FRANCOPRESSE – L’économie canadienne dépend en grande partie de l’eau. Mais la ressource reste fragile et des voix s’élèvent pour repenser la gestion de l’or bleu dans le pays, alors que la demande ne cesse de croître.
«Nous vivons dans un pays où nous pensons avoir toute la richesse de l’eau autour de nous, sauf que nous ne la gérons pas bien», explique Soula Chronopoulos, présidente d’AquaAction, une organisation dédiée à la santé des eaux douces en Amérique du Nord.
Industries, agriculture, habitat, transports, énergie : « Dans notre économie, tout passe par l’eau », poursuit-elle. Mais l’offre ne suit pas toujours la demande. “La population augmente au Canada, nous construisons et nous n’avons pas assez d’eau pour alimenter ces bâtiments.”
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Augmentation de la consommation industrielle
Selon un rapport de Statistique Canada publié en juillet 2024, les industries demeurent les principales consommatrices d’eau au pays.
En 2021, un peu plus des deux tiers (69,5 %) de toute l’eau utilisée par les industries au Canada ont été utilisées pour la production, le transport et la distribution d’électricité. Viennent ensuite les cultures agricoles (6,2%) et l’élevage (4,8%).
La consommation d’eau dans le secteur agricole a augmenté de 30,9 % entre 2019 et 2021, période qui coïncide avec de faibles niveaux de précipitations, particulièrement dans les Prairies.
La sensibilisation, « un combat difficile »
En Saskatchewan, Al Birchard, agriculteur biologique, met un accent important sur la préservation et la restauration des milieux humides.
« Ils contribuent grandement à l’atténuation des inondations et des sécheresses […] et présentent de nombreuses caractéristiques écologiques dont beaucoup, parmi les agriculteurs et le grand public, ne sont pas conscients », rapporte le représentant régional de l’Union nationale des agriculteurs (UNF).
«Nous examinons de près le projet d’irrigation de plusieurs milliards de dollars», ajoute-t-il, faisant référence aux travaux titanesques autour du lac Diefenbaker annoncés en 2020 par le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, mais qui sont loin d’être terminés. pour parvenir à l’unanimité.
Un projet qui, selon Al Birchard, coûtera bien plus que les 4 milliards de dollars prévus et ne profitera qu’à 1 % des agriculteurs de la province.
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L’agriculteur regrette que les administrations provinciales ou municipales ne prêtent pas suffisamment d’attention à la conservation de l’eau. « Ils s’intéressent davantage à l’eau en tant que ressource, ce qui signifie qu’il faut l’utiliser d’une manière ou d’une autre. »
« Si l’UNF a une politique en matière d’irrigation et de préservation des zones humides, ce n’est pas le point de vue le plus répandu. […] C’est donc un combat difficile pour sensibiliser le grand public et les niveaux de gouvernement.
Selon lui, la Saskatchewan ne dispose pas d’une politique globale et appropriée de gestion de l’eau. « Les politiques qu’ils envisagent et mettent en œuvre ne comportent pas toujours d’évaluations environnementales », regrette-t-il.
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Une gestion « très divisée »
Pour le responsable des politiques canadiennes à l’Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent, Maxime Hayet, les industries et les municipalités doivent travailler « en partenaires et non seulement en adversaires » afin de réduire leur consommation d’eau.
« Cette ressource va devenir de plus en plus rare et donc chère, il faut donc s’y préparer », prévient-il.
L’inclusion des communautés autochtones à la table des négociations reste également essentielle, insiste le directeur de l’Association internationale de recherche sur les Grands Lacs, Jérôme Marty, qui “ont souvent été mises de côté”. « Nous ne pouvons pas avoir une bonne gestion des ressources aquatiques aujourd’hui sans la participation des Premières Nations. »
« Le problème de la gestion de l’eau au Canada, c’est qu’elle est très divisée, aux niveaux municipal, provincial et fédéral », ajoute-t-il. Une division qui selon lui peut entraîner des complications.
Il prend l’exemple des Grands Lacs. « Dans ce cas-ci, nous avons des lois qui peuvent être différentes d’un côté ou de l’autre des frontières, et entre provinces et États. Il n’existe pas de règle unique qui s’applique partout pour gérer le système et c’est ce dont nous aurions probablement besoin.
« Nous n’avons pas de lois qui réglementent la libération de nutriments dans l’environnement, mais nous avons des guides de bonnes pratiques », illustre-t-il.
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Différences régionales et culturelles
« Il y a des différences régionales. Une approche universelle pour relever les défis liés à l’eau douce au Canada ne fonctionnerait pas », contredit le directeur par intérim des partenariats autochtones, des relations extérieures et des communications à Environnement et Changement climatique Canada, Rémi Gosselin.
« Il existe aussi des différences culturelles et sociétales », ajoute-t-il, évoquant notamment les peuples autochtones, « qui ont un lien profond avec l’eau, qui est aussi au cœur de leur vie culturelle, spirituelle et sociale ».
Justement, selon lui, toutes ces divergences et ces besoins particuliers mettent en évidence la nécessité d’un effort national pour gérer la ressource de manière coordonnée. « Les activités liées à l’eau douce relèvent de la responsabilité de plus de 20 ministères et organismes fédéraux.
Il cite la création à cet effet de l’Agence canadienne de l’eau, qui finance plusieurs initiatives visant, entre autres, à restaurer les milieux aquatiques et à améliorer la qualité de l’eau douce dans les milieux sensibles.
«Nous essayons de commencer à établir des relations avec le secteur industriel», ajoute Rémi Gosselin. Les conversations ressemblent vraiment à celles de l’enfance. Nous n’avons pas nécessairement atteint l’étape des solutions, mais nous considérons certainement ce groupe comme l’un de nos principaux intervenants. Nous travaillons donc à construire cette relation.
Une agence fédérale de l’eau
En 2020, le gouvernement fédéral a entrepris la création d’une Agence canadienne de l’eau pour superviser la gouvernance de l’eau douce au pays. Il devrait permettre de gérer la ressource en travaillant en partenariat avec les peuples autochtones, les provinces, les territoires et les intervenants.
Ottawa a annoncé un investissement de 85,1 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2023-2024, et de 21 millions de dollars par année par la suite pour soutenir la création de cette agence.
L’un des objectifs de cette dernière est de « rassembler toutes les bases de données qui existent sur la qualité et la quantité de l’eau sur l’ensemble du territoire », explique le directeur de l’Association internationale de recherche sur les Grands Lacs, Jérôme Marty.
« Et c’est quelque chose qui sera utile pour prendre de meilleures décisions », veut-il croire.
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Des gouvernements qui n’en font pas assez ?
Si Soula Chronopoulos salue la volonté du gouvernement fédéral et de certaines provinces et territoires de s’attaquer au problème de la gestion de l’eau et d’investir pour y remédier, elle déplore néanmoins un manque d’engagement de la part des décideurs politiques.
« L’eau n’est pas aussi sexy que le carbone », dit-elle en faisant allusion à certains discours politiques.
Or, « c’est une menace pour l’agriculture et un problème de santé », rappelle le président d’AquaAction.
« Ce n’est pas seulement un problème climatique et environnemental. Cela va plus loin. Nous ne vivons que trois jours sans eau […] J’espère qu’à un moment donné, le gouvernement fédéral finira par voir les choses ainsi.»
« Le Canada pourrait et devrait être un leader dans ce secteur […] Combien de Jaspe [ville albertaine ravagée par un incendie à l’été 2024, NDLR] que faut-il de plus pour comprendre que nous devons faire quelque chose ? De combien de Jaspers avons-nous besoin avant d’agir ?
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« Des guerres commencent autour de l’eau »
Selon elle, il est essentiel de prendre conscience de tous ces enjeux liés à l’eau, tant dans la sphère publique, médiatique que politique.
« Nous devons parler de cela dans les médias. Les médias n’en parlent pas ; des personnes qui n’ont pas accès à une eau potable ou de bonne qualité. Nous ne parlons pas des polluants ou des microplastiques présents dans l’eau que nous buvons actuellement.
« Il y a déjà des guerres qui éclatent autour de l’eau ou du manque d’eau. » Si le Canada n’est pas encore concerné, il reste une « cible », prévient-elle.
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Montréal
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