Tentative de coup d’État en Bolivie | «C’est arrivé aussi vite que ça est allé»

(La Paz) Dans une apparente tentative de coup d’État, des militaires boliviens se sont postés avec leurs blindés devant le palais présidentiel de La Paz, mercredi. Après quelques heures seulement, les troupes rebelles se sont retirées, et leur général a été arrêté. Des cégépiens québécois en voyage nous ont raconté l’agitation qui régnait dans la ville.



Mis à jour à 0h23



Lucas Delgado-Lapointe et ses cinq amis venaient tout juste de poser leurs bagages dans l’appartement qu’ils avaient loué à La Paz, mercredi après-midi, quand la propriétaire de l’immeuble a cogné à la porte. « Elle nous a dit de faire attention en sortant parce qu’il commençait à y avoir de l’action dehors. C’est là qu’on a allumé les nouvelles et qu’on a vu [ce qui se passait] », a déclaré le jeune homme, au téléphone avec La presse.

Les yeux rivés sur la télévision, les étudiants du Cégep de Saint-Laurent ont aperçu des militaires boliviens postés devant le quartier général présidentiel, qui se trouve à un kilomètre de leur logement. « Nous avons également entendu des coups de feu et des explosions venant de l’extérieur. On pouvait voir de la fumée par la fenêtre», a ajouté Lucas Delgado-Lapointe.

Plus tôt, en début d’après-midi, des unités de l’armée avaient avancé en rangs serrés dans les rues de La Paz jusqu’à la place Murillo, devant la résidence du président Luis Arce. Des véhicules blindés ont enfoncé la porte du palais, par où entra le général Juan José Zúñiga. “Les forces armées tentent de restructurer la démocratie, d’en faire une véritable démocratie”, a déclaré le général.

PHOTO JUAN KARITA, PRESSE ASSOCIÉE

Général Juan José Zúñiga après son arrestation

“Nous imaginions ce qui se passerait si la situation empire, nous cherchions un moyen de sortir de la ville […]«Nous avons essayé de contacter l’ambassade, qui était fermée et qui ne nous a pas aidés», énumère Lucas Delgado-Lapointe. Les six amis, âgés de 19 à 21 ans, ont choisi de suivre les consignes énoncées à la télévision et de rester à l’intérieur.

Appel à la mobilisation

PHOTO JUAN KARITA, PRESSE ASSOCIÉE

Le président Luis Arce entouré de ses partisans peu après la tentative de coup d’État.

Dans un message vidéo, Luis Arce a appelé les Boliviens à descendre dans la rue pour manifester leur soutien à son gouvernement. « Nous avons besoin que le peuple bolivien s’organise et se mobilise contre le coup d’État, en faveur de la démocratie », a déclaré le président de gauche, entouré de ses ministres.

Les étudiants du cégep de Saint-Laurent ont constaté l’ampleur de la mobilisation lorsqu’ils sont sortis faire le plein de nourriture dans un magasin à proximité. “Les manifestations rendaient les déplacements difficiles, les rues étaient vraiment encombrées”, raconte Angel Moreno Sánchez, l’un des jeunes voyageurs. “On entendait encore des explosions”, ajoute son amie Elizabeth Juliette Eberle-Sinatra.

En fin d’après-midi, Luis Arce a limogé le général rebelle et l’a immédiatement remplacé. Les troupes rebelles se sont finalement retirées derrière une ligne de véhicules militaires, mettant ainsi fin à cette apparente tentative de coup d’État. Des centaines de partisans de Luis Arce se sont alors précipités sur la place devant le palais, applaudissant et brandissant des drapeaux boliviens. “Merci au peuple bolivien”, a déclaré le président. Laissez vivre la démocratie. »

Juan José Zúñiga a été appréhendé et arrêté mercredi soir alors qu’il s’adressait à des journalistes devant une caserne de la capitale. Il a été emmené au commissariat de la Force spéciale de lutte contre la criminalité (FELCC). L’accusation n’a pas précisé à quelles accusations le général sera confronté.

Un contexte de tensions

Des rumeurs selon lesquelles Juan José Zúñiga pourrait être démis de ses fonctions circulaient depuis mardi, selon l’Agence France-Presse. Nommé commandant de l’armée bolivienne en novembre 2022, le général aurait outrepassé ses fonctions en tenant des déclarations contre Evo Morales, l’ancien président de gauche de la Bolivie.

Dans une interview télévisée lundi, le chef de l’armée a déclaré qu’il arrêterait Morales s’il décidait de se présenter à nouveau, après qu’une décision de justice a déterminé qu’il ne pouvait plus être candidat. “Légalement, il est disqualifié, il ne peut plus être président de ce pays”, a déclaré Juan José Zúñiga.

Autrefois allié de Luis Arce, Evo Morales est désormais son plus grand adversaire politique, à l’approche de l’élection présidentielle de 2025. L’opposition entre les deux hommes politiques a paralysé les efforts du gouvernement pour résoudre depuis plusieurs mois la crise économique majeure qui frappe la Bolivie. Les alliés de Morales au Congrès ont notamment mis des bâtons dans les roues de Luis Arce à plusieurs reprises lorsque le président tentait de s’attaquer à la dette nationale.

La rébellion de mercredi fait suite à des mois de tension marqués par des manifestations de plus en plus bruyantes pour dénoncer la crise économique. Les analystes cités par Associated Press craignent que les troubles n’explosent dans ce pays historiquement turbulent de 12 millions d’habitants.

 
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