ses partisans quelques heures plus tôt. Ce jour-là et les suivants, sept personnes dont trois policiers sont décédées, selon un rapport bipartisan du Sénat*. Deux autres agents intervenus au Capitole se sont suicidés des mois plus tard, rapporte le New York Times. En quatre ans, 1 583 personnes ont été mises en examen pour des crimes liés à cette attaque, a relevé début janvier le ministère de la Justice.
« Seigneur, je te remercie, je suis heureux de sortir désormais de cette prison », lance au micro Brandon Fellows, à peine 30 ans, casquette Rendre sa grandeur à l’Amérique (Maga) à l’envers. France Télévisions l’a rencontré quelques heures avant son arrestation, le 16 janvier 2021. Dix jours plus tôt, ce gérant d’une petite entreprise de cheminées pénétrait dans l’antre du pouvoir législatif américain et allumait un joint dans le bureau d’un sénateur. Il a été poursuivi, entre autres, pour « trouble à l’ordre public »*.
Depuis, “J’ai été dans 12 prisons différentes en 1075 jours”, y compris celui qui est en face de lui, affirme le trumpiste, toujours en colère. « J’ai passé six mois en cellule d’isolement. Je voulais tuer ces gardes. dit l’Américain de l’Etat de New York, en probation depuis sa libération en mai. “J’attends que Trump prenne ses fonctions et commue ma peine (…) J’espère retrouver ma vie”, confie l’accusé, l’air confiant.
Lundi, premier jour d’une nouvelle ère Trump aux États-Unis, sera un jour de “célébration” pour les boursiers Brandon. Une soirée arrosée se prépare, rit-il. “Ce sera triste aussi, car en l’espace d’un mois, je risque de dire au revoir à tant d’amis que je me suis fait ici”, souligne l’habitué des veillées devant la prison, convaincu que Donald Trump tiendra sa promesse.
«Je me sens en sécurité. Je pense que d’ici le 1er mars, les trois quarts ou plus des peines seront commuées ou graciées.
Brandon Fellows, poursuivi après l’attaque du Capitolesur franceinfo
Au loin, un détenu en uniforme orange accueille les manifestants depuis une fenêtre de la prison. Une tradition s’est instaurée : entre deux morceaux de musique country, des émeutiers incarcérés à Washington téléphonent au petit groupe de soutien, la voix amplifiée par l’orateur. «J’ai hâte de sortir» confie Dominic Box, bavard et convaincu d’être “cinq jours” de sa libération. Pour lui, les poursuites pour « troubles civils » ou encore « trouble à l’ordre public » seront bientôt derrière lui. «Je suis très, très heureux. Je suis en prison depuis dix-huit mois. Je m’y sens vraiment bien. Je sais que je retrouverai bientôt mes amis.
Nicole Reffitt tient le téléphone dans la nuit glaciale. « Serons-nous tous graciés dès le premier jour ? Aurons-nous tous la même grâce ? Honnêtement, je ne sais pas”, doute l’un des détenus en ligne. “Vos amis du 6 janvier, vos frères, vos femmes et vos enfants reviendront à la maison !” assure un autre. Sous son chapeau rouge Maga, Nicole Reffitt sourit.
Quatre ans plus tôt, l’assaut du Capitole “bouleversé” la vie de cette Texane de 52 ans, déchirant par la même occasion sa famille. Dénoncé par un fils inquiet, son mari, Guy, a été le premier émeutier jugé pour l’attentat du 6 janvier. Il portait une arme lors de l’agression et a été reconnu coupable, entre autres, de « troubles civils ». Sa peine est d’environ sept ans de prison. « Il est très enthousiaste, convaincu que de bonnes choses vont arriver » confie sa femme, qui l’appelle deux fois par jour. Les ponts sont coupés avec son fils, mais Nicole Reffitt lui écrit un SMS “environ toutes les deux semaines”, “pour lui dire de ne pas oublier que je l’aime”. Figure des veillées de soutien aux émeutiers, l’Américain à la voix rieuse a quitté le Texas pour s’installer dans la capitale.
-«Je suis très excité de voir ce qui se passe. Donald Trump a un plan, je suis convaincu qu’il va faire quelque chose de très positif.»
Nicole Reffitt, épouse d’un émeutier du 6 janviersur franceinfo
A ses yeux, le nouveau locataire de la Maison Blanche va réduire certaines peines, « suspendre les essais » et “Regardez qui mérite la grâce” présidentiel. “Tout le monde ne le mérite pas”, estime Nicole Reffitt. Elle espère retrouver son mari rapidement, condition sine qua non pour “guérison” famille.
Vers la fin de la veillée, l’Américain proclame les noms des personnes décédées lors de l’assaut contre le Congrès américain. « Ashley Babbitt ! Ashley Babbitt ! Ashley Babbitt!”, chantent les quelques manifestants, en hommage à ce vétéran et partisan de Donald Trump tué par un policier au Capitole. Les visages de plusieurs morts du 6 janvier apparaissent sur des panneaux illuminés par des bougies le long du cimetière. Avec cette légende : « Assassiné par la police du Capitole ». Seul un policier y est représenté.
Le lendemain, le petit groupe s’est agrandi sous quelques flocons de neige. Certains visages déjà rencontrés reviennent, comme Brandon Fellows. Cette fois, il porte une veste de l’agence américaine de contrôle de l’immigration. « Nous sommes prêts ! » Lance Nicole Refitt.
Ce soir-là, la mère d’Ashli Babbitt est là aussi. Micki Witthoeft, le visage étouffé, est celle qui a initié ces veillées à la mémoire de sa fille, à l’été 2022. Elle aussi est “plein d’espoir” pour les émeutiers du 6 janvier, persuadés que plusieurs grâces seront prochainement prononcées.
« J’ai parlé au président Trump la semaine dernière. Il m’a dit qu’il les aimait et qu’il devait me garder le moral.
Micki Withoeft, mère d’Ashli Babbittsur franceinfo
Lundi, ces proches d’émeutiers attendront une nouvelle fois devant l’établissement pénitentiaire de Washington, prêts à accueillir à bras ouverts des détenus qu’ils imaginent déjà libres. Là « Communauté du 6 janvier » collectant des manteaux, des pantalons chauds et des téléphones pour proposer des premières offres aux émeutiers libérés. Tina Pollock, 60 ans, est venue de Floride avec sa fille Mary, en attendant les premières sorties de prison. Deux de ses enfants sont derrière ces murs ce soir. Ils sont poursuivis pour voies de fait, entre autres accusations, contre des agents publics. Vont-ils se revoir bientôt ? L’Américaine se dit “100% confiant”.
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