les familles recherchent toujours la vérité

Le 3 juin 2019, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA) a publié son rapport final, révélant de graves violations de leurs droits fondamentaux. Cinq ans plus tard, malgré une prise de conscience des gouvernements, certaines blessures restent ouvertes alors que plusieurs familles continuent de chercher la vérité.

Commandée par le gouvernement fédéral en 2016 en réponse aux appels à l’action de la Commission Vérité et Réconciliation, l’ENFFADA avait une tâche colossale devant elle : enquêter et rendre compte des causes systémiques de toutes les formes de violence perpétrée dans le monde contre les femmes et les filles autochtones au Canada. Canada, ainsi que les politiques institutionnelles mises en œuvre pour résoudre ces problèmes.

Menée sur deux ans, cette enquête a entendu 1 484 membres des familles et survivants ainsi que de nombreux experts, en plus de mener des recherches approfondies.

La situation s’est un peu améliorée, mais pas beaucoupdéplore Viviane Echaquan, qui a elle-même témoigné sur la disparition suspecte de ses trois sœurs dans des hôpitaux québécois.

La première d’entre elles n’avait que quelques mois lorsqu’elle a été évacuée sans ses parents de Manawan vers l’hôpital de Joliette pour y être soignée pour une bronchite. Après avoir été libéré, le bébé serait décédé subitement alors qu’il recevait les soins attentifs d’un médecin. La petite fille aurait été enterrée sans croix ni plaque à l’extérieur d’un cimetière, sous prétexte qu’elle n’était pas baptisée.

M. Echaquan estime que sa fille est toujours en vie, qu’il y a probablement eu un échange de bébés et qu’il attend toujours son arrivée pour qu’elle vienne prendre des nouvelles de sa famille.peut-on lire dans une transcription d’audience de l’ENFFADA.

Une autre de ses sœurs n’a pas survécu à l’accouchement, contrairement à son frère jumeau, même si leur mère affirme les avoir entendues pleurer juste après l’accouchement.

Une troisième, également encore très jeune, est décédée à l’hôpital de La Tuque deux semaines après qu’un médecin a insisté pour la garder aux soins intensifs même si c’est la mère qui a eu l’idée de cette visite parce qu’elle se croyait malade, et non son enfant.

Étant l’aînée de cette famille de 11 enfants, Mme Echaquan s’est donné pour mission de faire la lumière sur ces trois cas, comme l’ont souhaité ses parents dans leurs dernières volontés.

Avant que ma mère ne meure, alors qu’elle était aux soins intensifs, elle m’a dit : « Ma fille, j’espère que tu n’arrêteras pas de faire des démarches, de chercher tes sœurs.» confia-t-elle, la voix tremblante.

Dans sa quête de vérité, Viviane Echaquan doit combattre une certaine méfiance envers les institutions québécoises, exacerbée par le décès de sa cousine Joyce Echaquan. (Photo d’archives)

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Depuis, cette mère Atikamekw a envoyé, avec l’aide de son mari, d’innombrables demandes d’information auprès d’institutions telles que des hôpitaux, le gouvernement fédéral, un presbytère, la Régie de l’assurance santé du Québec et le conseil de bande de Manawan.

À ce jour, le couple reste sans réponse concrète, n’ayant reçu que des bribes d’informations. Entre autres choses, les dates de décès qui figurent dans les différents registres se contredisent la plupart du temps.

Une enquête distincte pour une seule question

Malgré le titre officiel de l’ENFFADA, son mandat ne se limite pas aux cas de femmes disparues ou assassinées : il englobe toutes les formes de violence qu’elles subissent. Dans le cas du Québec, son champ d’application a été étendu aux enfants disparus ou décédés, à la demande de l’entourage de Viviane Echaquan.

En effet, un rapport spécifique au Québec a été préparé, la direction jugeant qu’il fallait porter une attention particulière à la situation des femmes autochtones dans cette province en raison de ses spécificités.

Cependant, cette enquête parallèle menée par la commissaire innue Michèle Audette a révélé une sombre tendance : certaines communautés autochtones ont vu plusieurs de leurs enfants disparaître après avoir été admis dans des hôpitaux ou des centres de santé au Québec entre 1950 et 1979.

Il a été conclu que certaines politiques coloniales avaient autrefois été axées sur les enfants, ce qui avait eu un impact très négatif sur les communautés.» raconte l’ancienne directrice de recherche à l’ENFFADA et membre de la bande indienne de Red Rock, Karine Duhamel.

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Karine Duhamel a dirigé plusieurs équipes et exercé plusieurs fonctions importantes lors des travaux de l’ENFFADA, allant de l’analyse des témoignages à la rédaction du rapport final.

Photo : Radio-Canada / Julien Sahuquillo

Selon des témoignages, les familles ne recevaient plus de nouvelles de leurs enfants après leur admission ou après leur transfert dans un autre service de santé et ne savaient pas s’ils étaient vivants ou morts. Certaines familles attendent depuis plus de 40 ans la confirmation du décès ou des informations relatives à l’état de santé de leur(s) enfant(s).

Une citation de Extrait du rapport final de l’ENFFADA

Mme Duhamel souligne également que cela Manque de réponse entrave le processus de guérison et ces questions lancinantes continuer à animer les expériences de nombreuses femmes autochtones et de nombreuses familles aujourd’hui.

C’est difficile de faire des recherches, c’est très difficile de trouver où sont mes sœurs. J’aimerais ça, retrouver mes sœurs : je veux accomplir ce que ma mère et mon père m’ont demandéraconte Viviane Echaquan, qui avait également demandé à l’ENFFADA de l’aider dans ses démarches, ce qui était impossible faute de temps.

Cela aurait mérité un processus à part qui aurait vraiment ciblé cette problématique pour pouvoir apporter des certitudes à ces familles qui continueront à se poser ces questions jusqu’à ce qu’elles ne soient plus là.explique Karine Duhamel, ajoutant que cette quête de vérité se transmet d’une génération à l’autre.

Les efforts du Québec appréciés par les familles autochtones

Justement, l’un des appels à la justice de l’ENFFADA réclamé du Québec créer une commission d’enquête sur les enfants retirés aux familles autochtones.

Cependant, le gouvernement du Québec, de concert avec les familles concernées, a jugé qu’un projet de loi était plus approprié.

Parce qu’avec les nombreuses recommandations et commissions d’enquête qui n’ont pas donné grand chose, nous avons dit : “On va essayer”se souvient le mari de Mme Echaquan, Pierre-Paul Niquay, également Atikamekw.

C’est ainsi que le projet de loi n° 79, intitulé Loi autorisant la communication de renseignements personnels aux familles d’enfants autochtones disparus ou décédés suite à leur admission en établissement, a été adopté à l’unanimité en juin 2021.

Désireux de s’impliquer dans la recherche, le couple participe à la création deAwacak (« petits êtres de lumière » en Atikamekw), un organisme à but non lucratif.

Constituée uniquement de membres de familles autochtones ayant perdu toute trace de leurs enfants, sa mission est de représenter, accompagner et soutenir dans leur recherche les familles ayant subi des incidents similaires suite à leur admission dans un établissement de santé et de services sociaux.

En général, les familles apprécient les efforts du Québecsoutient M. Niquay, admettant queil n’y a pas de loi parfaite.

Il estime néanmoins qu’il appartiendra toujours au Québec de maintenir le lien de confiance établi. La destination est importante, certes, mais la marche l’est encore plus.

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Pierre-Paul Niquay agit comme agent de recrutement et d’information au sein d’Awacak, ayant lui-même des proches disparus ou décédés dans des établissements au Québec.

Photo : CBC / Sylvain Roy Roussel

Les statistiques au cœur des tourments familiaux

Malgré les efforts des gouvernements et le travail d’investigation colossal de l’ENFFADA, les progrès semblent timides.

Selon Karine Duhamel, la Source du problème réside dans l’absence de statistiques fiables sur le sujet.

je pense qu’il y a eu des progrès […]mais nous sommes toujours confrontés à un problème fondamental qui s’illustre par le fait que, cinq ans plus tard, nous ne disposons toujours pas de statistiques ou de données satisfaisantes» déclare le coprésident de la Stratégie Données du plan d’action national 2021, élaboré pour suivre les travaux de l’ENFFADA.

Au Québec, le peu de données qui existent sont souvent incomplètes en raison non seulement du manque de ressources et des barrières linguistiques mais aussi de la méfiance à l’égard des services offerts par l’État.

Nous avons entendu dire que de nombreuses personnes n’osaient pas identifier leurs proches comme autochtones parce qu’elles craignaient que les services ne mènent pas l’enquête de la même manière qu’ils le feraient pour une personne non autochtone. indigène.

Une citation de Karine Duhamel, ancienne directrice de recherche à l’ENFFADA

Même à ce jour, il y aurait Beaucoup de gens [qui] ne se sent pas[ent] pas assez sûr pour partager ce genre d’informationsselon Karine Duhamel.

Une partie de la solution reviendrait au gouvernement, qui doit favoriser un sentiment de sécurité dans ses services, ce qui implique une sensibilisation accrue à la réalité des femmes autochtones.

Il y a beaucoup d’éducation à faire auprès du public et des responsables afin non seulement de mieux valoriser les expériences des survivants et des membres de leur famille, mais aussi de percevoir les femmes et les filles autochtones comme des personnes sacrées.conclut-elle en invitant le grand public à lire le rapport.

 
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