Au Maroc, le nougat fait partie intégrante des douceurs ancestrales les plus appréciées, souvent vendues en vrac pour le plus grand plaisir des enfants et des adultes. Dans certaines régions, le savoir-faire est une affaire de famille, transmise de père en fils. On le déguste sous diverses variantes, principalement avec des amandes et du blanc d’oeuf monté en meringue, ou encore avec du miel et des graines de lin. Ces versions de base sont plus largement revendiquées à travers la Méditerranée, où cette préparation est connue sous différents noms.
En Espagne, RFI a récemment mis en lumière la tradition familiale des nougatconsidéré comme un « héritier des confiseries de Noël des cultures islamiques ». Ce nougat, également disponible en France, à Malte, en Italie ou encore en Allemagne, “a ses origines au Moyen-Orient, d’où il a été transporté par les cultures arabo-andalouse et juive jusqu’à la péninsule ibérique”, rapporte le média.
Mais bien avant d’être reconnu comme la confiserie raffinée populaire, ce mélange est apparu dans d’anciennes indications médicales. Entre le Ier et le IIe siècle, le médecin grec Claude Galien (129 – 201) décrit une association pour calmer la toux, associant du miel, des amandes et des pignons de pin.
Une pâtisserie sucrée façonnée au fil des siècles
Bien avant son introduction dans le sud de l’Europe, notamment en Sicile et en Andalousie, la canne à sucre était ajoutée à cette préparation de base dans les cours arabo-musulmanes de Mésopotamie. En plus du nougat, les pâtisseries sont réalisées à base de farine, d’amandes, d’anis, de gomme arabique, de cannelle, de sésame et d’eau de fleur d’oranger. Avec l’utilisation du sucre dans la péninsule ibérique et sur l’île italienne à l’époque du califat, la confection des desserts connaît un tournant.
Beaucoup de ces préparations associent des saveurs inspirées ou influencées par un savoir-faire oriental, que le musicien de Mossoul Ziryab a promu en Andalousie musulmane. Abu Hassan Ali ben Nafi, dynamo de la musique arabo-andalouse, n’a pas manqué de perpétuer certaines traditions gastronomiques de ses ancêtres, tout au long de sa vie à Cordoue. La base de ces préparations connaîtra des améliorations et des réhabilitations dans diverses régions, comme au Maroc.
Malgré le départ de nombreuses familles juives et musulmanes d’Al-Andalus, avec la fin de la Reconquista (722-1492), le savoir-faire de la confiserie ancestrale perdure dans la région et se diffuse ailleurs. Dès le XVIIe siècle en France, le nougat de Montélimar est considéré comme l’héritier de ses versions arabe, catalane et italienne. Il gagnera en popularité, grâce aux amandiers d’Olivier de Serres.
Au Maroc, cette tradition fera partie des douceurs locales, parmi celles développées notamment par les familles de la péninsule ibérique. Les mêmes gestes et les mêmes usages seront reproduits au fil des siècles, souvent dans les habitations, puis dans les boutiques artisanales.
Tanger représente l’une des régions clés où le nougat fait la bonne réputation des traditions sucrées marocaines, soigneusement conservées avec les mêmes compositions d’antan.
Non loin du Petit Socco, dans la célèbre rue Siaghine de la médina, un artisan ouvre une boutique en 1952. Affichant fièrement l’origine locale du produit, la marque appelée « Nougat de Tanger » est gérée de père en fils, perpétuant ainsi les habitudes. ancré au sein de la famille, avant même la naissance de ce repère devenu incontournable dans la ville du nord.
Le nougat de Tanger, un savoir-faire familial
Détenteur de cet héritage parental, Driss Taïk gère la marque en veillant à conserver la recette originale du nougat qu’il a vu son père réaliser avec amour et patience. « Je suis né en 1965 et pour moi, cette confiserie est toujours associée à mon défunt père. J’ai grandi en le voyant le préparer chez lui, puis il a été encouragé par un de ses amis à investir dans son savoir-faire », confie-t-il à Yabiladi.
« Aujourd’hui encore, nous reproduisons la même composition, sans glucose, sans colorant artificiel, ni autres produits transformés que ceux de la recette que nous avons apprise : sucre, blanc d’œuf en meringue, amandes. »
Driss Taïk
doctorat Nougat de Tanger
L’artisan du nougat de Tanger confirme à notre rédaction la demande croissante pendant la période des fêtes. « Nous constatons un engouement général tout au long de l’année, mais les commandes augmentent davantage à mesure que certaines occasions approchent, comme Noël et le Nouvel An », nous dit-il. L’attachement de la famille à la version communément admise de la préparation est la raison du succès de la marque que plusieurs générations connaissent bien.
« Au-delà de l’aspect économique, le magasin familial est un repère pour les anciens du quartier, les amis qui ont connu mon père, ou pour les plus jeunes dont les ancêtres ont été témoins de la naissance de la marque. Nous aimons entretenir ces relations humaines avec chacun, le temps d’une conversation qui devient un moment convivial de partage autour du nougat.
Driss Taïk
doctorat Nougat de Tanger
En plus de 70 ans d’existence, l’artisan nougatier de Tanger attire également les visiteurs d’autres villes du Maroc, ainsi que les connaisseurs de douceurs ou les touristes étrangers. Selon Driss Taïk, les différentes déclinaisons de la préparation reflètent la richesse des influences qui ont façonné cette confiserie populaire et raffinée à la fois.
Le spécialiste de la confiserie de notre enfance tient à préciser que « l’élément de base reste le blanc d’œuf, pour le nougat aux amandes, aux noisettes ou aux cacahuètes ; pour le « nougat brun », aux graines de lin ou de sésame, nous utilisons uniquement du miel.