Mal aimé des salariés, le flex office n’a pas que des défauts

Mal aimé des salariés, le flex office n’a pas que des défauts
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En introduisant le flex office, l’entreprise souhaite réduire ses coûts”, soutient Jean Courtot, délégué syndical central CFE-CGC Engie SA. Il estime qu’après presque sept ans, le choc est passé et que les salariés y sont désormais habitués. Mais il considère qu’avec un ratio de quatre places pour dix salariés, on manque de place. Nicolas Rolland, responsable de la performance RH, estime ce ratio plutôt à six pour dix, “avec quelques variables dans certaines entités”mais se défend : «Il ne s’agit pas de réduire les coûts, mais d’optimiser l’espace, en ayant des lieux plus collaboratifs et ouverts.»

Il est difficile, dans de nombreuses entreprises, de voir les deux points de vue se rejoindre. Le flex office est encore souvent perçu comme la possibilité pour les employeurs de réaliser des gains immobiliers au prix d’une dégradation des conditions de travail des salariés. “Il est souvent perçu négativement, comme une contrepartie du télétravail», décrypte Christophe Nguyen, président du cabinet de conseil Empreinte Humaine.

Consultation en amont

Par conséquent, certains employés le contournent. Ils arrivent tôt pour choisir leur place. Laissez une veste sur un siège le soir en partant. Réservez une salle de réunion ou une bulle pour des journées entières, ainsi transformées en bureaux individuels. Face à cela, les réactions des employeurs divergent. Ici, tout vêtement trouvé sur un siège le soir est confié au PC de sécurité. Là, comme dans le groupe VYV, Cécile Lassus-Carrois, sa directrice RH, invite à l’action »avec bon sens et gentillesse » et reconnaît que si une personne au sein d’une équipe donnée souhaite conserver sa place, celle-ci lui est donnée. Ailleurs, certains employés récupèrent chaque matin un petit panier d’effets personnels dans leur casier pour le déposer sur leur bureau pour la journée.

Car tout le monde le reconnaît, encore plus depuis l’instauration du télétravail : lorsque les salariés reviennent au bureau, ils ont envie de retrouver leurs collègues, ceux qu’ils apprécient, leurs équipes. Toutes les entreprises organisent des zones assignées à telle ou telle équipe, des quartiers chez CNP Assurances, des micro-zonages chez Pernod Ricard. “Les habitudes nous rassurentcommente Francis Boyer, fondateur du cabinet Innovation managériale (anciennement Dynesens). Alors on vient au bureau les jours où un collègue est également là, on choisit un endroit près de lui. Je ne pense pas que le flex office nous permette de nouer de nouvelles relations.» Contrairement à l’objectif affiché par certains de ses promoteurs de créer de la transversalité et de décloisonner les équipes.

Mieux : pour obtenir des adhésions, les entreprises doivent consulter les salariés »,sinon, la brillante solution de bureau flexible deviendra rapidement le problème», prévient Francis Boyer. Comme CNP Assurances, à l’occasion de son déménagement en décembre 2022. »Nous avons fait de ce changement de construction une opportunité de transformation culturelleexplique Colette Hamon, responsable de la transformation managériale et culturelle. Et promouvoir nos valeurs d’ouverture, de transversalité, de décloisonnement.» Pour convaincre, une grande conduite du changement a été mise en place en amont, et tout le monde, y compris les managers, est en flex office, pour «un exemple significatif ». Avec l’avantage, revendique Alain Leprêtre, responsable qualité de vie au travail et inclusion, «ne plus jamais vous retrouver seul dans un bureau isolé lorsque vous venez sur le chantier« .

Confiance et autonomie

Pernod Ricard a également enregistré sa démarche »dans la transformation du groupe : la digitalisation, la recherche de performance, tout en garantissant le bien-être et la santé de nos collaborateurs», indique Émilie Roger-Couffrand, responsable de la communication interne du groupe. Pendant deux ans, avant d’emménager dans le nouveau siège en 2020, les collaborateurs ont été impliqués dans l’ensemble du processus : ateliers de pilotage, visites de chantier, participation au choix des mobiliers, etc.Nous disposons de 18 000 m2 et n’avons jamais voulu entrer dans une logique de ratio.» L’effectif est passé de 900 à 1 250 personnes. Même pensé en amont, le flex office pourrait avoir besoin d’évoluer. Pernod Ricard a déjà développé davantage d’espaces de stockage ou rapproché certaines équipes. Engie déménagera dans son nouveau siège en 2025 et Nicolas Rolland compte en profiter pour créer davantage de salles de réunion et d’« espaces différenciants », de concentration par exemple.

Au-delà de l’agencement des espaces, le flex office nous invite à revoir les organisations de travail. Remettez en question la fréquence des réunions, comme l’a fait Pernod Ricard, et le nombre de personnes qui doivent être présentes. Ou encore travailler sur la posture des managers, et insister sur la confiance, explique Émilie Roger-Couffrand. “Installé parmi tout le monde, le manager doit être exemplaire», ajoute Christophe Nguyen. Avant d’insister : «Le flex office ne peut pas consister à maintenir des opérations identiques avec moins d’espace.» Pour que tout le monde y gagne, aux yeux de Francis Boyer, il s’agit de construire un « nnouveau contrat basé sur la confiance, l’autonomie, en échange d’engagement, de responsabilité et d’équité. Une fois cela établi, nous pourrons alors aborder sereinement la question du flex office.»

“Nous avons gagné la liberté”

Je suis le plus mobile, par choix et nécessité, puisque je participe à de nombreuses réunions.» En poste depuis cinq ans, Florence Tresarrieu, trésorière et responsable de la communication financière du groupe Pernod Ricard, a occupé un bureau individuel pendant dix-huit mois avant de passer, comme tous les salariés du groupe, au flex office. “Je ressens davantage l’état d’esprit de mon équipe, c’est un avantage.» Pas de problème non plus pour la gestion de la confidentialité : «Je n’ai plus de papiers, pas de cahiers, je transporte tout dans mon ordinateur. Et il y a des salles de réunion et des alcôves pour des échanges privés..» Un regret ? Une petite réduction de la convivialité, car il faut éviter de faire trop de bruit. “On a perdu un peu le côté cocon d’une équipe, mais on a gagné en liberté et en flexibilité. Les équipes peuvent télétravailler deux jours par semaine sans perturber l’organisation.»


Vous lisez un article de L’Usine Nouvelle 3729 – avril 2024
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