« J’étais fou d’elle, je ne lui aurais jamais fait de mal ! » – .

« J’étais fou d’elle, je ne lui aurais jamais fait de mal ! » – .
« J’étais fou d’elle, je ne lui aurais jamais fait de mal ! » – .
Shutter2U/AdobeStock

Pour harcèlement moral, outrage et menaces de mort contre l’assistante sociale qui l’a aidé à trouver un logement, un homme est présenté devant le tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes. Il a minimisé les faits et surtout, assez agacé le juge par ses discours intempestifs.

Monsieur M. s’avance, un peu agité et nonchalant, aux commandes du 10e chambre criminelle du tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes. Il est accusé de menaces de mort, d’actes de harcèlement moral et d’outrage à personne chargée d’une mission de service public. Son avocat demande la requalification de harcèlement moral car la victime n’a pas bénéficié de jours ITT. « La vérité est la vérité », commente le prévenu, qui tente à plusieurs reprises de s’exprimer, malgré le rappel des règles par le juge. L’audience vient de commencer et elle s’annonce déjà longue puisque Monsieur M. est bien décidé à commenter chaque mot prononcé par le juge.

Les événements s’étendent de juin à septembre 2023. Le 21 septembre, la police est appelée dans un immeuble à Évry car un individu s’est présenté avec un couteau et a proféré des menaces de mort. Grâce aux indications de plusieurs employés, un homme est retrouvé sur les étages, Monsieur M. Il a les yeux vitreux et une canette à la main. La victime, Mme F., est employée comme assistante sociale au Csapa, c’est elle qui suit le dossier de M. M., et depuis plusieurs mois, elle reçoit de sa part des menaces de mort au téléphone et dans sa boîte aux lettres. . Un couteau est retrouvé derrière un extincteur.

“La police dit la vérité, mais pour le reste, je ne sais pas”, clame l’accusé. Mme F., absente à l’audience, a raconté lors de son audition que le matin même, elle avait rencontré M. M. alors qu’il se rendait à son travail, qui l’avait saluée, et était resté devant le bâtiment pendant qu’il lui envoyait des emails injurieux ( “Tu es une grosse pute à deux visages”) et l’a appelé au standard. “Mais c’est un e-mail !” », écrit encore Monsieur M., qui semble imaginer que cela n’a pas beaucoup d’importance ni d’effet. Il avoue clairement l’avoir écrit, ainsi que les précédents, ceux où il lui déclare son amour. “J’étais fou d’elle, je ne lui aurais jamais fait de mal !” » La juge tempère ses ardeurs : « Sur d’autres emails, on est loin de la déclaration d’amour. »

“Elle voit plein de gars comme moi”

Parce qu’elle l’a hébergé dans une chambre d’hôtel avant de parvenir à lui trouver un appartement, l’a aidé à sortir de la rue et de l’addiction, bref, parce qu’elle fait son métier, Madame F. a conquis malgré elle le cœur de Monsieur M. En tout cas, c’est ainsi qu’il l’exprime. Face à ses déclarations, elle a fait le choix de ne plus suivre son dossier et de le confier à un confrère.

– « Elle ne m’a jamais dit de ne plus lui écrire », répond Monsieur M. « Si elle ne me dit pas non, c’est peut-être oui.

– Elle ne te dit pas d’arrêter ?

– Une fois, quand j’ai fait une bêtise.

– Quand ?

– 21 septembre. »

Le juge rappelle que plusieurs témoins, dont des personnes ne connaissant pas Mme F., ont entendu distinctement des menaces de mort. Pas de quoi convaincre l’accusé : “Je sais que c’est des mensonges !” Trois personnes disant trois choses différentes. Je n’aurais jamais fait de mal ! »

– « Vous ne pensez pas que votre attitude aurait pu l’effrayer ?

– Elle a fait beaucoup pour moi…

– Elle a fait son travail. »

Tout porte à croire que Monsieur M. se sentait spécial, privilégié, aux yeux de l’assistante sociale chargée de son dossier, et qu’il croyait même bénéficier d’un traitement de faveur. Les mails et les appels ont créé un climat tendu au sein de la structure, au point que la direction a mis en place des mesures de sécurité pour rassurer le personnel. Monsieur M. continue de ne pas prendre ses actes très au sérieux. « C’est Dieu qui voit tout », rétorque-t-il. « Nous allons laisser Dieu là où il est », s’impatiente le juge.

Plus le public avance, plus il intervient indistinctement et interrompt la parole, non sans provoquer par moments : « Elle est assistante sociale, elle voit beaucoup de gars comme moi… et elle en profite beaucoup ! » Il avait le sentiment d’être « pris pour un idiot » et ne voulait plus avoir de nouvelles de Madame F.

Son casier judiciaire est chargé et contient même une mention de harcèlement sexuel envers une personne chargée d’une mission de service public, son gardien. Il a été examiné par un psychiatre et un psychologue. Le problème, c’est que le premier écarte tout éventuel comportement érotomane, l’autre se montre beaucoup moins catégorique sur le sujet. Il n’en demeure pas moins qu’aucun des deux n’a détecté de pathologie particulière, mais tous deux mettent en avant le problème de la consommation d’alcool.

“Dans la tête de Monsieur, les choses ne sont pas si claires”

Le procureur déplore que Monsieur M. s’en soit pris à quelqu’un qui n’avait fait que son travail et qui justement l’aidait. Elle pointe le caractère vulgaire et dégradant des mails envoyés, tandis que Monsieur M. pousse de grands soupirs agacés après avoir été rappelé à l’ordre une énième fois. Elle requiert une suspension probatoire, insistant sur le fait que c’est la dernière fois, un an d’emprisonnement avec obligation de soins et évidemment toute interdiction de contact et de venue au domicile et au travail de la victime.

L’avocate est désemparée mais patiente, face au comportement toujours incontrôlable de Me M. qu’elle fait asseoir face à elle : « Vous n’allez pas commenter l’intégralité de ma plaidoirie ! « . Pour elle, la qualification de harcèlement ne tient pas : « En tout, une quinzaine de mails ont été envoyés, on a l’impression d’une multiplicité, mais il faut réduire cela à une juste proportion. Moi aussi, je lui ai dit qu’elle faisait son travail, mais dans la tête de Monsieur M., les choses ne sont pas aussi claires. » Par mail, il lui a également demandé si elle souhaitait qu’il arrête, sans obtenir de réponse, souligne la défense, qui demande donc une relaxe pour le harcèlement, et pour le reste, une réduction du quantum. «Je ne voulais pas en arriver là», déplore le prévenu qui peut enfin s’exprimer.

Le juge l’a effectivement acquitté du harcèlement, mais l’a déclaré coupable du reste. Sans surprise, Monsieur M. tente à nouveau de lui couper la parole. Le juge, exaspéré, l’a condamné à huit mois de prison avec sursis probatoire de deux ans. “Je n’ai pas compris, il y avait trop d’informations”, s’est plaint le prévenu. Une fois la phrase clarifiée, il la remercie vigoureusement et dit à son avocat « Vous êtes le meilleur ! »

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV l’acteur sera jugé pour « blessures involontaires » après son accident de la route
NEXT que signifie la condition « phase avancée ou terminale » qui remplace « pronostic vital engagé » dans le projet de loi ? – .