Les manipulateurs du Web, les « brouteurs », exploitent nos défauts émotionnels et cognitifs pour escroquer les victimes vulnérables. En Côte d’Ivoire, mais aussi dans d’autres pays, ces escrocs multiplient les techniques, de l’idylle virtuelle au chantage, hors de portée de la justice française.
Impossible de rater cette histoire surréaliste : pendant un an et demi, Anne53 ans, a été la cible d’une escroquerie amoureuse sophistiquée. Convaincu d’entretenir une relation amoureuse avec Brad Pitt, elle a transféré un total de 830 000 euros à son supposé amant. Ce « Brad Pitt » n’était en réalité qu’un leurre élaboré, soutenu par du contenu numérique créé grâce à l’intelligence artificielle – communément appelé « deepfakes ». Cette affaire, révélée par nos confrères de TF1 dans un reportage, a fait l’effet d’un raz-de-marée, notamment sur les réseaux sociaux. Visée par une vague de cyberharcèlement, Anne, bouleversée, a depuis hospitalisé pour dépression sévère. Une histoire hallucinante, certes, mais ce n’est pas un cas isolé. Comme Anne, de nombreuses personnes se font arnaquer sur Internet. Ces manipulateurs ont même un nom : ils sont « brouteurs ». Mais qui sont-ils ?
L’arnaque aux sentiments
Le terme « brouteur » vient de argot ivoirien et évoque le mouton qui se nourrit sans effort, une métaphore parfaite pour décrire ces cyber-escrocs. Actif depuis le début des années 2000les éleveurs opèrent principalement à partir de pays comme Côte d’Ivoire, Bénin ou Sénégalmais leur influence s’étend bien au-delà des frontières. Ils exploitent principalement les réseaux sociaux et les sites de rencontres pour cibler leurs victimes. La méthode la plus courante pour les brouteurs est arnaque aux sentiments. Cachés derrière de faux profils, souvent de personnes séduisantes, ces escrocs nouent des relations virtuelles avec leurs cibles, majoritairement des femmes de plus de 50 ans. Véronique Paumard, 57 ans, victime interrogée par Infos Frances’est vu extorquer toutes ses économies des dix dernières années, l’équivalent de 8 450 euros par un arnaqueur appelé « Philippe » sur Instagram. « Quand Philippe m’a contacté sur Instagram, il m’a écrit : ‘Bonjour belle dame, comment vas-tu ?’ J’avais certainement besoin de communiquer avec quelqu’un, et donc j’avais besoin de ces mots, de son attention, ça me rassurait. Alors, après 22 heures. quelques jours, il a fait sa première demande d’argent, je n’ai pas pu résister. Il a été toute ma vie en l’espace de quelques jours.dit Véronique. Une fois la confiance gagnée, les exigences financières commencent : factures médicales, billets d’avion ou autres urgences fictives.
« Les brouteurs lavent le cerveau de leurs victimes »
Ces programmes peuvent être très coûteux. Un sexagénaire originaire de Seine-et-Marne a ainsi été dépossédé de 158 000 eurospersuadée que son interlocuteur avait une fille gravement malade. Pour Jean-Jacques Latour de Cybermalveillance.gouv, « Les brouteurs lavent le cerveau de leurs victimes jusqu’à ce qu’elles ne puissent plus payer. Les victimes perdent leurs économies et contractent parfois des emprunts pour tout couvrir. confie au spécialiste -. Dès que cela commence à porter ses fruits, les escrocs continuent. Les brouteurs exploitent les défauts psychologiques de leurs cibles. Les victimes, sous influence, rationalisent même les incohérences pour ne pas perdre leur illusion. Parallèlement, les éleveurs améliorent constamment leurs méthodes. De la fausse convocation au tribunal Aux annonces immobilières fictives, tout est bon pour piéger les plus fragiles. Certains utilisent même des deepfakes pour rendre leurs mensonges crédibles appels vidéo.
Une marge d’action limitée
Les répercussions de ces escroqueries seront bien au-delà des pertes financières. Certaines victimes sombrent dans la dépression ou se retrouvent isolées de leurs proches. En 2024, un homme du Pas-de-Calais tue sa compagne pour rejoindre une maîtresse fictive qui se révèle être une brouteuse. Ces escroqueries détruisent des vies et des familles. Pourtant, les « brouteurs » parviennent presque toujours à se débrouiller sans le moindre souci. Et pour cause : « La plupart des escrocs sont à l’étranger, Côte d’Ivoire, Nigeria, Bénin, mais jamais sur le territoire français. Car en France, il y a toujours le risque d’être identifié et arrêté. Il est donc très difficile de les arrêter.explique à Infos France Commissaire Sophie Robert, chef de la brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA).
Les brouteurs utilisant numéros de téléphone « marche-arrêt »qui laissent apparaître des numéros d’origine française, ces derniers échappent à la dénonciation. “Le combat doit donc passer par la coopération judiciaire internationale, qui est parfois longue ou difficile avec ces pays”, déplore le commissaire. Souvent, ce sont des intermédiaires qu’on arrive à identifier, alors qu’il y a des intermédiaires en France. elle ajoute. La prévention reste la meilleure arme contre ces arnaques. Ne jamais envoyer d’argent ou de photos intimes à une personne que vous n’avez pas rencontrée physiquement est une règle d’or. En cas de doute, il est conseillé de vérifier les profils via des recherches d’images inversées et de consulter les proches. Sophie Robert insiste également sur l’importance de porter plainte rapidement et conserver toutes les preuves. Pour ceux qui en sont déjà victimes, la plateforme Thésée permet de signaler des arnaques en ligne et d’engager des poursuites judiciaires. Prends soin de toi.
Sources :
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