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Un nuage mortel de plus de 40 tonnes de gaz toxique
3 828 morts selon les autorités indiennes, entre 20 000 et 25 000 selon les associations de victimes
Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, une explosion libère plus de 40 tonnes de gaz toxiques et mortels, tuant au moins 14 000 personnes selon les statistiques officielles. L’accident s’est produit sur un réservoir contenant environ 40 tonnes de MIC (isocyanate de méthyle), provoquant une fuite de gaz mortelle. Le nuage mortel vole vers les bidonvilles voisins puis vers d’autres quartiers de Bhopal sur une superficie de 25 km². Un mouvement de panique se propage à travers la ville, et les habitants coincés cherchent à évacuer sans coordination. Un demi-million de personnes respirent cette substance méphitique qui brûle leurs yeux, leur peau et leurs poumons.
“Dans cette ville du centre de l’Inde, ravagée lundi par une fuite de gaz toxique, les victimes ont été surprises alors qu’elles dormaient”, écrit “Sud Ouest” en première page de son édition du 5 décembre 1984.
“Elle a trois ans, un corps très fragile, de la mousse sort de sa bouche et, dans un dernier frisson, elle meurt sous mes yeux”, rapporte l’envoyée spéciale de l’AFP. Personne ne connaît cet enfant. Comme tant d’autres, elle est décédée, seule, anonymement, des suites de cette fuite de gaz toxique – l’isocyanate d’éthyle – qui, à l’aube du lundi 3 décembre, a ravagé une partie de la ville de Bhopal. Un accident industriel chimique dont les personnes âgées et les enfants sont les premières victimes.
“Alors que le dernier bilan officiel faisait état hier soir de 546 morts, des témoins et sources médicales sur place estiment que le nombre de victimes se situerait entre 1.200 et 2.000”, poursuit le journal. « Quoi qu’il en soit, selon les autorités, 200 000 personnes, soit un quart des habitants de Bhopal, ont été touchées à des degrés divers par la catastrophe ; 20 000 d’entre eux doivent être hospitalisés et 2 000 à 3 000 sont dans un état grave. »
Selon l’État indien, le bilan officiel s’élèverait à 3 828 morts. Les associations de victimes compteront entre 20 000 et 25 000.
26 ans après, le procès de la pire catastrophe industrielle du XXe siècle
La sécurité de l’usine de Bhopal, devenue déficitaire depuis 1982 en raison des faibles ventes de ses produits, n’est plus garantie et les incidents se multiplient. Union Carbide n’avait jamais communiqué aux habitants ou au personnel médical de Bhopal la nature des produits transformés dans l’usine, ni les remèdes possibles, notamment en ce qui concerne l’acide cyanhydrique. Le soir même du sinistre, l’entreprise a refusé d’indiquer la composition du nuage et le directeur de l’usine.
En janvier 1989, Carbide a payé 470 millions de dollars d’indemnisation, à condition que le gouvernement indien accepte d’abandonner les charges retenues contre Anderson et l’entreprise. Les autorités acceptent la transaction. Cinq ans plus tard, les victimes n’avaient toujours rien reçu de cette somme administrée par la Cour suprême. En août 1999, la société Union Carbide disparaît : elle est rachetée par Dow Chemical. Sous la pression des associations locales, la justice indienne finit par imposer à l’État indien des indemnisations complémentaires pour les victimes et un financement pour la réhabilitation du site en 1991.
Le PDG d’Union Carbide n’a jamais été jugé
Vingt-six ans après les événements, l’Inde s’est enfin mise à juger le désastre de Bhopal. Le 7 juin 2010, huit personnes – sept anciens employés de la filiale indienne du géant chimique américain Union Carbide et l’ancien président d’Union Carbide India, Keshub Mahindra – ont été reconnues coupables de fuite de gaz toxiques provenant de l’usine de pesticides. Les associations de victimes et les habitants ont dénoncé le verdict, le qualifiant de trop indulgent.
Décédé le 29 septembre 2014, Warren Anderson, alors président-directeur général de l’entreprise, était accusé de « mort par négligence » pour cette catastrophe et déclaré fugitif par le chef de la justice de Bhopal le 1er février 1992 pour ne pas avoir été présenté à la Cour. lors d’un procès, n’a jamais été jugé par la justice indienne.