ce que va changer l’annulation du protocole bruit par le Conseil d’Etat

ce que va changer l’annulation du protocole bruit par le Conseil d’Etat
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Par Vincent Guerrier
Publié le

22 avril 24 à 6h30

C’est une décision présentée comme « historique » par les associations dites « anti-éoliennes ».

Mais elle est pratiquement passée inaperçue. Le 8 mars 2024, le Conseil d’État a annulé un protocole bruit en vigueur depuis 2021, relatif aux mesures sonores des éoliennes. Pour la simple raison que ce protocole n’avait jamais pris la peine d’être mis en place selon la bonne procédure administrative : c’est-à-dire après l’élaboration d’une enquête et d’une consultation publique.

Si cette annonce a été très peu médiatisée, c’est parce que le sujet de l’acoustique est terriblement complexe.

L’essentiel est de savoir ce que cette décision va changer pour le développement de la filière éolienne. C’est ici que chacun a son avis sur la question, et que les versions s’entrechoquent.

Pour les associations de riverains et autres opposants aux éoliennes, « cette décision à effet rétroactif implique l’annulation de toutes les autorisations prises sur la base de ces décrets et protocoles », depuis 2021. C’est en tout cas ce que scande la Fédération Environnement durable ( FED), à l’origine de cette décision de justice.

Pour le secteur éolien en revanche, la mesure ne change absolument rien.

Au contraire, on reviendra à un protocole de 2011, moins prometteur

Mattias Vendenbulcke, directeur de la stratégie de Renouvelable, une association qui soutient le secteur.

Un protocole n’est pas une norme de bruit, mais seulement une sorte de cahier des charges, une procédure de mesure à respecter pour mesurer le bruit des éoliennes.

Retour en 2011

Mais pour Fabien Ferreri, président d’Echauffour Environnement, à Echauffour (Orne), qui a également travaillé avec la FED, le fond du problème est simple.

La norme sonore, établie en 2011, n’a jamais été validée. Elle n’a pas suivi le cheminement classique pour être validée, comme une norme AFNOR.

Fabien Ferreri

La préfecture de l’Orne donne néanmoins raison au secteur. Contactée, elle a indiqué que « le protocole acoustique utilisé n’a donc plus de valeur réglementaire, ce qui revient à la version initiale de la disposition de l’arrêté ministériel du 26 août 2011 ».

Elle ajoute que le protocole annulé par le Conseil d’État sera encore, de fait, utilisé sur le terrain.

Le ministère de la Transition écologique recommande de poursuivre sa mise en œuvre. Même si le protocole n’est donc plus juridiquement opposable, il reste la référence qui permet aux services de l’État de poursuivre leur mission de surveillance des éoliennes.

La Préfecture de l’Orne

Pourquoi utiliser un protocole annulé ? « Car ce protocole annulé est une mise à jour de celui de 2011, qui va encore plus loin techniquement, dans la mesure du bruit. Le dernier protocole exigeait, par exemple, l’utilisation d’un pare-brise, entre autres détails. En annulant ce protocole, nous ne rendons pas service aux riverains, bien au contraire. Mais je ne connais aucun opérateur qui se passerait des techniques de mesure qui étaient en place. Au fond, rien ne changera, même si nous soupçonnons que les associations nous attaqueront, via des appels, si nous continuons à utiliser ce protocole», estime Mattias Vendenbulcke.

Des règles pro-vent ?

Selon les associations de riverains, cette annulation par le Conseil d’Etat est une première étape dans la révision de la norme de 2011.

Un calcul qui déforme la réalité ?

Le Perche a pu s’entretenir avec un expert en acoustique qui possède près de trente ans d’expérience dans le domaine. S’il ne souhaite pas être cité, il affirme qu’un changement de méthode de calcul a effectivement fait pencher la balance. « Les services de l’État souhaitaient conserver le système médian, ce qui était loin de faire l’unanimité. En gros, vous prenez le bruit résiduel, c’est à dire le bruit d’un environnement classique sans les machines. Vous obtenez un nuage de points de bruits. Ensuite nous mesurons le bruit ambiant avec les éoliennes. Mais au lieu de définir des pourcentages, ils ont choisi des médianes. C’est un bon moyen de réduire les bruits émergents et d’éliminer les pics de bruit. Il est alors plus simple de ne pas dépasser les +5 décibels réglementaires le jour, et +3 la nuit. Avec ce calcul du bruit et des émergences à partir du terre-plein, nous favorisons le respect de la réglementation des parcs éoliens ICPE. Ce qui a également pour effet de masquer les bruits les plus importants pour les riverains.
Cet expert affirme qu’il existe un « double standard » entre le code de la santé, qui utilise une norme AFNOR, 31-010, en vigueur dans les conflits de voisinage par exemple, et une autre norme pour le code de l’environnement, qui est celle qui régit les ICPE. des projets en particulier. Contactés à ce sujet, les ministères de l’Industrie et de la Transition écologique n’ont pas répondu à nos demandes.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que les experts ont voulu créer une norme de mesure du bruit qui prend en compte le bruit très particulier d’une éolienne. C’était très louable de leur part. Sauf qu’en réalité, les experts n’ont jamais réussi à se mettre d’accord. De ce fait, le projet de norme, non validé, a été évoqué et le groupe de travail a créé un protocole spécifique. Tout cela est très favorable aux opérateurs.

Fabien Ferreri.

La norme AFNOR 31-010 est en cours de révision. Il faut qu’il prenne davantage en compte le bruit du vent. « C’est donc la norme que l’État devrait utiliser à les niveaux. » Nous allons nous battre pour cela, en tout cas », insiste Fabien Ferreri.

Echauffour continuera à courir

Les anti-éoliens et les pro-éoliens s’accordent en tout cas sur une chose : il faudra reconstruire un protocole bruit robuste, qui fera, cette fois, l’objet d’une enquête publique.

“Maintenant qu’ils sont sous le feu des projecteurs, les services de l’Etat ne pourront plus forcer leur passage, comme en 2021. On attend qu’une nouvelle norme soit proposée, avec toutes les parties autour de la table”, souhaite Fabien Ferreri.

Pour Échauffour ?

Ce dernier avait écrit au préfet de l’Orne, Sébastien Jallet, pour lui demander de revoir les autorisations d’exploitation des parcs de l’Orne. Mais selon la Préfecture, cette annulation du protocole ne changera rien : « La décision du Conseil d’Etat ne remet pas en cause la légalité des autorisations délivrées ou de celles à venir. L’exploitation du parc d’Echauffour, autorisée par arrêté préfectoral, n’est pas remise en cause. »

“Pas de vide juridique”

Mattias Vendenbulcke, de France Renouvelables, va encore plus loin : « Tous ces discours de la FED indiquant qu’il y a un vide juridique et qu’il faut revoir tous les parcs en France, c’est évidemment complètement faux. Je suis toujours très surpris de voir l’énergie déployée par certains pour s’opposer aux projets éoliens. Cela leur permet sans doute de réfléchir à autre chose que des solutions concrètes pour renforcer notre souveraineté énergétique dans les années à venir. »

Fabien Ferreri, président d’Echauffour environnement, s’est battu pendant quatre ans contre les éoliennes d’Echauffour notamment. ©Laurent REBOURS

Impatient de

Décision « historique » pour la FED ou « statu quo » Pour la filière éolienne, il est donc très difficile de savoir quel impact aura cette décision sur l’avenir du développement de l’éolien en France et dans le Perche, région historiquement opposée à l’installation de ces machines.

« Continuez le combat »

Président d’Echauffour Environnement, Fabien Ferreri veut faire grève pendant que le fer est chaud. « Il faut maintenant s’attaquer à ce projet de norme de 2011, qui a été adopté sans aucune légitimité. » L’objectif est de faire en sorte que la version actualisée de la norme AFNOR bruit 31-010, qui fait référence dans le code de la santé, devienne la seule référence, comme ce fut le cas au moment de l’installation des premières éoliennes en France. Et le président de l’association y croit plus que jamais. « Nous avons réussi à arrêter le parc d’Echauffour, ce qui était une première en France. Aujourd’hui, la Préfecture l’a restreint, car il n’a pas respecté la réglementation. Désormais, le Conseil d’État nous donne raison lorsque nous dénonçons des passages qui forcent le protocole. Nous continuons à gagner des batailles parce qu’elles sont légitimes. Nous devons continuer ce combat. »

Avec cette nouvelle, les exploitants qui n’ont pas encore validé les projets de parcs marchent un peu sur des œufs.

Chez Voltalia, qui exploite le parc d’Echauffour, des notes ont été envoyées pour inciter à la prudence, dans ce « régime transitoire », notamment dans les dossiers actuellement en cours d’instruction, ou étant en procédure d’appel, ce qui n’est pas le cas de la société.

Mais avec les Zones d’Accélération de Développement des Energies Renouvelables (ZADER), poussées par les Préfectures, les maires sont invités, dès cette année, à définir les zones de leurs communes où il serait possible d’installer de l’énergie verte. Assurances, nouveaux débats houleux avec les riverains.

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