Apparemment, c’est là. Il est 7h50, ce mercredi 20 novembre, lorsque les photographes commencent à s’élancer autour d’une camionnette aux vitres teintées immatriculée au numéro 75 qui entre à l’arrière du tribunal correctionnel de Melun, en Seine-et-Marne. L’un d’eux dit avoir vu le visage du comédien. Eh bien, invisible. Il devina plutôt sa tête. Enfin, pas vraiment la tête, juste une touffe de cheveux ébouriffés…
Ainsi commence le procès de Pierre Palmade. Plus d’un an et demi après l’accident de voiture qui a fait la une de l’actualité, l’acteur a subi des blessures involontaires alors qu’il était sous l’influence de drogues. Déjà condamné en 2019 pour usage de drogue, il risquait jusqu’à quatorze ans de prison et 200 000 euros d’amende. Il sera condamné à cinq ans de prison, dont deux fermes.
En préambule, le président appelle l’accusé à la barre des témoins. A 56 ans, le voilà, cheveux châtain foncé, visage pâle, vaincu. Il révèle son identité, ses premiers mots en public depuis le début de l’histoire : “Je m’appelle Pierre Palmade, je suis né le 23 mars 1968”, dit-il seulement d’une voix haute, un peu rauque, reconnaissable entre toutes les autres.
Le juge d’instruction n’a pas retenu l’accusation d’homicide involontaire pour la mort du fœtus de six mois porté par le passager de la voiture violemment percutée par l’humoriste. Me Mourad Battikh, avocat des familles des victimes, dénonce une décision”absurde» sur la base de la jurisprudence de la Cour de cassation de 2001, qui ne reconnaît pas l’existence juridique de l’enfant à naître.
« La loi française protège mieux les animaux que les fœtus, souligne l’avocat, qui dit vouloir changer le statut de l’enfant à naître. La petite fille a été enterrée, un tombeau a été érigé et pourtant, aux yeux de la loi, elle n’est rien. Lors de ses différentes auditions, Palmade a reconnu sa responsabilité dans la mort de « Bambin » de la victime de l’accident. « Si ces déclarations sont sincères, croit l’avocat acceptera la comparution volontaire” dépôt “le meurtre” de l’enfant à naître.
Trop tard, souligne Me Céline Lasek, l’avocate de Pierre Palmade : une ordonnance qui rejette le dossier, il n’y aura pas de retour en arrière. “Nous ne pouvons pas faire d’exceptions légales.» Déduction du président : Palmade ne veut donc pas comparaître volontairement. “Je te demande de ne pas lui poser la questionreformuler. Il a accepté, je m’y suis opposé.” Voyons ça. “M. Palmade, rapprochez-vous du bar.” Acceptez-vous de comparaître volontairement ? “Euh… non.”
« Avant, ma vie était comme un rêve »
Ce préambule établi, le président revient sur les détails de l’incident. Les victimes parlent les unes après les autres pour décrire leurs blessures, leurs conséquences et leurs traumatismes. Le père de famille grièvement blessé dans l’accident, Yuksel Yakut, 39 ans, se lève, boite jusqu’au bar, à l’aide d’une béquille, le visage fermé. “Je travaillais, j’avais des amis, je gagnais de l’argent, je travaillais avec mon équipe, J’ai essayé de m’amuser en famille, de faire des activités, de jouer au foot avec mes enfants… Mais aujourd’hui je ne peux plus faire ce genre de choses, liste. Ma vie avant était comme un rêve. Son fils, âgé de 6 ans au moment de l’accident et en danger de mort, a répété la leçon. La vie a changé pour lui aussi : « Il n’a aucun problème quand il marche, mais il a des problèmes quand il parle… »
La belle-sœur parle maintenant. Sa voix se brise lorsqu’elle évoque la perte de son bébé et la grossesse qui a suivi l’accident : Aujourd’hui, ce bébé a deux mois. «Je ne pouvais pas m’attacher à ma fille pendant la grossesse, de peur de la perdre.» Il souhaitait depuis longtemps fonder une famille, mais l’accident a presque tout remis en question : “Je ne me sentais plus capable, je ne croyais plus en l’avenir”.
Il reste désormais une dernière victime à la barre : Michel, 87 ans, le conducteur de la Twingo qui roulait derrière la famille percutée par la Peugeot 3008 de Pierre Palmade. Outre les séquelles, il a quelque chose à ajouter : «Le harcèlement médiatique est incroyable, car c’est M. Palmade. Ce serait M. Tartempion, on n’en parlerait pas.»
Pendant la pause, les journalistes n’osent pas quitter la salle de peur de perdre leur emploi. Dans la salle des pas perdus, ils enchaînent les duplex ou comparent le pourcentage de batterie restant. En attendant le coup de feu, trois d’entre eux se tiennent à l’extérieur de la classe et trempent le sashimi dans du wasabi. “Quelqu’un veut des nems ?” demande un autre. La machine à café n’accepte que la monnaie. A la reprise, les photographes sont autorisés à photographier Pierre Palmade, qui apparaît abasourdi et hagard. Cinq minutes, c’est long, sous le crépitement des appareils, à attendre que ça s’arrête. Un vieux loup de la presse locale scrute la pièce. “Nous sommes l’anomalie résume. C’est ce qui est étrange.» Ou alors c’est l’effet Palmade.
En début d’après-midi, le président a repris le fil des événements ayant précédé l’accident. Il parle des drogues, des escortes, du chemsex, des injections de 3M™, cette drogue de synthèse, par voie intraveineuse, des seringues achetées à la pharmacie, des traces de sang dans les chambres, et cite avec insistance le contenu des auditions. théâtral, ce qui sonne un peu faux. “Pierre Palmade, approche-toi du bar”. Avez-vous quelque chose à dire spontanément ? “Aujourd’hui, je suis juste dévasté de voir les victimes, c’est un moment que je redoutaisça commence. J’aimerais me retourner et leur demander pardon, mais je pense qu’ils ne veulent pas faire ça.” Après avoir demandé la permission, il se retourne. «Je voudrais te demander pardon du plus profond de mon être.» Il a une main sur le ventre.
“Comme des zombies, nus, ensanglantés”
Deux années pendant lesquelles tout le monde parlait de lui, c’est désormais à son tour de parler. Le 8 février, il commence à l’utiliser à Paris, puis décide de continuer ailleurs. “J’en ai marre de rester à la maison. C’est sale. Il y a du sang partout. Allons dans ma maison de campagne.» Il interrompt son histoire : « Dois-je continuer ?” continue.
Dans sa résidence secondaire de Cély-en-Bière, en Seine-et-Marne, ils poursuivent ce qui n’ose aujourd’hui plus appeler une fête. “C’est l’enfer, on est comme des zombies, on est nus, ensanglantés.» Le 10 février 2023, vers 18h30, après avoir passé trois jours à se droguer, il prend la voiture pour aller chercher de l’argent et faire quelques courses. “3M™ a tendance à vous rendre apathique, dit-il. En prenant trois ou quatre lignes de cocaïne, je me dis que ça va me réveiller. Puis il se souvient avoir quitté la maison. “Après, Cc’est noir, dit-il. Je me réveille au Kremlin-Bicêtre. Je ne me souviens de rien, ni de l’accident ni du sauvetage. Je ne comprends rien du tout, il me faut deux jours pour comprendre que c’est vrai. Je comprends que je suis en enfer.
“La dépendance, malheureusement, n’est pas un choix”
Le président a du mal à comprendre : pourquoi a-t-il pris le volant ? « L’urgence et la notion de prudence sont complètement effacéesdit-il. Je suis le premier à trouver ce type inconscient. Carrefour n’était pas loin.
– Je suis une personne prudente lorsque je conduis à cause du décès de mon père…
– Signor Palmade, le président l’interrompt. Treize excès de vitesse en dix ans.
L’avocat des parties civiles l’interroge sur sa sortie en discothèque le 25 juin 2023, quatre mois après le drame. “Je comprends que c’est indécent, scandaleux, c’est la maladie.” Ce qui n’abolit pas son discernement, poursuit l’avocat. “Non, ce n’est pas un choix monsieur, la dépendance n’est pas un choix, malheureusement ce n’est pas un choix.”
Il a découvert la drogue à la fin des années 1980, alors qu’il avait du mal à accepter son homosexualité. “J’ai découvert que c’était un médicament, avant de devenir un poison, qui me guérissait de l’inconfort d’être homosexuel.” S’ensuivent des décennies d’addiction, l’échec des traitements, le tournant avec la découverte du 3M™, du chemsex… Jusqu’au soir de l’accident. “J’aurai toujours cet enfant sur ma conscience.”
Appelée à témoigner, sa sœur Hélène évoque son envie de se faire soigner. “Il a retrouvé sa vie et j’ai récupéré mon frère, dit-il. J’ai le sentiment qu’il fera la bonne chose.” L’avocate de Pierre Palmade, Me Céline Lasek, dresse un triste bilan des dernières tentatives : “Tu y crois cette fois?” Sa sœur : «Bien sûr, je veux le croire. Avant l’accident, je l’imaginais préparer ses funérailles, drogué en fauteuil, ruiné. Aujourd’hui, je l’imagine en train de transmettre.” Son sponsor, Narcotiques Anonymes, va dans la même direction. “Pour l’instant, il fait tout ce qu’il peut, dit-il. Et je serai à ses côtés aussi longtemps qu’il le voudra.”
L’accusation prévoit cinq ans de prison, dont deux sans suite. Pour sa défense, Céline Lasek revient sur la médiatisation autour de l’affaire. “J’en ai marre d’entendre partout qu’il bénéficie d’un traitement de faveurdit-il. Palmade, toute sa vie a été exposée, dans ses parties les plus sombres, les plus tristes, dans tous ses défauts…” Pour la première fois, il a reçu des menaces dans son bureau. “Il est devenu le diable, un monstre. Ce n’est pas encore Fourniret.
Le juge demande au comédien s’il souhaite ajouter quelque chose. Et dans ce processus qui oscille entre deux tristesses – la douleur d’une famille et la souffrance d’un toxicomane – les derniers mots reviennent à Pierre Palmade : « Si je n’ai qu’une pensée, c’est pour les victimes, je les ai vues en direct aujourd’hui, ça m’a choqué. Je leur souhaite de reconstruire leur vie.” Nul doute qu’il le veut aussi pour lui-même.
Il est 20h30 lorsque le président demande une dernière fois la parole à Pierre Palmade. Le tribunal le condamne à cinq ans de prison, dont trois avec sursis. Ordonnance de mise en accusation : le comédien sera prochainement convoqué par le procureur de la République pour établir la date et l’établissement pénitentiaire où il purgera sa peine. A la fin de l’audience, l’avocat des familles des victimes a déclaré ce qui suit : « La partie civile ne doit pas se contenter d’une sentence, la partie civile se contente d’avoir été entendue. Il n’y a aucun jugement à la hauteur de ce qu’ils ont vécu. Et sur les excuses présentées par l’artiste déchu : « Ils sont encore sous le choc, ils les ont accueillis avec modestie.» Un jeune photographe se met à courir dans la salle des pas perdus. “Ça sort par le côté !” La chasse continue…
Mis à jour le 21 novembre avec des ajouts