Le monopole syndical de l’Union des Producteurs Agricoles, l’éléphant dans la pièce que personne ne veut voir

Le monopole syndical de l’Union des Producteurs Agricoles, l’éléphant dans la pièce que personne ne veut voir
Le monopole syndical de l’Union des Producteurs Agricoles, l’éléphant dans la pièce que personne ne veut voir

Sujet tabou parmi tous, véritable éléphant dans la pièce que personne ne veut voir, le monopole syndical de l’UPA a fait l’objet d’un débat surprenant lors du conseil national de Québec solidaire (QS), le week-end dernier au Saguenay.

Surprenant car c’était la première fois depuis l’enterrement de première classe du rapport Pronovost sur l’avenir de l’agriculture, en 2008, pour crime de lèse-majesté contre ce fameux monopole, que la question du pluralisme syndical dans l’agriculture attirait ainsi l’attention. . Surprenant aussi parce qu’il s’agit de l’œuvre d’un parti politique dit « montréaliste » et sans réel ancrage dans le monde rural.

Les militants ont choisi de justesse de maintenir l’opposition de QS à ce monopole, mais nous sentons clairement que ce n’est que partie remise.

Qu’en est-il de ce monopole syndical 52 ans après sa création par la loi sur les producteurs agricoles ? Force progressiste, rempart essentiel pour la défense des agriculteurs, comme l’ont affirmé les militants de QS, ou rempart du statu quo et leader de tout changement dans nos programmes et politiques agricoles, comme d’autres l’ont crié. haut et fort ?

Disons d’abord qu’il s’agit d’une situation unique sur la planète, du moins dans le monde dit démocratique. Nulle part ailleurs le droit d’association défini par la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies n’est limité de cette manière. Partout ailleurs, deux ou trois associations agricoles reflètent la diversité des intérêts, des régions et des modes de production, sans empêcher un syndicat plus fort que les autres de s’affirmer sur des questions d’intérêt national.

Disons aussi qu’au début des années 1970, lorsque ce monopole syndical a été accordé par la loi, il était sans doute nécessaire. C’était l’époque de la grande modernisation de notre agriculture, avec l’avènement de la gestion de l’offre, des programmes de commercialisation mixtes, ainsi que de grands mécanismes de soutien, comme l’assurance stabilisation des revenus et la protection des terres agricoles. On peut croire que ces réformes majeures n’auraient pas été possibles sans le soutien d’un syndicat unique tant le monde agricole était divisé sur la plupart de ces questions.

Le problème est que ces politiques et programmes n’ont pas évolué, pour l’essentiel, depuis une cinquantaine d’années, alors que la réalité de l’agriculture n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’elle était dans les années 1970 et 1980. Notre agriculture est devenue à la fois extrêmement spécialisée et diversifiée. La technologie, les marchés et nos politiques ont conduit à la création d’entreprises toujours plus grandes, au détriment de l’exploitation agricole moyenne, tandis que de plus en plus de jeunes, attirés par le bio et les différents modèles, frappent à la porte sans encore pouvoir entrer. Force est de constater que l’union unique, nécessaire au bon vieux temps, a aujourd’hui tout d’un corset qui craque partout.

Le rapport Pronovost, mis aux oubliettes il y a 16 ans à la suite du « niet » de l’UPA, recommandait déjà une refonte majeure de nos politiques et programmes agricoles, à commencer par l’instauration du pluralisme syndical et d’un soutien universel aux exploitations agricoles, peu importe leur taille, leur production ou leur région. Il fallait, dit le rapport, ouvrir les fenêtres de la forteresse agricole à un vent de diversité, d’innovation et de fraîcheur.

Soyons clairs : l’UPA est une grande institution. Elle a joué un rôle que l’on pourrait qualifier de civilisateur, comme l’a fait l’Église catholique dans ses bonnes années. Condamner son monopole, ce n’est pas condamner l’UPA, ce que ses dirigeants semblent incapables de l’admettre. Pour sa défense, disons aussi que s’il occupe autant de place dans le paysage agricole, c’est parce que l’État s’est beaucoup désengagé d’une réingénierie à l’autre.

Mais il y a une cause plus profonde à la toute-puissance de l’UPA : l’argent. Peu de gens s’en rendent compte, mais nos lois agricoles confèrent à l’UPA un quasi-droit de « taxation sans représentation » en raison de son contrôle, par l’intermédiaire de ses fédérations spécialisées, sur les programmes de commercialisation mixte. Chaque produit qui passe par ce mécanisme – un lapin, une douzaine d’œufs ou un gallon de lait – génère des frais pour l’administration du programme mixte, la publicité et d’autres fonctions utiles et légitimes.

Il s’agit de sommes colossales dont l’UPA a peu de comptes à rendre et qui servent de base à la grande influence qu’elle exerce d’un bout à l’autre du spectre de nos institutions agricoles, du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) pour centres de recherche, y compris nos universités. Cette influence n’est pas nécessairement mauvaise ; le problème, c’est qu’il n’a pas de contrepoids, pas même celui de l’État, terrifié de voir les tracteurs descendre dans la rue s’il ose déplaire à l’UPA.

Le conseil national de QS l’a démontré : un débat sur le monopole syndical de l’UPA est extrêmement clivant. C’est difficile, cela demande du courage, mais c’est plus que jamais nécessaire.

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