Laurent Cantet, lauréat de la Palme d’Or avec Entre les Murs, est décédé à 63 ans

Laurent Cantet, lauréat de la Palme d’Or avec Entre les Murs, est décédé à 63 ans
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DISPARITION – Le cinéaste a reçu le César en 2001 pour son premier long métrage Ressources Humaines.

La dernière fois que Laurent Cantet est apparu en public, c’était en septembre 2023, dans un restaurant à deux pas de la gare de l’Est. Le directeur deEntre les murs, Palme d’Or en 2008, a pris place aux côtés d’autres cinéastes (Pascale Ferran, Cédric Klapisch, Bertrand Bonello, Rebecca Zlotowski. Michel Hazanavicius, Olivier Nakache et Éric Toledano), pour présenter la nouvelle version de Cinetek, plateforme de cinéma- aimer la vidéo à la demande. Une « cinémathèque de cinéastes » qu’il avait cofondée et qu’il justifiait en ces termes : “L’offre pléthorique sur les plateformes provoque un tel vertige qu’on ne sait plus quoi regarder.” Laurent Cantet luttait depuis des mois contre un cancer. Un combat perdu jeudi à 63 ans.

Laurent Cantet adorait le collectif. Ce fils d’enseignants avait entretenu des liens forts avec ses camarades rencontrés sur les bancs de l’IDHEC en 1984, Dominik Moll, Gilles Marchand et Robin Campillo. La plupart de ses films mettent en scène des groupes humains luttant ou essayant de vivre en harmonie. Son premier court métrage ne sert à rien Tous à la manifestation. Son premier long métrage, Ressources humaines, met en scène un fils fraîchement diplômé d’une école de commerce parisienne effectuant un stage dans l’usine normande où travaille son père ouvrier. Durant le stage, il découvre qu’un projet de licenciement menace l’entreprise. Ce premier film, César du meilleur premier travail en 2001, révèle au passage l’acteur Jalil Lespert, César du meilleur espoir masculin.

Cantet s’affirme comme un cinéaste engagé et social. Son deuxième film, L’emploi du tempsco-écrit avec Robin Campillo (futur directeur de 120 battements par minute), n’est cependant en aucun cas un tract militant. Il traite toujours du monde du travail, ou plutôt du rapport au travail, de manière subtile et ambiguë. Le scénario s’inspire très librement de l’affaire Jean-Claude Romand, racontée par Emmanuel Carrère dans L’adversaire et adapté au cinéma par Nicole Garcia. Aurélien Recoing incarne un consultant qui cache à sa femme qu’il a perdu son emploi. Il invente des rencontres imaginaires, traîne sur les aires d’autoroute, fréquente un escroc. Cantet retient de Romand le mensonge et la mort sociale de l’homme sans travail. Avec son prochain film, Au sud, inspiré d’un roman de l’écrivain haïtien Dany Laferrière, Cantet prend son essor mais continue de dépeindre les rapports de classes et les dynamiques de pouvoir. Dans un décor de carte postale (cabanes, cocotiers et sable fin), Charlotte Rampling rivalise avec un autre riche Américain pour les faveurs d’un jeune homme de 18 ans.

Cantet continue en 2008 avec Entre les murs, d’après le livre de François Bégaudeau. L’écrivain joue son propre rôle, celui d’un professeur de français dans un collège parisien classé ZEP (zone d’éducation prioritaire). Bien avant la vague actuelle de films sur l’école (Un travail sérieux, La salle des professeurs, Pas de vagues…), Cantet montre la salle de classe comme un microcosme de la société. Et la difficulté pour un enseignant d’incarner l’autorité tout en affirmant les vertus méritocratiques de l’école républicaine malgré les inégalités sociales. Le film est sélectionné in extremis en compétition au Festival de Cannes. Cantet reçoit la Palme d’Or des mains du président du jury Sean Penn. Le cinéaste n’aura plus jamais les honneurs de la compétition, contrairement à d’autres réalisateurs primés et éternels abonnés. Foxfire : Confessions d’un gang de filles n’ira pas sur la Croisette. Basé sur le roman de Joyce Carol Oates, il met en scène un groupe de jeunes filles aux États-Unis dans les années 1950. Leur cible : le machisme, l’influence des hommes. Une œuvre féministe bien avant le mouvement Metoo.

Cantet continue de voyager avec Retour à Ithaque, co-écrit avec l’écrivain cubain Leonardo Padura. Le cinéaste interroge une nouvelle fois le collectif et ses utopies abîmées. Il filme une génération perdue. Des hommes et une femme victimes de “période spéciale” décrétée par Fidel Castro en 1992, une décennie de privation et de répression. Sur un toit-terrasse de La Havane surplombant la mer, cinq amis boivent et discutent. Ils ont la cinquantaine. Du crépuscule à l’aube, ils se souviennent de leur jeunesse disparue et de leurs illusions disparues.

Cantet rentre en France et se montre guère plus optimiste. Dans L’atelier, il pose sa caméra à La Ciotat et imagine Marina Foïs en romancière reconnue animant un atelier d’écriture pour jeunes en insertion. En face d’elle, Antoine, moins nostalgique du chantier fermé depuis 25 ans que réfractaire à tout dialogue et attiré par la violence. Un dialogue de sourds autant qu’un jeu de séduction troublé entre deux générations, deux représentants de deux horizons culturels et sociaux inconciliables.

Arthur Ramboson dernier film, sorti en 2021, s’inspire de l’affaire Mehdi Meklat, du nom de la moitié du duo Mehdi et Badrou, surnommé « les Kids », voix des banlieues et des laissés-pour-compte à travers le Blog Bondy, puis sur France Inter dans le spectacle de Pascale Clark, Pendant qu’ils nous parlent. La découverte de ses tweets racistes, antisémites, homophobes et misogynes, publiés plusieurs années auparavant sous un pseudonyme, a créé la polémique. Cantet condense l’affaire sur deux jours, qui ont vu Karim passer de héraut à zéro. Le Rastignac des temps numériques découvre le triptyque « lécher-dropper-lyncher ». Chacun joue le rôle que lui assigne sa fonction sociale, selon un déterminisme sans faille. Même le petit frère de Karim, Farid, solidaire et victime (la Palestine, Charlie, les flics, il mélange tout).

Laurent Cantet préparait un nouveau film, L’apprenti, aux côtés de Marie-Ange Luciani, la productrice deAnatomie d’une chute. La maladie l’a empêché de réaliser ce projet.

 
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