TotalEnergies : retour aux sources ?

TotalEnergies : retour aux sources ?
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Le désert rocheux impressionne. Dans la région de Bassorah, au sud de l’Irak, les installations du champ pétrolier de Ratawi forment un décor qui évoque une ruée vers l’or noir déjà ancienne. Une verdure clairsemée, timide et éphémère qui a fleuri grâce aux fortes pluies de fin mars.

Ratawi est au seuil d’un étroit et précieux couloir qui mène au golfe Persique, encadré par les frontières avec l’Iran et le Koweït : à une centaine de kilomètres de là, des navires pétroliers partent livrer les barils extraits du sol irakien, la cinquième réserve de pétrole. du monde. C’est ” Où tout a commencé “ pour l’entreprise française, qui en a fait un slogan, « pionniers depuis cent ans ».

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Le 20 septembre 1923, Raymond Poincaré, président du Conseil, demande à l’ingénieur Ernest Mercier de créer un « Compagnie pétrolière française ». L’ancêtre de TotalEnergies est officiellement créé en mars 1924, après de longues négociations. Un siècle plus tard, la société fait son retour en Irak, non pas dans le nord du pays où sont nés ses premiers puits, mais dans le sud relativement stabilisé.

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« Le bébé de Patrick Pouyanné »

Ce retour de TotalEnergies est d’autant plus symbolique qu’il s’effectue avec un projet emblématique de sa stratégie de diversification : baptisé Gas Growth Integrated Project (GGIP), il combinera gaz, pétrole, eau et solaire. L’investissement est énorme : dix milliards de dollars d’investissement initial, 27 milliards au total incluant les frais de fonctionnement, sur 25 ans.

Avec la fin 2027 comme horizon de mise en œuvre, les délais sont ” ambitieux “, souligne Benoît Ludot, responsable du projet. Ce projet est « Le bébé de Patrick Pouyanné », confie un cadre. TotalEnergies ne manque pas de grands projets (Kazakhstan, Mozambique…), mais celui-ci a été « au sommet de sa pile, et même plus que ça : il a mis beaucoup d’efforts ».

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Un dossier complexe et hautement diplomatique

Après un premier accord en 2021, la détermination du PDG sur ce dossier complexe et hautement diplomatique, autrefois menacé par les changements politiques à la tête du pays, a abouti à un contrat définitif le 10 juillet 2023 : TotalEnergies pèse 45%, la société nationale Basrah Oil Company (BOC) 30%, et Qatar Energy 25%.

L’Irak produit actuellement environ 4,3 millions de barils par jour et les hydrocarbures représentent environ la moitié de son PIB. Le pays manque d’électricité : 35 gigawatts de capacité de production théorique, mais seulement 24 en pratique, pour des besoins estimés à 42 GW. Les coupures sont donc fréquentes. Nous en avons à peine un aperçu en arrivant à l’ancien aéroport de Bassorah : deux petites coupures d’électricité, rapidement rétablies, n’ont ému personne.

« Le pays des deux rivières » est également vulnérable au changement climatique : « La prise de conscience du sujet est très forte, le pays en ressent déjà fortement les conséquences », explique Dunia Chalabi, présidente pays de TotalEnergies en Irak. Ce contexte explique cet investissement multi-énergies : “Pour monter un tel projet, il faut du “pétrole” (pétrole, NDLR), c’est sûr, mais ce sont ces quatre dimensions qui ont rendu cela possible”note Benoît Ludot, directeur de projet pour TotalEnergies.

Le cœur du projet est d’abord de mettre un terme à « torchage de routine », cette pratique qui consiste à brûler le gaz émis lors de l’extraction du pétrole, pour produire de l’électricité et ainsi éviter de gaspiller cette ressource. Le volume de gaz perdu lors de cette étape est en fait équivalent à celui que l’Irak importe… de l’Iran voisin.

Avec la fin de cette pratique, la dépendance sera réduite : une usine traitera le gaz récupéré à Ratawi et dans deux champs voisins, pour alimenter les centrales électriques. Production attendue pour la première phase : environ 1,5 GW, soit la consommation actuelle de 1,5 million de foyers irakiens – à terme, le Projet gazier intermédiaire vise le double, ce qui mettrait fin à près d’un tiers du torchage du pays. Les enjeux sont importants car cela permettra de réduire drastiquement les émissions de carbone. Sur la durée de vie du projet, l’équivalent de cinq ans de l’empreinte carbone d’une ville comme Paris sera éliminée.

Du côté du pétrole, « Réaménagement et modernisation responsables » est le mot d’ordre de l’exploitation du champ de Ratawi, un champ sous-exploité jusqu’à présent, servait de variable d’ajustement des quotas de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), relate Laurent Barthélémy, directeur du site, présentant le des installations encore assez vétustes. Des 30 000 barils par jour initiaux, la production doit être portée à 210 000 fin 2027. L’intensité carbone sera contenue autour de 10 kilos de CO2 par baril produit, en avance sur les objectifs du groupe (13 kilos en 2028) et parmi les plus faibles. en Irak.

Le projet comprend une mise à niveau importante. Le briefing de sécurité a été serré : du sulfure d’hydrogène (H2S) aux vieux restes d’explosifs de guerre qui jonchent encore le sol, les dangers sont ici multiples.

« Nous démontrons concrètement que nous sommes capables de fournir des projets autres que purement pétroliers »

Au gaz et au pétrole s’ajoute l’eau, avec un investissement de trois milliards de dollars pour la relance d’un vieux projet : une usine de filtration et de traitement de l’eau de mer, qui doit assurer une capacité de cinq millions de barils d’eau par jour. L’eau douce prélevée dans le Tigre et l’Euphrate pour maintenir la pression dans les champs pétroliers sera remplacée par de l’eau de mer traitée. Seuls 10 % seront destinés au champ de Ratawi. Le volume d’eau douce ainsi libéré pour l’irrigation et l’agriculture locale est estimé à 250 000 m3 par jour : une céréale cruciale pour l’Irak, touché ces dernières années par d’importantes sécheresses.

Avec une gigantesque centrale solaire (voir encadré) pour compléter ce quatuor énergétique, « ici, nous démontrons concrètement que nous sommes capables de réaliser des projets autres que purement pétroliers et de contribuer à la transition énergétique des pays du Sud. », résume Julien Pouget, dont le parcours incarne la transition à l’œuvre chez TotalEnergies : directeur de l’exploration-production du groupe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, il dirigeait auparavant… les énergies renouvelables.

Total défend sa transition critiquée

TotalEnergies : le nouveau nom adopté en 2021 pour afficher sa diversification ne suffit pas à éradiquer les passions déchaînées par la plus grande entreprise française. Ses bénéfices sont visés – un bénéfice net record de 19,8 milliards d’euros en 2023 – mais aussi sa transition vers les énergies renouvelables.

” L’entreprise “, comme le surnomment tous ses salariés, a été une nouvelle fois la cible de militants, en marge de la réception « VIP » organisée à Versailles fin mars pour son centenaire. Les ONG environnementales trouvent inacceptable que l’entreprise continue d’investir dans les énergies fossiles et considèrent que les investissements de Total dans les énergies renouvelables sont simples « écoblanchiment ».

TotalEnergies vise une rentabilité de 12% pour son activité électricité à partir de 2028

TotalEnergies, qui vise la neutralité carbone en 2050, se défend en mettant en avant les sommes colossales investies, bien supérieures à celles des autres « majeures » qui dépendent encore largement – ​​voire exclusivement – ​​des énergies fossiles. « 16,8 milliards de dollars en 2023, dont 35 % dans les énergies bas carbone, principalement l’électricité. »

Le grand patron Patrick Pouyanné rappelle régulièrement que la transition ne se fait pas en un jour et que l’entreprise a initié une véritable révolution culturelle. Nombre de cadres rencontrés au Moyen-Orient en témoignent : l’époque où seuls les salariés de la branche « exploration-production » étaient des rois, c’est fini. Mansur Zhakupov, le patron du Qatar, le résume dans une phrase qui l’a frappé lors de sa formation à son arrivée dans l’entreprise : « Pour que ce soit durable, il faut que ce soit rentable ». Et cela commence à se réaliser : l’entreprise vise une rentabilité de 12 % pour son activité électricité à partir de 2028.

Al Kharsaah, la centrale solaire modèle du Qatar

“La première fois que j’ai vu cette mer de panneaux solaires, c’était comme dans un film de science-fiction”s’exclame Mansour Zhapukov, “chaise de campagne” et directeur de l’exploration-production pour Total au Qatar.

A 80 kilomètres à l’ouest de Doha, la centrale de panneaux solaires s’étend presque à perte de vue sur 1 000 hectares : l’étendue se mesure depuis la baie vitrée à l’étage supérieur du bâtiment où l’on peut suivre la production en temps réel. Une quarantaine de personnes suffisent pour gérer le tout. Les panneaux solaires, bifaces pour absorber également la lumière réfléchie par le sol, sont de véritables tournesols automatisés qui s’orientent pour suivre la course du soleil.

La centrale, construite en partenariat avec Qatar Energy, fournit une puissance de 800 mégawatts, soit de quoi couvrir 10 % de la consommation du Qatar en période de pointe. Il servira de modèle au parc solaire irakien qui sera installé à proximité du champ de Ratawi et qui sera l’un des plus grands au monde, avec 22 km2 de panneaux pour un budget de près d’un milliard de dollars.

La mise en service est prévue pour l’année prochaine, dans un premier temps au quart de sa capacité future. À pleine capacité, elle doit fournir un gigawatt, ce qui représente plus de 4 % de la production électrique actuelle en Irak. Au total, le gouvernement irakien vise une production d’électricité renouvelable de 12 GW d’ici 2027.

 
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