« Le génocide des Palestiniens affecte également la classe ouvrière en Israël »

« Le génocide des Palestiniens affecte également la classe ouvrière en Israël »
« Le génocide des Palestiniens affecte également la classe ouvrière en Israël »

Combattez pour la paix. En Israël, plus encore qu’ailleurs, la tâche est difficile. C’est pourtant le choix qu’ont fait les membres du Hadash, coalition de gauche présente au Parlement israélien. L’une de ses adjointes, la communiste Aida Touma-Suleiman, est venue en Belgique pour témoigner de son combat et de notre rôle dans celui-ci.

Vivre en Israël et s’opposer au sionisme n’est pas paradoxal. Hadash poursuit dans cette voie depuis sa création dans les années 1970. Cette alliance de différents partis et organisations de gauche authentique, bien qu’isolée sur la scène politique israélienne, est néanmoins présente à la Knesset (Parlement israélien) et dans la rue.

« Hadash est la seule voix politique qui s’oppose fermement à la guerre et dénonce les crimes du gouvernement. D’autres parties, même celles qui réclament un cessez-le-feu, le font avant tout pour des raisons pragmatiques, comme la libération des otages, et non par principe. Nous insistons sur l’inefficacité des solutions militaires et sur la nécessité de mettre fin à l’occupation. C’est pourquoi nous sommes politiquement ciblés et boycottés par les médias depuis le début de la guerre », explique Aida Touma-Suleiman.

Pour leurs positions anti-guerre, mais plus généralement anti-colonisation, lutte pour l’égalité et la justice sociale, les membres et sympathisants du Hadash – et les droits de l’homme en général – sont dans le viseur du pouvoir israélien. La militante communiste, féministe et ancienne rédactrice en chef du magazine du Parti communiste israélien (PCI), « Al Ittihad », peut en témoigner, elle qui est régulièrement persécutée à l’intérieur et à l’extérieur du Parlement.

Dernière preuve en date, sa suspension du Parlement pour avoir dénoncé le génocide à Gaza sur les réseaux sociaux : « J’ai été suspendu deux mois après avoir partagé sur X (Twitter) un reportage britannique sur le bombardement de l’hôpital Shifa. J’ai cité les témoignages de médecins et remis en question la version officielle de l’armée israélienne, ironisant sur la prétendue « moralité » de cette dernière. Une organisation d’extrême droite a immédiatement incité la population à porter plainte contre moi, ce qui a donné lieu à 2 560 plaintes en seulement 12 heures. La commission d’éthique du Parlement m’a demandé de m’excuser pour mes propos, ce que j’ai refusé, invoquant mon droit à l’immunité parlementaire… »

Cependant, il en faut bien plus pour faire disparaître son sourire contagieux. Quelques heures avant qu’un mandat d’arrêt international ne soit émis contre Netanyahu, elle se trouvait à Bruxelles. L’occasion de rencontrer des membres et dirigeants du PTB et d’expliquer le combat de la gauche israélienne. Dans un contexte explosif : « Depuis le début de la guerre, le gouvernement israélien a mis en œuvre une répression sévère contre toutes les voix qui s’élèvent contre la guerre, notamment celles de la communauté palestinienne en Israël. Toutes les manifestations ont été interdites et plus de 250 personnes, dont des artistes, des étudiants et même des personnes âgées, ont été arrêtées sur la base d’accusations parfois absurdes, comme avoir posté un simple « Bonjour » sur les réseaux sociaux ou porté une bague contenant une inscription religieuse. »

Ce qui n’empêche pas la gauche de poursuivre son chemin : « Nous avons pris la responsabilité d’être la seule voix opposée à la guerre en Israël, même dans un contexte de menaces et de répression. Nous travaillons également à créer des coalitions pour la paix. »

Aida Touma-Suleiman avec les députés du PTB Nabil Boukili et Peter Mertens, qui est également secrétaire général du parti de gauche. (Photo de solidarité, Juliana Hauser)

Le gouvernement israélien souhaite affaiblir davantage les voix critiques grâce à une réforme judiciaire. En quoi est-ce problématique ?

Aida Touma-Suleiman. La réforme judiciaire vise à affaiblir l’autorité du système judiciaire israélien, en plaçant les hommes politiques au-dessus de cette institution. Par exemple, les conseillers juridiques des ministères, auparavant indépendants, seraient issus de nominations politiques. Cela vise à réduire les freins et contrepoids pour permettre au gouvernement de mettre librement en œuvre ses politiques, y compris en Cisjordanie occupée. Cette réforme reflète une volonté de contrôle accru. Il s’agit d’une attaque antidémocratique.

Comment ces lois changent-elles la protection des droits humains en Israël ?

Aida Touma-Suleiman. Plusieurs lois récemment adoptées sous couvert de lutte contre le terrorisme ou d’état d’urgence ont gravement violé les droits de l’homme. Une loi permet aux enseignants soupçonnés de soutenir un prétendu « terrorisme » d’être immédiatement licenciés, sans qu’ils soient formellement jugés ou condamnés, par exemple. Et une autre loi autorise l’expulsion des familles des personnes accusées d’actes de résistance. Ces mesures ciblent non seulement les Palestiniens, mais privent également les Israéliens de leurs droits fondamentaux.

Outre la police et l’armée, le gouvernement compte également sur les civils pour imposer sa politique. Quel est le rôle des milices civiles armées dans le contexte actuel ?

Aida Touma-Suleiman. Depuis le début de la guerre, le 7 octobre 2023, 120 000 armes ont été distribuées aux civils par le ministre de la Sécurité nationale. Ces milices, formées rapidement, peuvent être mobilisées pour soutenir les politiques gouvernementales, créant ainsi une menace pour les manifestants et les opposants politiques. Des attaques ont déjà eu lieu contre des manifestants pacifistes. Cela illustre une dérive dangereuse vers une violence institutionnalisée.

Manifestation pour un cessez-le-feu à Gaza et au Liban à Tel-Aviv en novembre dernier. (Photo Belga)

Israël est parfois présenté comme « la seule démocratie du Moyen-Orient ». Pensez-vous que ce soit le cas ?

Aida Touma-Suleiman. Israël a toujours été une démocratie principalement pour les Juifs israéliens, et non pour tous ses citoyens. Il s’agit d’une « démocratie ethnique », dans laquelle des lois et politiques discriminatoires ont été appliquées aux citoyens palestiniens d’Israël et à la classe ouvrière en général. Avec le gouvernement actuel de droite, qui comprend des composantes fascistes, cette démocratie ethnique est mise de côté au profit de politiques encore plus autoritaires et antidémocratiques.

Quels obstacles la société civile israélienne rencontre-t-elle pour faire entendre les voix opposées à la guerre ?

Aida Touma-Suleiman. L’opinion publique est totalement concentrée sur la libération des otages détenus par le Hamas. Tant que cette situation perdure, il est quasiment impossible d’entamer un débat sur les conséquences de la guerre ou sur une solution politique. Le gouvernement de Netanyahu exploite cette fixation pour prolonger la guerre et empêcher toute remise en question de sa politique.

Est-ce pour cela que le gouvernement israélien ne cherche pas à accélérer leur libération ?

Aida Touma-Suleiman. Netanyahu comprend que la guerre perdra son soutien dès que les otages seront libérés. À ce moment-là, les citoyens commenceront à se poser des questions sur la guerre, sur les pertes humaines et sur les problèmes économiques. En maintenant le pays suspendu en attendant la libération des otages, il veille à ce que l’opinion publique reste focalisée sur ce seul sujet, au détriment de toute réflexion critique sur les conséquences de la guerre.

Dans les guerres, c’est toujours la classe ouvrière qui est la plus touchée. Comment la guerre a-t-elle affecté les travailleurs en Israël, notamment en termes économiques ?

Aida Touma-Suleiman. La guerre a exacerbé une crise économique déjà grave. Les régions du nord et du sud d’Israël, qui constituaient les principales zones agricoles du pays, ont été évacuées et bombardées. Cela a entraîné une pénurie de nourriture, obligeant Israël à importer des fruits et des légumes, ce qui a fait grimper les prix. De plus, la guerre a interrompu le flux des travailleurs palestiniens, en particulier dans le secteur de la construction, où environ 200 000 travailleurs palestiniens venaient chaque jour en Israël. Cette perte de main d’œuvre a gravement affecté l’économie israélienne, mais aussi la société palestinienne, où de nombreuses familles ont perdu leur seule Source de revenus. La hausse des coûts militaires et la déstabilisation économique conduisent à un déficit national croissant. Les travailleurs sont confrontés à une pression fiscale accrue, tandis que les prestations sociales sont gelées et que les budgets de la protection sociale, de l’éducation et d’autres ministères sont réduits.

Quel est l’impact des coupes budgétaires sur la population ?

Aida Touma-Suleiman. Les coupes budgétaires touchent principalement l’assistance sociale, l’éducation et les ministères publics, avec de lourdes coupes dans les secteurs sociaux. Cependant, les budgets des colonies israéliennes en Cisjordanie et les ministères créés pour soutenir ces colonies ne sont pas réduits, suscitant des critiques. L’ajout de nouveaux ministères pour satisfaire les partis de la coalition ajoute encore à la complexité de la gestion budgétaire. Les perspectives économiques pour l’année à venir sont sombres, avec des coupes sévères dans les services sociaux et une pression fiscale accrue sur les travailleurs.

Que pouvons-nous faire depuis l’Europe pour soutenir les droits des Palestiniens ?

Aida Touma-Suleiman. L’Europe doit intensifier ses efforts pour mettre fin à la guerre et protéger les Palestiniens. L’Union européenne est complice du soutien financier et militaire d’Israël alors qu’il mène une guerre qui viole le droit international. La pression internationale est essentielle, non seulement pour protéger les Palestiniens, mais aussi pour empêcher Israël de poursuivre sa politique militaire et antidémocratique. Si la pression internationale s’intensifie, Israël ne pourra plus poursuivre ses crimes. L’Union européenne doit cesser de soutenir le gouvernement israélien et promouvoir les droits de l’homme et la démocratie.

 
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