Léon Blum s’est-il retourné dans sa tombe ou pas comme le prétend Emmanuel Macron ? – .

Léon Blum s’est-il retourné dans sa tombe ou pas comme le prétend Emmanuel Macron ? – .
Léon Blum s’est-il retourné dans sa tombe ou pas comme le prétend Emmanuel Macron ? – .

Le leader du Front populaire de 1936 est-il trahi par ses héritiers de 2024 ? Les ponts entre les deux époques sont en tout cas révélateurs, entre instabilité politique et montée de l’extrémisme de droite. « Ce n’est pas ça le Front populaire », assène le président Macron, qui met aussi une peau de banane sur le chemin du Nouveau Front populaire : le prétendu « antisémitisme » de la France insoumise, alors que Léon Blum en a été victime. . Son arrière-petit-fils lui répond.

Depuis 24 heures, j’ai une pensée pour Léon Blum.a déclaré le président de la République, Emmanuel Macron, le 12 juin. « S’il y en a un qui doit se retourner dans sa tombe, c’est Léon Blum, pensant qu’on a qualifié le Front populaire d’alliance électorale qui permettra de donner 300 circonscriptions à LFI, donc à des gens qui ont très clairement assumé de ne pas condamner. L’antisémitisme, ce n’est pas ça le Front populaire, ça a un sens dans notre histoire, ça a un rôle, ce n’est pas ça.

Alors, qu’était-ce que le Front populaire ? Sur le papier, pas beaucoup de différences avec aujourd’hui en tout cas : instabilité politique majeure, montée du fascisme, extrémisme de droite, réunion d’un bloc de gauche dirigé par Léon Blum…

Outre le Parti radical, la coalition comprenait les deux frères ennemis de l’époque : la SFIO d’un côté (le parti socialiste) et la SFIC de l’autre (le futur PCF, parti communiste français), divorcés depuis la scission du congrès de Tours en 1920. Mais quatorze ans plus tard, en 1934, il y a une sorte d’éclaircie, une paix encore un peu armée, mais une paix quand même. Blum, le député narbonnais, hésite encore à travailler avec les communistes. Mais il doit le faire. La situation est grave.

« Non au fascisme »

Le 6 février 1934, une manifestation des ligues d’extrême droite sur la place de la Concorde à Paris dégénère. Dix-neuf morts, plus d’un millier de blessés et chute du gouvernement Daladier.

Manifestation de la SFIO en réaction à la crise du 6 février 1934.
MEURT

Six jours plus tard, le 12 février, une manifestation de gauche scelle un rapprochement, autour d’une banderole commune : « Non au fascisme ». Deux cortèges distincts (SFIO et CGT d’un côté, PCF et CGTU de l’autre) se rejoignent place de la Nation. Le 26 juin, avec le feu vert de Moscou, Maurice Thorez, chef du PCF, appelle officiellement à l’unité d’action. Le 27 juillet, un pacte d’unité d’action antifasciste a été signé. On l’appellerait Front populaire.

Mobilisations en 1934.
CC BY SA

Un an plus tard, le 14 juillet 1935, une manifestation de grande ampleur (le chiffre de 500 000 personnes a été avancé) s’étend entre Bastille, République et Nation. Les partis de gauche ont prêté « le serment solennel de rester unis pour désarmer et dissoudre les ligues factionnelles, pour défendre et développer les libertés démocratiques et pour assurer la paix humaine ».

Le Front populaire dépassé par sa gauche

Le journal Le populaire, soutien du parti socialiste, salue la victoire, la SFIO dépassant les radicaux, au lendemain des élections législatives de 1936.

Aux élections législatives de 1936, le Front populaire l’emporte après un premier tour indécis : 57 % au second tour le 3 mai. La SFIO va au-delà des radicaux. Il arrive en tête avec 149 députés, suivi du Parti radical avec 115 sièges et du PC 72. Ce programme, outre la dissolution des ligues, prévoit la réduction de la durée hebdomadaire du travail sans perte de salaire, la création d’une caisse nationale de chômage, le droit à la retraite, etc.

Les grèves se multiplient partout en France.
CC BY SA

Le président Lebrun n’a nommé un gouvernement qu’un mois plus tard, le 4 juin. Le peuple, qui veut faire grève pendant que le fer est chaud, a eu le temps de faire monter les enchères. Le Front populaire est dépassé par sa gauche : les grèves se propagent comme une traînée de poudre. Les accords de Matignon, le 8 juin, ratifient la loi sur les 40 heures et les congés payés.

Le 14 juillet 1936, manifestation en présence de Thérèse et Léon Blum (en haut à gauche), Maurice Thorez, Roger Salengro, Maurice Violette et Pierre Cot.

Le 14 juillet, la gauche unie a célébré la victoire autour de Léon Blum, Maurice Thorez, Roger Salengro, Maurice Violette et Pierre Cot (photo ci-dessus). L’aventure commune durera deux ans. Elle prend fin en avril 1938, sur fond de dissensions internes et de crise financière liée au plan d’armement.

Alors, oui ou non, Blum se retournerait-il dans sa tombe du cimetière de Jouy-en-Josas ? Le Front populaire de 1936 était en effet un «une alliance électorale» tout autant que le Nouveau Front populaire de 2024, entre des partis qui ne s’étaient pas épargnés auparavant. “La situation est comparable”, insiste l’historien audois Rémy Pech. “Les communistes traitaient les socialistes de traîtres sociaux, de social-fascistes. C’était la guerre.

Il verrait quand même une différence avec 2024 : «La gauche est contrainte de créer un Front populaire d’urgence alors que celui de 1936 mûrit depuis deux ans, avec des comités qui ne sont pas automatiquement affiliés aux partis politiques. Macron a peut-être précipité les choses de peur que la mayonnaise ne tourne à gauche si on lui en laissait le temps« .

L’arrière-petit-fils de Léon Blum répond

Autre distinction : l’extrême gauche des années 1930 pèse bien moins qu’aujourd’hui. Et Blum, figure tutélaire, avait un profil plus consensuel que le leader Maximo Mélenchon. L’un met de l’huile dans les roues, l’autre la met sur le feu.

Reste la peau de banane laissée par terre par Emmanuel Macron : “antisémitisme” que LFI ne voudrait pasne pas condamner« . Blum se retournerait dans sa tombe parce qu’il était juif… À l’époque où Charles Maurras le comparait à «déchet humain« cela devrait être éliminé “avec un couteau de cuisine« .

Léon Blum après l’attentat qu’il subit le 13 février 1936.
CC BY SA

Léon Blum visé comme juif

Le 13 février 36, alors qu’il rentrait chez lui sur l’Île Saint-Louis, à Paris, la voiture de Léon Blum est arrêtée dans un embouteillage. Des membres de l’Action Française l’ont reconnu et ont voulu le lyncher. Il est sauvé par des ouvriers, mais il est blessé à la tête et au cou.

Le soir même, le Conseil des ministres décide de dissoudre les mouvements d’extrême droite. Trois mois plus tard, Blum devient chef du gouvernement du Front populaire : «Le gang juif a réussi à capturer une partie de la classe ouvrière», déplorait le journal L’Action française le 5 juin 1936, au lendemain de la nomination de Blum. Le titre de la Une était abject : « La France sous les Juifs ».

Le titre abject du journal L’Action française au lendemain de la nomination du gouvernement Blum.

La mémoire de Léon Blum, juif, victime de tant d’insultes et d’attaques antisémites, est invoquée pour disqualifier cet accord du Nouveau Front Populaire, au prétexte de l’antisémitisme supposé de la France Insoumise.», raconte l’arrière-petit-fils de Léon Blum, Antoine Malamoud, dans un blog publié par Mediapart.

« Que LFI ait multiplié les déclarations imprudentes ou hasardeuses doit être critiqué, condamné», précise Antoine Malamoud. Mais à ses yeux, «Il est au cœur de la pensée d’extrême droite que l’antisémitisme est structurellement présent, quel que soit son camouflage.« .

Affrontements entre les ligues d’extrême droite et la police le 6 février 1934.
CC BY SA

A Paris, l’émeute du 6 février 1934

Les ligues d’extrême droite (Union nationale des combattants, Action française, Jeunesse Patriote et Croix-de-Feu) manifestent le 6 février 1934 contre le ministère Daladier, suite à l’affaire Stavisky et à la mutation du préfet de police par Paris Jean Chiappe.

Connu pour être proche de l’Action française, il vient d’être démis de ses fonctions par le gouvernement Daladier. Pour l’anecdote, Jean Chiappe avait un frère, Ange, de sinistre mémoire, préfet du Gard entre 1940 et 1944, fusillé devant les arènes de Nîmes en 1945 pour des faits de collaboration.

Édouard Herriot (parti radical), Léon Blum (SFIO) et Marcel Cachin (PCF), caricaturés dans une affiche anticommuniste de la centrale de propagande des Républicains nationaux.
CC BY SA

Dans la région, en 1936, les scores du Pop Front

Le Front populaire dans la région n’affole pas les compteurs en 1936. « Par le nombre de voix qu’elle a recueillies, la gauche semble avoir un peu régressé par rapport à 1932.», note l’historienne Marianne Caron dans sa thèse « Le Front populaire dans le Bas-Languedoc et le Roussillon ».

Les radicaux, au Sud, se positionnent comme le parti de l’ordre, ils chercheront un électorat conservateur», explique l’historien Fabien Nicolas. Les radicaux ne se jettent pas dans les bras des socialistes, encore moins des communistes. Le contexte de « Une concurrence féroce rend impossible le cartel électoral du Front populaire à Béziers, citadelle du radicalisme« . Le maire de Béziers, Auguste Albertini, a été réélu dès le premier tour comme député en 36, face à un socialiste. Dans les trois circonscriptions du Biterrois, « aucun candidat ne revendique son appartenance aux partis de droite ou d’extrême droite actifs dans l’Hérault, seuls les candidats membres des partis appartenant au cartel électoral du Front populaire sont en lice », précise Fabien Nicolas. Les temps ont changé.

Tous les députés du Languedoc et du Roussillon élus en 1936 étaient classés à gauche, à l’exception de deux des trois députés de la Lozère catholique et conservatrice. Dans l’Hérault, légère subtilité : le maire de Montpellier, Paul Boulet, n’est pas classé à gauche mais gère sa mairie avec la SFIO. Dans le Gard, deux députés communistes sont entrés au Parlement pour la première fois dans la région.

Si l’élection n’a pas fédéré le Front populaire dans le Languedoc, en revanche, l’enthousiasme populaire a été considérable. « Des scènes de liesse ont ponctué le résultat du scrutin“, specifies political scientist Emmanuel Négrier. “C’est peut-être aussi ce qui est commun entre 1936 et 2024 : le syndicat a longtemps été considéré avec suspicion par les appareils mais il est insisté par l’électorat.

«Lorsque les résultats des élections furent annoncés le soir du 3 mai 1936, la foule descendit dans la rue pour manifester sa joie.», rappelle Marianne Caron. Mais les rassemblements massifs arrivent, à partir du 14 juin. »Foules immenses, fanfares jouant l’Internationale et la Marseillaise, forêts de drapeaux, bals populaires» sont au menu. Plus de 10 000 personnes ont manifesté à Nîmes, 15 000 à Perpignan, 7 000 à Narbonne, 3 000 à Carcassonne, 2 000 à Beaucaire. Les manifestations ont eu un peu de retard. Les premiers frappent aussi. Ils étaient appelés « avec un net retard » par rapport à Paris.

La progression des idées communistes inquiète les socialistes. Pour les radicaux, c’est le début de la fin. Ils perdent le leadership national au profit de la SFIO. La Seconde Guerre mondiale les a enterrés. « Les chefs des maquis et des comités départementaux de Libération étaient socialistes ou communistes, le linge se faisait à la Libération.», résume Rémy Pech. De nombreux radicaux, comme l’un de leurs dirigeants, Audois Albert Sarraut, votent les pleins pouvoirs pour Pétain.

 
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