La journée sans métro

Considérez cela comme une humble contribution au débat public : je propose d’organiser la toute première journée sans métro.


Publié à 00h49

Mis à jour à 6h00

Je dis métro, mais j’inclus les bus publics, les trains de banlieue, le REM. Les véhicules des sociétés de transport sont laissés au garage pendant 24 heures et les chauffeurs bénéficient d’un congé.

Après tout, les journées sans voiture existent. Pourquoi pas une journée sans transports en commun ?

Je plaisante – mais seulement à moitié. Il m’arrive parfois de rêver d’un tel jour. Je m’asseyais avec un pop-corn et je regardais la désorganisation se propager dans les grandes villes du Québec.

Ponts bloqués. Des cours à moitié vides. Chirurgies annulées faute d’infirmières capables de venir travailler. Pas de quoi se réjouir, on est d’accord. Mais peut-être avons-nous besoin de cette preuve par l’absurde pour que nos politiciens provinciaux se rendent compte, au son des klaxons, que le transport public n’est pas seulement une affaire importante et coûteuse, mais aussi un service essentiel.

Catherine Morency, titulaire de la Chaire Mobilité à Polytechnique Montréal, m’a aidé à imaginer à quoi pourrait ressembler une telle journée sans transport en commun dans la grande région de Montréal. Je vous jure que nous en tirons des leçons intéressantes.

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PHOTO CAROLINE PERRON, FOURNIE PAR CATHERINE MORENCY

Professeure au département de génie civil, géologique et minier de Polytechnique Montréal, Catherine Morency

En semaine, les déplacements effectués par l’ensemble des usagers des transports publics de la région métropolitaine représentent l’équivalent de près de 15 millions de kilomètres. 1, 2. Cela représente 39 fois la distance Terre-Lune !

Que se passerait-il si nous supprimions ces voyages ?

Environ 28,5 % des usagers des transports publics de la région métropolitaine sont « captifs », c’est-à-dire qu’ils ne possèdent pas de voiture. Une partie d’entre eux pourraient se déplacer à vélo ou à pied.

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PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Lors d’une journée sans métro, une proportion de Montréalais pourrait opter pour le vélo.

Certains pourraient télétravailler. Mais ce n’est pas le cas des ouvriers d’usine, des aides-soignants, des enseignants, des infirmières et des garderies. Il faut y ajouter les élèves et étudiants, qui représentent 36 % des usagers des transports publics et qui ne peuvent pas tous étudier à domicile.

Des dizaines de milliers de personnes seraient ainsi arrachées à leurs foyers.

D’une manière générale, ceux qui ont les revenus les plus faibles ou qui n’ont pas le luxe ou le privilège de conduire – les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées – seraient les plus pénalisés. On oublie trop souvent que la question des transports publics implique des enjeux majeurs d’équité.

Catherine Morency, titulaire de la Chaire Mobilité à Polytechnique Montréal

L’effet domino affecterait tout le monde. Car une enseignante en garderie qui ne vient pas travailler peut sérieusement compliquer la journée d’un avocat ou d’un médecin.

Les chiffres montrent que 38,4% des usagers des transports publics vivent dans des ménages où il y a autant de voitures que de titulaires de permis de conduire. Si tous ces gens sautaient dans leurs véhicules, la distance totale parcourue par ces nouvelles voitures sur les routes atteindrait près de 5 millions de kilomètres (à raison de 1,2 personne par voiture, le ratio actuel).

“Ce serait l’impasse [embouteillage] plein partout », commente le professeur Morency.

Plus on s’éloigne du centre de Montréal, plus la proportion de déplacements effectués en transport en commun diminue. À première vue, on pourrait penser que les banlieusards seraient donc moins touchés par l’arrêt des transports en commun que les Montréalais puisqu’ils les utilisent moins.

Mais l’expert prédit exactement le contraire.

Les plus pénalisés seront les habitants des banlieues. Parce que la capacité routière disponible sera utilisée par les Montréalais – les rues, les artères, les autoroutes, les stationnements. Ils utiliseront toutes les capacités disponibles au centre, avec un effet tsunami vers les territoires moins centraux.

Catherine Morency, titulaire de la Chaire Mobilité à Polytechnique Montréal

Je trouve cette dernière observation particulièrement éclairante. Un résident de Beloeil ou de Blainville qui utilise sa voiture pour se rendre à Montréal peut avoir l’impression que le métro ne lui apporte rien – et on comprendrait ce raisonnement. Mais nous voyons que cette perception ne pourrait pas être plus fausse.

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PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Une journée sans métro provoquerait un effet domino qui toucherait tout le Grand Montréal.

En plus de provoquer des embouteillages et des impacts économiques sur le trajet, une journée sans métro générerait une augmentation de la pollution, du bruit, des risques d’accidents et du stress (des études montrent que les gens trouvent plus stressant de conduire que de prendre le train ou le bus, notamment dans les embouteillages). congestion).

Il existe évidemment des moyens moins radicaux pour prendre conscience des impacts positifs des transports publics que de les paralyser pendant 24 heures. La première consiste à lire le rapport éclairant de 141 pages mis à jour ce mois-ci par le Victoria Transport Policy Institute.3.

Il liste les coûts bien réels des réseaux de transports publics, mais aussi leurs avantages.

« La planification des transports conventionnels a tendance à négliger ou à sous-évaluer bon nombre de ces avantages, ce qui entraîne un sous-investissement dans les services de transport public », écrivent les auteurs dans une phrase qu’on aimerait imprimer sur un biscuit chinois et remettre au ministre des Transports et de la Mobilité durable. , Geneviève Guilbault.

Ces bénéfices négligés touchent des aspects aussi divers que le budget des ménages, la protection des terres agricoles, la réduction des accidents ou la cohésion des communautés.

Le rapport montre noir sur blanc que même si les transports publics sont très chers, les bénéfices dépassent les coûts (ratio de 1,3 à 2,9 selon les différents scénarios étudiés).

Tout comme le réseau routier, le réseau de transport collectif représente les veines et les artères de nos villes. Les travailleurs, les étudiants, les familles et les consommateurs qu’elle déplace sont l’oxygène de nos communautés.

Actuellement, les débats publics se concentrent presque exclusivement sur les coûts des réseaux de transports publics. Il est peut-être temps de prendre en compte les profits dans l’équation. Sinon, c’est comme se plaindre qu’un âne coûte cher en foin. Oublier les biens qu’il porte sur son dos.

1. Cette estimation et celles qui suivent sont issues de l’enquête Origine-Destination 2018la plus récente.

2. Consultez l’enquête Origine-destination 2018

3. Lisez le rapport du Victoria Transport Policy Institute Évaluation des avantages et des coûts du transport en commun (En anglais)

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