Les enquêteurs ukrainiens ont indiqué jeudi avoir ouvert des enquêtes sur des cas d’abus de pouvoir et de désertions au sein de la brigade « Anne de Kiev », en partie entraînée et équipée par la France. “Le Bureau d’État d’enquête étudie effectivement les faits présentés dans les médias dans le cadre des procédures pénales engagées en vertu des articles” liés à l’abus de pouvoir et à la désertion, a déclaré Tatiana Sapian, porte-parole de cet organisme officiel.
Selon le célèbre journaliste ukrainien Iouri Boutoussov, près de 1 700 soldats de la brigade ont déserté, la plupart avant même le déploiement de leur unité au front, et 50 lors d’un entraînement en France. Dans un long message sur Facebook mardi, il a accusé le commandement militaire ukrainien d’avoir échoué dans la formation initiale de la brigade, qui s’est déroulée dans un « chaos organisationnel complet » et d’avoir envoyé ses soldats dans d’autres unités pour « boucher les trous ». en termes de personnel.
Selon lui, ce qui restait de la brigade a été envoyé notamment à Pokrovsk, l’un des secteurs les plus chauds du front de l’Est, tandis que son commandant a été limogé, ainsi que plusieurs de ses subordonnés. Toujours selon ce journaliste ukrainien, la brigade n’était pas équipée de drones ni de matériel de brouillage électronique, outils devenus indispensables aux unités militaires dans cette guerre.
“En raison de cette attitude criminelle envers la vie des soldats, la 155e brigade a subi des pertes importantes dès les premiers jours”, a-t-il accusé. « L’enquête est en cours. Il est trop tôt pour parler de résultats préliminaires », a expliqué Mme Sapian. Les problèmes au sein de la brigade « Anne de Kiev » avaient déjà été dénoncés par la députée ukrainienne Mariana Bezougla, connue pour ses critiques virulentes à l’égard du haut commandement militaire, qui parlait début décembre d’une « brigade zombie » constituée à des fins de « publicité ». « .
Le président français Emmanuel Macron a rendu visite début octobre aux soldats de la 155e brigade ukrainienne lors de leur entraînement en France. La France a doté cette brigade de 128 transports de troupes VAB, 18 chars AMX-10, 18 canons automoteurs César ainsi que des camions, des véhicules blindés d’évacuation sanitaire, des postes de tir de missiles anti-aériens Mistral et antichar Milan.
L’armée ukrainienne entre angoisse et indulgence
L’armée ukrainienne a perdu au moins 43 000 soldats tués au combat et sans doute des dizaines de milliers d’autres actuellement portés disparus depuis le début de l’invasion russe. Elle peine à compenser ces pertes face à des troupes russes qui ont l’avantage du nombre et gagnent du terrain au prix d’assauts très meurtriers.
Selon le parquet ukrainien, depuis 2022, au moins 90 000 dossiers ont été ouverts pour désertion ou absence sans autorisation, avec une forte augmentation des dossiers en 2024. Face au manque de militaires, les autorités ukrainiennes ont fait preuve d’une certaine indulgence. Le Parlement a ainsi adopté en août une loi exemptant de poursuites judiciaires ceux qui retournaient dans leurs unités, à condition qu’ils n’aient pas été condamnés auparavant pour ce motif.
Formation et encadrement
Selon Siver, un commandant ukrainien, le nombre de soldats abandonnant leurs unités augmente car bon nombre des militaires les plus motivés sont déjà morts ou blessés. Plusieurs militaires ont cependant déclaré que des améliorations dans la formation et l’encadrement de l’armée pourraient contribuer à réduire les désertions.
Un ancien déserteur explique que, grâce à l’attitude de ses supérieurs actuels, son aptitude au combat et sa condition physique se sont améliorées depuis sa première maladie. Siver suggère un meilleur soutien psychologique pour préparer les troupes, mais il ne voit pas de solution miracle pour réduire les désertions, qui vont sans doute se multiplier à mesure que les combats se poursuivent. Même si oui, dit-il, il y en a bien une : « Il suffit de mettre fin à la guerre ».