Un oléoduc où le pétrole ne coule plus, et deux pays au bord de l’affrontement

Un oléoduc où le pétrole ne coule plus, et deux pays au bord de l’affrontement
Un oléoduc où le pétrole ne coule plus, et deux pays au bord de l’affrontement

Que se passe-t-il entre le Niger et le Bénin ? A quoi assiste-t-on entre ces deux Etats voisins et frères ? Le Bénin veut obtenir l’ouverture de la frontière avec son voisin du nord-est et le Niger veut l’application de l’accord d’exploitation du gazoduc, qui devrait prévaloir même en temps de guerre comme on le voit entre la Russie et l’Ukraine. Mais ces deux pays africains ne semblent plus conscients que les problèmes se règlent autour d’une table de discussion ou assis sous l’arbre à palabres. Est-ce la fameuse malédiction du pétrole qui est à la base de ce choc des volontés ou assiste-t-on à une bataille d’egos entre deux chefs d’Etat ?

Le président Patrice Talon semble apprécier l’exercice de se présenter lui-même devant la presse pour commenter et expliquer ce différend, tandis que son homologue militaire nigérien se tait et laisse à son Premier ministre le soin de répondre au chef de l’Etat. Béninois.

Selon les autorités nigériennes, le Bénin abrite des bases d’entraînement françaises permettant aux terroristes d’attaquer leur pays, d’où la fermeture de la frontière que le Bénin souhaiterait voir ouverte pour que le trafic des importations en provenance du Niger puisse reprendre depuis le port de Cotonou. Mais Niamey reste ferme sur sa position qui, selon elle, participe de sa sécurité et de sa souveraineté. Les autorités béninoises se sentent frustrées, voire en colère, que la frontière nigérienne avec le Nigeria soit ouverte. Le Nigeria, qui avait également appliqué les sanctions de la CEDEAO contre le Niger et son président, était même l’actuel président de l’organisation régionale pendant sa période de guerre.

Dans les échanges à distance, les esprits se sont échauffés et le Bénin a arrêté cinq ressortissants nigériens accusés d’atteinte à la sécurité de l’Etat et d’avoir des visées terroristes. Le Niger a exigé violemment la libération de ses ressortissants avec un très bref ultimatum et a fermé l’oléoduc qui transporte son pétrole vers le Bénin. Pourquoi ces deux États ont-ils atteint cet extrême ? Peut-on y voir l’action d’autres Etats qui auraient quelque bénéfice dans ce climat délétère entre les deux voisins ? Des deux côtés de la frontière, pense-t-on aux intérêts des peuples béninois et nigérien ?

Ce conflit est une incroyable histoire africaine de pressions et de rapports de force pour obtenir ce que nous voulons sans discussion et sans respect mutuel. L’absence de relations courtoises et de bon voisinage entre dirigeants pour réussir dans les pays frères en développement est la règle. En 2019, à la conclusion de l’accord tripartite entre le Bénin, le Niger et la société chinoise WAPCO, les trois parties étaient heureuses. Le Bénin pour avoir obtenu le passage du pipeline à travers son pays et la construction du port, au détriment du Nigeria et du Tchad qui étaient en concurrence. Les investissements pour cette infrastructure ont été les plus importants du pays depuis son indépendance, avec 3 000 emplois générés pour la construction et 500 pour l’exploitation. Les droits de transit et les recettes fiscales pour le Bénin sont estimés à plus de 300 milliards de francs CFA (environ 15 milliards par an) pour les 20 premières années d’exploitation des infrastructures. Du côté nigérien, le pétrole devrait générer ¼ du PIB et assurer la moitié des recettes fiscales. C’est une bouffée d’air économique à l’heure où les prix de l’uranium sont en baisse.

Le champ pétrolier d’Agadem profite davantage aux Chinois

Le projet est source de richesse, d’emplois, de prospérité et de bonheur pour le Niger, pays producteur de pétrole, et le Bénin, pays par lequel il transite avant de s’embarquer à bord de bateaux pour diverses destinations, principalement au profit de la société chinoise WAPCO. , le pays qui a financé ce vaste projet depuis le champ pétrolier d’Agadem au Niger jusqu’au port de Sémè Podji au Bénin. On peut cependant regretter que l’accord donne, selon certaines sources, les ¾ du pétrole du Niger à WAPCO et seulement ¼ au propriétaire nigérien car ce sont uniquement les Chinois qui ont pris le risque de le faire en finançant le tout.

Le projet est au point mort depuis le 5 juin 2024, suite à l’arrestation par les autorités béninoises de cinq ressortissants nigériens pour atteinte à la sûreté de l’État. Cette situation est le dernier résultat d’une crise qui, au départ, n’était pas bilatérale mais multilatérale. A l’origine, la crise déclenchée par la CEDEAO en réaction au coup d’État des généraux du Niger, contre le président Mohamed Bazoum le 28 juillet 2023. Malgré l’issue de cette crise avec l’abandon par la CEDEAO de ses menaces de guerre, et Après la levée des sanctions et l’ouverture des frontières terrestres et aériennes, le Niger a maintenu fermée sa frontière avec son voisin béninois pour des raisons de sécurité au motif qu’elle accueillerait des bases d’entraînement françaises de groupes terroristes pour l’attaque.

Faire payer au Bénin les turpitudes de la CEDEAO

Ce coup d’État, on le sait, a été très mal vécu par les dirigeants civils ouest-africains qui se sont tous sentis sur un siège éjectable face aux coups d’État. La France craignait également que sa déroute sahélienne ne se poursuive sur la façade atlantique. Très vite, des sanctions ont été prises, les frontières aériennes et terrestres fermées et la menace d’une intervention militaire pour restaurer la démocratie a été brandie. Mais les chefs d’État n’ont pas prévu le rejet de cette guerre par le peuple mobilisé et les juntes du Burkina et du Mali qui ont décidé de soutenir leurs homologues du Niger.

Le Niger a-t-il décidé de faire payer au Bénin les sanctions de la CEDEAO ? Ce qui est sûr, c’est qu’après la levée des sanctions de la CEDEAO, le Bénin et le Niger n’ont pas renoué avec la normalisation de leurs relations malgré des rencontres au sein de la société de gestion du pipeline. Les deux pays affirment leurs positions sans tenir compte de l’autre et de leurs points de vue. Tout le monde croit que le droit et la justice sont de son côté. L’hostilité se manifeste dans l’arrestation ou l’enlèvement des cinq Nigériens. Qui a intérêt à cette situation, à cette crise qui dure depuis l’inauguration de l’oléoduc fin avril 2024 avec des hauts et des bas ?

Une guerre entre les deux États confrontés à des attaques terroristes ne peut que profiter aux terroristes. Le Niger souhaite-t-il maintenir le pipeline fermé jusqu’aux élections au Bénin en espérant qu’un candidat favorable à sa cause les remporte ? Ce retard dans l’exploitation pétrolière aura des coûts financiers que WAPCO China va répercuter dans le partage des parts déjà peu avantageux pour le Niger. Qu’espère le Bénin ?

En jugeant les Nigériens, il n’atteindra pas ses objectifs auprès des autorités militaires du Niger. Emmanuel Macron est sur le point de perdre le pouvoir en France, il ne peut pas engager son pays dans une guerre de reconquête du Niger. Le Togo est le seul bénéficiaire de ce conflit, puisque les importations nigériennes transitent par le port de Lomé.

La CEDEAO pourrait-elle jouer un rôle de médiateur dans cette crise pour libérer dans un premier temps les Nigériens arrêtés et faire visiter les camps suspectés d’être des bases françaises alors que le Bénin assure que les troupes françaises sont absentes ? Les deux pays devraient retrouver la sérénité et la confiance nécessaires pour bénéficier de l’exploitation pétrolière. Laisser ce conflit stagner ou l’exacerber, c’est faire le jeu des puissances étrangères et empêcher l’Afrique de bénéficier de ses richesses.

Sana Guy

Lefaso.net

 
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