de Tabucchi à Nothomb, retour sur trente ans du Prix Jean-Monnet

En 1995, Antonio Tabucchi


Antonio Tabucchi (1943-2012), photographié à une date indéterminée.

AFP

Cette année-là, le célèbre écrivain italien est le premier lauréat du prix Jean-Monnet pour « Pereira finge », un roman salué par l’opposition de gauche à Silvio Berlusconi, le magnat de la presse italienne. A Cognac, Tabucchi rencontre Andréï Makine, ce sympathique Russe, vainqueur du Goncourt et des Médicis. Leur conversation est brillante. Unis dans l’amour de la langue et la mélancolie de la moustache, ils se contemplent. Tous deux sont immergés dans la culture française. Tous deux ont eu l’expérience d’écrire dans une langue adoptée (français pour Makine, portugais pour Tabucchi). Plus que des romanciers, ce sont des « passeurs ».

En 2001, Jorge Semprun


Jorge Semprun (1923-2011) à Cognac en 2001. L’écrivain, scénariste et homme politique espagnol a remporté un prix pour « Le Mort ».

H.-J. Berthélémy / Archivi « SO »

Résistant, déporté, immense écrivain et ministre, Jorge Semprun a laissé une forte impression à Cognac. Il a remporté un prix pour “Les Morts”, récit autobiographique d’un sinistre épisode survenu à Buchenwald : la recherche d’un cadavre dont l’identité pourrait être usurpée, pour échapper au contrôle des SS. Dans une interview à « Sud Ouest », Semprun a déclaré : « La culture, la poésie ne nous ont pas permis de survivre. Je me suis échappé parce que j’étais jeune, en bonne santé, que je parlais allemand et que j’étais à Buchenwald, pas à Auschwitz. […]. Réciter mentalement un poème permettait de s’isoler, d’échapper à cette réalité, mais c’était presque un privilège de classe. »


Page « Région » de « Sud Ouest Dimanche » du 18 novembre 2001.

Archives « SO »

En 2002, Patrizio Modiano

La couverture de « La Petite Bijou » (Gallimard, 2001).


La couverture de « La Petite Bijou » (Gallimard, 2001).

RD

« Mon absence n’est pas due à un échec de ma volonté mais à un empêchement aussi douloureux qu’inattendu », dit l’auteur de « La Petite Bijou ». Modiano n’est donc pas là, mais Jacques Bobé oui ! Dans son discours, le député et président du Conseil général s’embrouille et laisse entendre que l’écrivain est italien. L’erreur est racontée le mercredi suivant dans « The Chained Duck ». Cognac rit. L’homme politique (aujourd’hui décédé) est sous le choc.

En 2003, William Boyd

William Boyd à Cognac en 2003. L'auteur a été primé pour « Un livre ouvert, les carnets intimes de Logan Mountstuart » (Le Seuil).


William Boyd à Cognac en 2003. L’auteur a été primé pour « Un livre ouvert, les carnets intimes de Logan Mountstuart » (Le Seuil).

H.-J. Berthélémy / Archivi « SO »

Cognac honore le plus aquitain des auteurs écossais : Boyd, récompensé pour “An Open Book”, un récit dans lequel un certain Logan Mountstuart, écrivain à l’existence tumultueuse, rencontre Picasso et James Joyce, se dispute avec Virginia Woolf et se rapproche du Duc et la duchesse de Windsor. « Recevoir une nouvelle récompense ici à Cognac me remplit de bonheur. J’y vois une confirmation de la force de ce roman qui, plus que les autres, parle aux lecteurs. Je n’ai jamais reçu autant de courrier ! On m’écrit de New York, de Paris et de Madrid », raconte-t-il.

Nel 2011, Sylvie Germain

Sylvie Germain, au théâtre de Cognac, le 19 novembre 2011.


Sylvie Germain, au théâtre de Cognac, le 19 novembre 2011.

Céline Levain / Archives « SO ».

Toujours entre deux trains, Sylvie Germain ! Le romancier réside alors à Angoulême mais passe beaucoup de temps à Paris. En 2011, la Littérature européenne lui a décerné un prix pour « Le monde sans toi », texte marqué par le deuil, mais aussi pour l’ensemble de son œuvre. Il se dit sensible à la figure historique et symbolique de Jean Monnet. « J’ai grandi dans une époque encore marquée par le conflit européen. Mes parents et grands-parents ont vécu les deux grandes guerres. Je me soucie beaucoup de l’Union, surtout aujourd’hui où sa solidité est mise à l’épreuve. »

En 2013, Michael Kumpfmüller

Michael Kumpfmüller, le 23 novembre 2013 à La Salamandre, à Cognac. L'écrivain pose avec Michel Boutant, président du Conseil général de Charente, et la députée européenne Doris Pack.


Michael Kumpfmüller, le 23 novembre 2013 à La Salamandre, à Cognac. L’écrivain pose avec Michel Boutant, président du Conseil général de Charente, et la députée européenne Doris Pack.

Anne Lacaud // Archive « SO »

Le Cognac couronne l’auteur allemand Michael Kumpfmüller, dont le livre raconte le dernier amour de Franz Kafka en 1923. Tout va bien. Le sénateur et président du Conseil général, Michel Boutant, a également prononcé un discours en allemand. Mais un mois plus tard, l’auteur – susceptible et sans doute ingrat – racontait qu’il avait été très mal accueilli en Charente ! Il a déclaré au « Frankfurter Allgemeine Zeitung » que l’organisateur n’aurait pas prêté attention, « après un long voyage en train de huit heures », le laissant « pendant plus d’une heure et demie dans une pièce déserte à signer cinq livres ». L’accident a provoqué beaucoup de bruit. Rappelons que, pour l’anecdote, Kumpfmüller avait quand même encaissé le prix en argent, un chèque de 6 000 euros.

Nel 2018, Chantal Thomas

Chantal Thomas le 17 novembre 2018 à Cognac.


Chantal Thomas le 17 novembre 2018 à Cognac.

Anne Lacaud / Archives « SO »

Sobriété, beauté, labyrinthe de sentiments : l’œuvre de Chantal Thomas brille par sa sobriété et son élégance. L’écrivaine et essayiste (à ne pas confondre avec la créatrice de mode et styliste du presque même nom) a été mise à l’honneur à Cognac pour « Souvenir de la marée basse », évocation voluptueuse et sensible des plages de son enfance sur le bassin d’Arcachon. Gérard de Cortanze, président du jury, lui a déclaré : « Nous avons été unanimes dès le premier tour. Votre littérature est joyeuse. Il invite au bonheur et à la joie de vivre. Vos livres aident à combattre le pessimisme environnemental dont nous mourons tous. » Trois ans plus tard, en 2021, Chantal Thomas est élue à l’Académie française, sous la présidence de Jean d’Ormetton.

En 2019 Rosa Postorino

Rosa Postorino à Cognac en 2019. L'auteur pose ici dans les salons de l'hôtel Chais Monnet.


Rosa Postorino à Cognac en 2019. L’auteur pose ici dans les salons de l’hôtel Chais Monnet.

Anne Lacaud / Archives « SO »

Automne 1943. Reclus dans son quartier général de Prusse orientale, Adolf Hitler a peur d’être empoisonné. Recrutez des dégustateurs. Ils sont hébergés à Gross-Partsch, près de la « Tana del Lupo ». Alors que l’Europe meurt de faim en raison de la guerre, ces femmes mangent sous la contrainte. Peur au ventre. Chaque cuillerée peut être la dernière… C’est l’intrigue du roman “Les goûts d’Hitler”, un best-seller de Rosa Postorino. L’auteure italienne de 41 ans dit s’intéresser à la banalité du mal : « Dans ce roman je parle de passivité, de connivence et de renoncement. C’est une histoire très personnelle, dans laquelle je me projette beaucoup. De plus, c’est écrit à la première personne et la protagoniste s’appelle Rosa. »

Nel 2023, Amélie Nothomb

Amélie Nothomb reçoit le Prix Jean-Monnet 2023 du Festival de littérature européenne (LEC) de Cognac, des mains de Patrick Mardikian, élu responsable de la culture au Conseil départemental de la Charente.


Amélie Nothomb reçoit le Prix Jean-Monnet 2023 du Festival de littérature européenne (LEC) de Cognac, des mains de Patrick Mardikian, élu responsable de la culture au Conseil départemental de la Charente.

Anne Lacaud / Archives « SO »

 
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