Un grand sourire aux lèvres et des lunettes roses en forme de cœur ! À 79 ans, Susie Morgenstern porte en elle son humour et son exubérance pétulante, telle une enfant qui refuse de grandir. L’auteur franco-américain, à qui l’on doit plus d’une centaine de livres jeunesse publiés chez une trentaine d’éditeurs, a été couronné, jeudi 7 novembre, par le prix Grande Ourse 2024, décerné par le Salon du livre et la presse jeunesse de Montreuil ( SLPJ ), qui ouvre ses portes ce mercredi.
« Susie Morgenstern est l’une des plus grandes autrices de littérature jeunesse, explique Sylvie Vassalo, directrice du SLPJ. Il figure sur nos listes depuis le lancement de cette distinction il y a six ans. Pour nos 40 ans nous avions très envie de le célébrer car pour nous c’est le symbole de ce qu’est la littérature jeunesse, avec une écriture claire qui parle aux enfants et les fait rire. » Portrait de cette écrivaine étoilée « au cœur aussi grand que ses lunettes roses ».
“Ecrire, c’est respirer”
« Ce prix représente beaucoup d’amour mutuel. J’ai participé à la première édition et j’y suis chaque année depuis. J’ai beaucoup d’admiration pour les organisateurs et pour ce phénomène qu’est devenu le SLPJ, qui apporte une réelle contribution à l’exception culturelle française. Rapprocher les enfants des livres et les livres des enfants est admirable ! Être récompensé par ce salon que j’aime tant est pour moi un vrai bonheur», se réjouit Susie Morgenstern.
Ce prix, décerné pour l’ensemble de son œuvre, est décerné pour la sixième fois et la quatrième fois à une femme. « Le fil conducteur de mon parcours est la passion de l’écriture. Cela a commencé quand j’étais enfant. Je ne peux pas vivre sans écrire. J’ai également écrit un livre intitulé Écrire, c’est respirer. Grâce à l’écriture, est née la passion des rencontres : dans les salles de classe, les bibliothèques, les salons, etc. C’est une belle vie», confie l’auteur.
« L’agenda de l’apprenti écrivain »
Un beau destin, qui débute le 18 mars 1945 à Newark, « sans doute la ville la plus laide de tous les États-Unis, connue avant tout pour son grand aéroport ». Mais c’est aussi la ville où sont nés Philip Roth, un de mes auteurs préférés, Paul Auster, Stephen Crane, Harlan Coben et moi ! », souligne-t-il.
Il y a eu une enfance heureuse dans une « famille trop bruyante ». La seule façon pour moi de faire passer un mot était d’écrire ! », rit-il. À l’école, ses camarades de classe la surnommaient « Susie Shakespeare », car elle passait des heures sur ses cahiers. « Au-delà de ça, je pense que je suis né pour écrire. Avant même de savoir écrire, je créais des pages et des pages de boucles », raconte l’auteur.
“Un jour mon prince se grattera”
Elle poursuit ses études à l’Université Rutgers, à l’Université hébraïque de Jérusalem puis à la Faculté des Arts de Nice, en France, où elle arrive à 22 ans car elle tombe amoureuse d’un « mathématicien français barbu », Jacques Morgenstern. Sa fille aînée, Aliyah, est née en 1967. En 1971, elle donne naissance à Mayah, sa deuxième fille, et à sa thèse de doctorat en littérature intitulée : « La fantaisie chez l’écrivain juif contemporain ».
La maternité l’a inspirée à écrire des livres pour la jeunesse, en parallèle de la chaire d’anglais qu’elle occupe à l’Université de Nice. « Si on aime écrire, il faut trouver des idées pour écrire. Mes enfants m’ont beaucoup inspiré, puis mes petits-enfants et maintenant mon arrière-petit-enfant. Mais tous les aspects de ma vie m’inspirent. Je vais vous donner un exemple : il y a une centaine de marches pour arriver chez moi à Nice, alors j’ai commencé à écrire un livre intitulé Les 100 étapes », relative-t-elle.
« Ce qui caractérise son travail, c’est sa capacité à écrire sur les sujets les plus quotidiens de la vie et à le faire avec beaucoup de sincérité, beaucoup d’humour et une certaine distance. Il y a quelque chose d’extrêmement simple, d’empathique, de généreux et d’engageant dans sa façon de raconter des histoires », commente Sylvie Vassalo. « Je regarde les choses avec un peu de distance. Cette distance nous permet de dire : « Ce n’est pas si grave. » Et bien sûr, l’insolence, l’humour, c’est tout ce qui m’importe », ajoute l’auteur.
« Ma boîte à histoires »
La suite n’est qu’une succession de récompenses et de best-sellers : Grand prix du livre jeunesse Ce n’est pas juste nel 1982, Prix Premier Amour, Prix Saint-Benoît, Prix du Donjon e Prix Malmaison nel 1984 per Le sixièmequi est devenu un grand classique : « Elle est venue présenter ce livre vendu à des dizaines de milliers d’exemplaires, à l’exposition de 1984. Aujourd’hui, ses parents viennent lui rendre visite pour lui dire qu’ils avaient lu cet ouvrage étant enfant », observe l’artiste. directeur du SLPJ.
Il remporte encore de nombreux prix pour Lettres d’amour de 0 à 10. « Susie Morgenstern parle du monde des enfants, avec humour bien sûr, mais aussi des difficultés d’être enfant », salue Sylvie Vassalo. Tout au long de sa carrière, Susie Morgenstern s’est appropriée tous les formats de livres jeunesse pour donner vie au monde espiègle de l’enfance. « Cela les accompagne vraiment dans leur croissance », commente l’expert.
Un autre classique, La première fois que j’ai eu 16 anspublié en 1989, il a été adapté au cinéma par Lorraine Lévy en 2004 sous le titre La première fois que j’ai eu 20 anstout comme L’Amerloque, publié en 1992, porté à l’écran par Jean Claude Sussfeld en 1996. Confessions d’une grosse patatesorti en 2003, sont adaptés au théâtre, tandis qu’Un un jour mon prince se grattera c’est devenu une comédie musicale.
« iM@mie »
Chevalier des Arts et des Lettres et Chevalier de la Légion d’honneur, Susie Morgenstern publie en 2021 un récit autobiographique, Mes 18 exilés. L’arrière-grand-mère n’hésite pas à abandonner la plume : « Je viens d’avoir un arrière-petit-fils et maintenant je n’écris que des livres pour enfants », explique-t-elle.
« J’écris dans ma grande maison à Nice. Je me lève très tôt et j’écris tous les jours, sauf cette semaine où je réponds à des interviews ! Quel tourbillon ! C’est dur pour une femme de mon âge », rit-elle. « J’ai hâte de rentrer chez moi et d’écrire, cela me procure de la joie et du bonheur », ajoute-t-elle. Et de lui demander un dernier conseil pour la future génération d’auteurs de jeunesse en herbe : « Mon projet de vie est celui que Nike m’a volé : « Just Do It ». Si tu veux écrire, tu dois le faire ! »