Le capitaine Viglino dirige encore aujourd’hui le centre de secours d’Annot, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Il était tout jeune officier en 1994, lors de la crue historique du Var.
“Mon premier plan Orsec », souffle ce pompier. Une catastrophe qui a marqué à jamais sa mémoire et sa pratique professionnelle.
“Il pleuvait depuis deux ou trois jours, il se souvient. Les sols étaient gorgés d’eau. Et ce samedi 5 novembre, les précipitations ont augmenté en intensité. Il est tombé d’environ 270 mm en l’espace d’une vingtaine d’heures.
“Il n’y avait pas de téléphone portable comme aujourd’hui”
Ce que craignait ce professionnel a fini par se produire. En pleine nuit. La Beïte, une des deux rivières qui traverse Annot, possède «envahi le village.
Le chef du centre et ses hommes vont de maison en maison, d’intervention en intervention. Mais ce n’est qu’au lever du jour que Michel Viglino prend réellement conscience de l’ampleur du désastre.
« Nous nous sommes retrouvés sans communication. À l’époque, il n’y avait pas de téléphone portable. » Moins que “coordination” aussi, au sein des pompiers qui n’étaient pas encore départementalisés. “Chacun gérait un peu son territoire.il admet.
Il faudra d’ailleurs attendre le lendemain pour que les premiers renforts arrivent dans cette ville, aux confins de la vallée du Var.
Ici comme ailleurs, nous avons frôlé le pire. Quand la maison du boulanger fut en partie emportée par les eaux. Ou lorsqu’une impressionnante coulée de boue dévala la montagne sur près de 300 mètres, terminant sa course à la station d’Annot.
Un peu plus haut dans la vallée, au confluent du Coulomp et du Var, c’est le pont de Gueydan qui a été emporté. “Tout comme la cimenterie », recalls Éliane-Rosie Viglietti.
Maire de la petite commune de Castellet-lès-Sausses, à l’époque, c’est sous escorte des pompiers qu’elle se rendit dans les jours qui suivirent chercher du ravitaillement pour ses habitants. “Nous étions coupés du monde. »
« Avec nos valises au dessus du tumulte du fleuve »
Dans la vallée voisine, Saint-Etienne-de-Tinée restera isolée.pendant trois jours »rapporte le directeur des archives départementales.
C’est pourtant la destination de Gilles et Ilse ce samedi 5 novembre 1994. Lui, jeune enseignant, est en poste à Saint-Etienne. Elle est originaire d’Angers. Ils se sont rencontrés pendant l’été.
Ce jour-là, Gilles entreprit de faire « découvrir la Côte d’Azur » à sa chérie. Ils traversent la France en TGV, traversent le Rhône déjà gonflé et arrivent à Nice alors que le Var est en crue.
La voiture que Gilles a laissée chez son oncle refuse de démarrer. “Trop d’humidité. De toute façon, il ne serait guère prudent de s’aventurer sur la route de la vallée en pleine nuit.
Departure the next day for Saint-Etienne-de-Tinée, via Levens et la vallée de la Vésubie. De détour en détour, ils arrivent à Saint-Sauveur. “Nouvelle signalisation annonçant que la route est fermée en amont d’Isola. Il est tard, il fait nuit… Bref, on verra bien.
Arrêtez-vous au bar Isola pour avoir des nouvelles. “J’y trouve des employés de la DDE qui douchent mes espoirs”témoigne Gilles. La route est bien coupée, mais les agents proposent d’aider le jeune couple à traverser… à pied !
“Nous marchons péniblement dans le noir avec nos valises au-dessus du tumulte de la rivière encore gonflée. La fin du parcours se fera dans une camionnette DDE.
« Drôle de mésaventure qui ne dissuadera finalement pas la mère de mes enfants de rester après son arrivée par une journée d’inondation mémorable », souffle Gilles.
Même son beau-père ne semble pas lui en avoir voulu. Car arrivés sains et saufs après ce long voyage, le couple a oublié de donner des nouvelles.
Le lendemain, à son réveil, il découvre ce message désespéré sur le répondeur : « Je suis le père d’Ilse. Pas de nouvelles depuis 2 jours, merci à la personne qui écoute ce message de m’avoir contacté… »
« Avons-nous tiré toutes les conséquences de ces aléas ?
Les images des Alpes-Maritimes ravagées par les eaux ont fait le tour des journaux télévisés européens. Et pourtant, ce 5 novembre 1994 était au départ un jour comme les autres.
Personne n’a songé à annuler le concours de fleurs qui s’est déroulé dans la serre du Phoenix Park. «Le bourgmestre lui-même, Jean-Paul Baréty, et le conseiller cantonal de l’époque, un certain Jacques Peyrat, étaient également présents pour remettre les prix» aux candidats, se souvient Michel Auda. Son épouse, Anne-Marie, en faisait partie.
Pierre et Christiane, les voisins du couple, ont souhaité les accompagner.dans leur toute nouvelle Laguna”. Durant la cérémonie, personne ne se souciait vraiment de la pluie battante qui frappait le toit de la serre.
Mais à la sortie de Phoenix Park, »une lame de 5 cm a balayé le boulevard René-Cassin »se souvient Michel Auda. Alors qu’ils tentent de regagner la voiture, l’eau ne cesse de monter.
“Des chevilles, il nous arrive à mi-mollet”“les plaques d’égout se soulevaient”“nous avons avancé tous les quatre en nous tenant la main.il décrit. C’est finalement en bus, dont »la circulation n’a pas été interrompue »qu’ils sont retournés dans les collines.
Quant à «la Laguna au nom prédestiné, elle a toujours fait un « flop flock », malgré les rénovations de Renault ». Un moindre mal, car Michel Auda, en tant qu’entrepreneur, fut réquisitionné le lendemain pour pomper les mètres cubes de pluie qui avaient « envahi tous les niveaux du parking des Arénas ».
« Là ou quelques semaines auparavant, j’avais assisté à une réunion de la cellule de crise de la protection civile sur les risques »ironise ce Niçois. Qui demande : «Avons-nous tiré toutes les conséquences de ces aléas ? Des institutions oui, mais des hommes ?