Entrevue avec Bernard Tremblay, président sortant de la Fédération des cégeps

Entrevue avec Bernard Tremblay, président sortant de la Fédération des cégeps
Entrevue avec Bernard Tremblay, président sortant de la Fédération des cégeps

« Un taux d’obtention de diplôme au cégep de 65 % n’a aucun sens. On ne peut pas se contenter de ça » et il faudrait sans doute revoir les programmes de français notamment, note Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps.


Publié à 1h32

Mis à jour à 6h00

À la tête de cet organisme depuis neuf ans et demi, M. Tremblay, qui prend sa retraite, était en visite La presse en début de mois pour un dernier entretien*.

Les chiffres sont là, implacables. Le taux d’obtention de diplôme collégial de 65 % s’ajoute au fait, souligne M. Tremblay, que 30 % des jeunes Québécois n’accèdent même pas au cégep, « et c’est une tragédie ».

« Parce qu’à 28 ans, quand ils décident de retourner aux études, c’est la croix et la bannière. »

En guise de cadeau de retraite, nous avons offert à M. Tremblay une série de questions qui tuent, histoire de s’assurer qu’il ne s’ennuiera pas de la partie médiatique de son travail une fois parti.

Se pourrait-il donc que le taux de réussite soit si faible parce qu’à l’entrée, les jeunes n’ont tout simplement pas le niveau, notamment en français ? Ce sont les échos de certains enseignants, confirmés par un rapport réalisé en 2023 pour le compte du ministère de l’Enseignement supérieur et qui conclut qu’un étudiant sur quatre échoue son premier cours de français au cégep.

M. Tremblay est convaincu que les jeunes acceptés au cégep y sont de droit et que la quasi-totalité d’entre eux, avec un accompagnement adéquat, peuvent réussir. « Pour moi, c’est un discours élitiste » de prétendre le contraire, alors qu’on sait désormais résoudre les blocages dans la grande majorité des cas.

Remettre la grammaire, l’orthographe et la syntaxe au programme ?

Le gouvernement « a beaucoup investi dans les centres de services scolaires pour soutenir les élèves en difficulté, avec des résultats probants », au primaire et au secondaire, mais n’y consacre pas assez d’argent pour la réussite au cégep, « même si nous avons un plan d’action très volumineux » précisant la marche à suivre, poursuit M. Tremblay.

Les sommes allouées à l’enseignement primaire et secondaire ainsi que les nombreux cours supplémentaires en français au cégep entraînent néanmoins, jusqu’à maintenant, des taux de diplomation anémiques au cégep, soutenons-nous.

Pour le français, M. Tremblay acquiesce. Une réflexion est à mener et il faut constater que la langue est loin d’être maîtrisée après le 5e secondaire.

Or, au cégep, à l’âge où les jeunes sont plus en mesure de comprendre les règles grammaticales, les cours obligatoires se concentrent uniquement sur la littérature.

Nous avons sûrement besoin d’un débat pour réfléchir sur nos attentes par rapport au français [au cégep].

Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps

Notons au passage que le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a annoncé son intention de dépoussiérer les programmes de français aux niveaux primaire et secondaire en 2025.

Lire « Réforme de l’enseignement du français : les orientations de Bernard Drainville »

Pour une formation continue adéquate

Mais M. Tremblay n’en démord pas : pour lui, il est impossible « d’abandonner les jeunes » qui sont en difficulté, encore moins quand presque tous les emplois futurs « nécessiteront un diplôme technique ou universitaire », pour le secteur des batteries, par exemple. .

Le Québec a besoin de ses jeunes, de tous ses jeunes, plaide-t-il avec ferveur.

Et ses cégeps, qui, selon M. Tremblay, représentent « un modèle éprouvé », une avancée sociale remarquable, sans compter qu’ils sont au cœur « de l’occupation du territoire en régions », comme on l’a déjà quantifié notamment. l’économiste Pierre Fortin. (En 2004, il estimait déjà que les cégeps injectaient plus de 1,5 milliard de dépenses directes dans le circuit économique local.)

L’un des principaux projets de l’ancienne ministre Marie Montpetit, qui succédera à M. Tremblay à la tête de la Fédération des cégeps du Québec ?

Sans vouloir jouer au beau-père, M. Tremblay estime que Québec doit repenser son offre de formation pour les travailleurs, où les cégeps pourraient être à l’avant-garde, mais pas seulement eux.

Actuellement, note M. Tremblay, soit « on attend que les gens se retrouvent au chômage » pour leur proposer des formations, soit « on finance des entreprises pour qu’elles puissent former leur personnel ».

« Cela fonctionne dans des entreprises comme Bombardier qui ont un grand service de ressources humaines, pas quand on est une PME. Et les personnes formées en entreprise sont essentiellement celles qui gagnent le plus d’argent », ce qui laisse « un nombre phénoménal de travailleurs » particulièrement exposés au risque de se retrouver au chômage et sans compétences actualisées en cas de déclin de l’économie.

Il faut à la fois « récupérer le jeune de 26 ans qui travaille dans une supérette » et maintenir les salariés à jour, « ce qui ne passe pas par des petites formations sur un coin de table ».

Finalement, M. Tremblay a un souhait : que la tendance à l’hypercentralisation au Québec soit inversée. Il se souvient d’un ministère de l’Enseignement supérieur avec lequel « un dialogue était possible » et qui connaissait bien les réalités des cégeps et des universités. Aujourd’hui, déplore-t-il, tout se décide au Conseil du Trésor, auquel les ministères doivent se soumettre, même s’ils ont une connaissance plus fine des réseaux.

* L’entrevue avec M. Tremblay a été réalisée avant la publication, vendredi, du rapport sur la réussite des cours de littérature et de philosophie au cégep et ne constitue donc pas une réaction à celui-ci.

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