du chef de l’Etat ou du premier ministre, qui décide des engagements stratégiques ? – .

du chef de l’Etat ou du premier ministre, qui décide des engagements stratégiques ? – .
du chef de l’Etat ou du premier ministre, qui décide des engagements stratégiques ? – .

Pour Marine Le Pen, le rôle de chef des armées du président de la République n’est qu’« honorifique ». Selon elle, le chef du gouvernement a son mot à dire sur l’engagement militaire de la France. Mais, lors des précédentes cohabitations, c’était le chef de l’État qui avait le dernier mot.

Le futur chef du gouvernement sera-t-il obligé de tenir les promesses faites par le chef de l’Etat en matière de défense ? Cette question suscite l’inquiétude de l’armée française, mais aussi des pays partenaires stratégiques de la France, notamment l’Ukraine.

Jusqu’à présent, personne ne remettait en cause le rôle du président de la République à la tête des forces armées, même lors des cohabitations des années 80 et 90. Cette page est tournée. Dans un entretien au quotidien Le Télégramme du 26 juin, Marine Le Pen ouvre un nouveau chapitre dans cette relation.

« Pour le président, chef des armées est un titre honorifique puisque c’est le Premier ministre qui tient les cordons de la bourse », prévient Marine Le Pen.

Missiles, Mirage 2000 et troupes au sol

Cette phrase en dit long sur le bras de fer qui l’attend entre Matignon et l’Élysée en cas de victoire du Rassemblement national aux législatives, avec les dommages collatéraux de l’aide promise à l’Ukraine par Emmanuel Macron ces derniers mois. Le chef de l’Etat s’est engagé à fournir des missiles à longue portée, des avions de combat Mirage 2000-5 et même des troupes au sol.

Pour Jordan Bardella, président du RN et possible Premier ministre, si son parti remporte les législatives, ces promesses sont une ligne rouge qu’il dit ne pas vouloir franchir. S’il ne remet pas en cause l’envoi d’armes pour aider l’Ukraine à se défendre, il affirme son opposition à tout ce qui risque d’accroître les « risques d’escalade » avec la Russie. Bref, il s’apprêterait à ne pas respecter la parole donnée par le chef de l’Etat au nom de la France.

« Jordan n’a pas l’intention de lui chercher querelle, mais il a fixé des lignes rouges. Sur l’Ukraine, le président ne pourra pas envoyer de troupes », prévient Marine Le Pen.

Jordan Bardella est quant à lui revenu sur la sortie de la France du commandement intégré de l’Otan. En avril 2022, lors de la campagne présidentielle, Marine Le Pen avait indiqué vouloir sortir la France du commandement intégré de l’Otan afin de « ne plus être entraînée dans des conflits qui ne sont pas les nôtres ». Lors de sa visite au salon de l’armement Eurosatory, Jordan Bardella avait expliqué ce revirement.

“Cela affaiblirait considérablement la responsabilité de la France sur la scène européenne et sa crédibilité vis-à-vis de ses alliés”, a expliqué le président du RN et affirmant que la Défense serait “l’un des sujets les moins conflictuels avec Emmanuel Macron”. Apparemment non.

Qui décide, qui dispose ?

Cette opposition apparaît avec plusieurs articles de la Constitution qui semblent proposer deux lectures. Selon l’article 15, « le Président de la République est le chef des forces armées » et « préside les conseils et les commissions supérieures de la Défense nationale ».

Mais selon l’article 20, le Premier ministre « a le contrôle de l’administration et de la force armée. L’article 21 précise qu’il « est chargé de la Défense nationale » et « nomme les postes civils et militaires ».

Ainsi, le président de la République est le chef des armées et préside les conseils et comités supérieurs de défense nationale. De son côté, le Premier ministre est responsable de la défense nationale et dispose de la force armée. En fait, l’un décide, mais l’autre dispose.

«En ce qui concerne le soutien à l’Ukraine, c’est le président qui décide. Mais c’est le ministre qui signe les documents de transfert» de matériel, a récemment indiqué le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, lors d’une réunion publique dans l’Eure.

Jean-Philippe Derosier, professeur à l’université de Lille et spécialiste de droit constitutionnel, confirme ce partage des rôles.

« Selon la Constitution, le président de la République et le Premier ministre ne peuvent pas prendre de décision sans l’aval de l’autre, mais politiquement, nous sommes dans un cas particulier », explique Jean-Philippe Derosier à BFM Business.

En 1958, ni le général de Gaulle ni Michel Debré, rédacteur de la Constitution de la Ve République, n’imaginaient une opposition aussi tranchée sur un sujet aussi sensible. Le Conseil constitutionnel explique cette apparente opposition entre « esprit » et « pratique » comme la définissait le général De Gaulle.

“En effet, le centre de gravité du pouvoir n’est pas fixé une fois pour toutes par le texte constitutionnel : il est fonction de la situation politique et des pratiques.”

La période actuelle est inédite, comme l’explique Jean-Philippe Derosier. Alors que la Constitution définit les rôles entre un chef d’État élu et un chef de gouvernement nommé, les dernières élections et les prochaines remettent cette situation en perspective.

« Le chef de l’Etat a été délégitimé par les élections européennes tandis que le futur Premier ministre sera légitimé par les Français lors des élections législatives », note le constitutionnaliste.

Le bras de fer des cohabitations précédentes

Sur l’engagement des militaires français à l’étranger, le Conseil constitutionnel précise qu’« il appartient au gouvernement d’informer le Parlement de sa décision de déployer des forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention ». Mais les sages ajoutent un point crucial.

« Dans la pratique, et même lors des périodes de cohabitation, le rôle du chef de l’Etat en matière de défense est cependant prédominant », tente de préciser le Conseil constitutionnel sans grand succès.

Les cohabitations antérieures montrent même qu’à chaque décision d’intervention, c’était le chef de l’Etat qui avait le dernier mot sur ses « collaborateurs » à Matignon ou à l’Hôtel de Brienne.

En 1994, lors du génocide rwandais, le Français Mitterrand avec Édouard Balladur comme Premier ministre, Alain Juppé était au Quai d’Orsay et François Léotard était ministre de la Défense. C’est le Président qui, en sa qualité de chef des forces armées, a pris la décision de lancer l’opération Turquoise alors que le gouvernement ne voulait intervenir que plus tard.

Autre cas, en 1986, cohabitation durant laquelle Jacques Chirac était le Premier ministre de François Mitterrand. Les États-Unis lancèrent la Guerre des étoiles avec une constellation de satellites et demandèrent le soutien de la France. Jacques Chirac soutint le projet contre l’avis de Mitterrand. Ce dernier eut finalement le dernier mot, rappelle sur BFMTV l’éditorialiste Christophe Barbier.

“La constitution n’est pas honorifique”

Le futur Premier ministre pourrait-il légalement s’opposer aux décisions prises par le chef de l’Etat ? A-t-il une autorité supérieure au chef des armées en matière de défense ? En fait, les choses sont plus subtiles. Si le Président de la République est bien le Chef des Armées, le Chef du Gouvernement et son Ministre des Armées ont le pouvoir de valider administrativement et de financer ses décisions.

Cela signifie-t-il que le rôle de chef des armées est « honorifique », comme l’affirme Marine Le Pen ? Le président est « le chef des armées » et « la constitution n’est pas honorifique », a répondu jeudi le ministre français des Armées dans un message. Il cite sur X un discours de 1962 du général de Gaulle qui rappelait que le chef de l’Etat est élu tandis que le chef du gouvernement est nommé.

« Dans les domaines essentiels de la politique étrangère et de la sécurité nationale, il est tenu d’agir directement, puisqu’en vertu de la Constitution, il négocie et conclut des traités, puisqu’il est le chef des armées, puisqu’il préside à la défense.

Il n’en demeure pas moins que Matignon ne pourrait pas s’opposer directement aux décisions du chef des armées, mais ralentir le processus d’envoi de matériel et de personnel ou retarder le financement de ces programmes. Cette décision risquerait d’affaiblir l’Ukraine, de diviser ses alliés et de profiter à la Russie.

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